Afrique: Réelection du président sortant en Turquie - Erdogan tel un dictateur africain

Recep Tayyip Erdogan, Président de la Türkiye

Ça y est ! Le président Recep Tayyip Erdogan a été réélu à la tête de la Turquie pour un nouveau mandat de cinq ans. Il l'a emporté à l'issue du second tour de la présidentielle qui s'est tenue le 28 mai dernier, face à son challenger, Kemal Kiliçdaroglu.

Ainsi donc, après 20 ans au pouvoir, Erdogan succède à lui-même et n'est pas prêt à faire valoir ses droits à la retraite. On se croirait en Afrique où obsédés et obnubilés, bien des chefs d'Etat refusent de s'imaginer une autre vie en dehors du pouvoir si fait qu'ils passent le temps à tripatouiller la loi fondamentale de leurs pays respectifs.

En effet, élu successivement à la tête du gouvernement, de 2003 à 2014, Erdogan qui est présenté comme le cofondateur du Parti de la justice et du développement (AKP), devint, finalement, en 2014, le premier président de la République élu au suffrage universel direct. Accro du pouvoir, il donne un tour de vis à son régime qui devint très autoritaire voire dictatorial.

La tentative de coup d'Etat de 2016 lui en donne le prétexte et c'est donc avec une main de fer qu'il conduit les purges qui ont abouti à plus de 50 000 arrestations, dont des députés de l'opposition, et au licenciement de plus de 100 000 employés du secteur public, ainsi qu'à la mise en place de réformes sécuritaires et d'un référendum constitutionnel.

Rêvant d'une Turquie ayant renoué avec la splendeur hélas perdue de Soliman le magnifique, il tente d'élargir la sphère d'influence de son pays après avoir vainement frappé à la porte de l'Union européenne (UE). Il fait monter ainsi les tensions dans la Méditerranée et intervient directement dans le conflit du Haut-Karabagh en Azerbaïdjan.

%

Il y a nécessairement des leçons à tirer pour le continent

Cette politique belliqueuse finit par faire du pays, un grand exportateur d'armes et même de combattants comme on a pu le constater en Libye. Au cours des années de pouvoir d'Erdogan, la Turquie n'a cessé d'accentuer le caractère restrictif de sa politique en matière de liberté d'information et a, en conséquence, soulevé de nombreuses critiques d'ONG internationales.

De 72 à 97 journalistes turcs sont en prison en 2012, contre 13 en fin 2002, l'année de l'arrivée au pouvoir de l'AKP. Reporters sans frontières qualifie alors la Turquie de « première prison au monde pour les journalistes ». C'est donc une dictature à l'africaine dont le destin vient de se jouer dans les urnes. Mais à la décharge de Recep Tayyip Erdogan, il faut reconnaître que son régime a évolué dans un contexte régional difficile marqué par les guerres aux frontières du pays, notamment en Syrie et en Irak et à l'interne, par la rébellion kurde.

Cela a sans doute forgé ce caractère de poigne que l'on connait de cet homme qui s'est vite aussi démarqué des valeurs contestées de la civilisation occidentale. Toutefois, l'on peut, tout de même, se féliciter de la tenue des élections en Turquie et surtout aussi saluer le caractère démocratique du scrutin qui tranche avec les élections en Afrique où les bourrages d'urnes et les achats de consciences et de voix, constituent la règle principale du jeu.

Sur ce plan, la démocratie turque diffère de celle d'Afrique. Il y a donc nécessairement là, des leçons à tirer pour le continent qui a suivi avec attention ce scrutin dans un pays qui a réussi à devenir l'un des principaux partenaires économiques de l'Afrique sous le leadership du président Erdogan dont il faut par ailleurs saluer le nationalisme, une fibre qui a sans doute joué aussi en faveur de sa réélection.

AllAfrica publie environ 400 articles par jour provenant de plus de 100 organes de presse et plus de 500 autres institutions et particuliers, représentant une diversité de positions sur tous les sujets. Nous publions aussi bien les informations et opinions de l'opposition que celles du gouvernement et leurs porte-paroles. Les pourvoyeurs d'informations, identifiés sur chaque article, gardent l'entière responsabilité éditoriale de leur production. En effet AllAfrica n'a pas le droit de modifier ou de corriger leurs contenus.

Les articles et documents identifiant AllAfrica comme source sont produits ou commandés par AllAfrica. Pour tous vos commentaires ou questions, contactez-nous ici.