Ile Maurice: Gel des avoirs de Ginni Gupta - L'État est-il en train de soutenir la Silver Bank?

Le sort de la Bramer Bank fut scellé le 2 avril 2015, en l'espace de quelques heures seulement, et la banque a dû fermer ses portes. Ce qui avait provoqué la chute de tout le groupe BAI. Mais avec la Silver Bank, c'est une toute autre histoire. Pourtant Silver Star SPC est sous le coup d'un «freezing order».

Que font les inspecteurs de la Banque de Maurice (BoM) depuis le mois de février à la Silver Bank ? Pourquoi y sont-ils postés d'une façon presque permanente ? Nous attendons une réponse de la Banque de Maurice.

Une autre question que l'on se pose : où est passé Prateek Gupta qui ne se montre plus à Maurice et encore moins à la banque ? L'Indien, qui vit présumément à Dubaï, était presque toujours présent physiquement à la banque, avant l'affaire Trafigura. C'était lui qui dirigeait de fait l'institution, le CEO géorgien Vasil Revishvili n'y faisant que de la figuration depuis sa nomination. Or, après l'éclatement de l'affaire Trafigura, Prateek Gupta a disparu.

Selon une dépêche, du 19 mai, de Reuters, «The freezing order on Mrs. Gupta was imposed on April 25 on two assets, a house in Dubai, in which the couple are believed to live, and Silver Star SPC, a Cayman Islands investment fund, a court document by Trafigura's lawyers said.» Ce gel s'ajoute donc à celui d'USD 625 millions (Rs 28 milliards) déjà internationalement imposé sur les biens du mari, Prateek Gupta. Quel effet cela aura-t-il sur la Silver Bank, dont Ginni Gupta possède 75 % des actions ? Aucun, pour le moment, nous dit-on, sauf l'interdiction pour Ginni Gupta de vendre ses actions au sein de Silver Star SPC.

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Structure complexe

Il faut savoir que Silver Star SPC est la holding company à 100 % de Silvernova Limited, qui elle-même est la holding company à 100 % de la Silver Bank. En amont, c'est l'épouse de Prateek Gupta, Ginni, de nationalité dominicaine, qui détient 75 % des actions de Silver Star SPC à travers la compagnie émiratie Vision Investments Limited (dont elle est propriétaire à 100 %). Manoj Purushthothaman Menon, de nationalité indienne, lui, possède 25 % des actions de cette même Silver Star SPC à travers la compagnie singapourienne New Alloys Trading PTE Ltd (dont il détient 100 % des actions) (voir schéma de ce montage complexe).

Pourtant, c'est chez cette même Silver Bank que les municipalités de Curepipe et de PortLouis, la National Insurance Company (NIC) et la Mauritius Housing Company ont continué à placer environ Rs 500 millions, qui avaient été déposées à la Banyan Tree, devenue la Silver Bank. Ce n'est pas tout. On y avait placé Rs 2 milliards du Covid-19 Project Development Fund, Rs 500 M ayant été retirées en avril. Et c'est sans compter le Consolidated Fund qui y aurait placé au moins Rs 1 milliard. Alors que la Silver Bank n'a fait que des pertes ces trois dernières années...

Avec le gel des avoirs de Ginni Gupta, on se demande pourquoi la Financial Intelligence Unit, qui se vante d'être en contact permanent avec ses consoeurs à l'international, n'a pas encore frappé. Pour des cas plus indirects que cela, elle l'avait fait. On se rappelle des gels dans l'affaire Sherry Singh.

Reza Uteem, député du Mouvement militant mauricien et avocat spécialisé dans la finance, nous rappelle la question parlementaire du 11 avril qu'il avait posée à propos du véritable bénéficiaire ultime de la Silver Bank. Le ministre Renganaden Padayachy étant absent du pays, ce fut le ministre Sunil Bholah qui avait répondu, ou plutôt pas répondu. Il s'était juste contenté de dire que ces informations étaient confidentielles. «Pourquoi, demande maintenant Reza Uteem, le gouvernement fait tout pour protéger la Silver Bank en continuant à y placer l'argent de plusieurs institutions publiques, y compris des fonds du Covid-19, alors que la solvabilité de cette banque est de plus en plus remise en question, surtout depuis l'affaire Trafigura ?»

Et après le gel des avoirs de Ginni Gupta ? «C'est extrêmement grave ! Je condamne le silence complice de la Banque centrale et du ministre des Finances après le gel des avoirs de l'actionnaire principale de la Silver Bank, Ginni Gupta. Il est clair que cette dernière n'est pas une fit and proper person pour posséder une banque. La due diligence a-telle été faite comme il le faut par la BoM ?» Il nous rappelle que, si la BoM le veut, elle peut ordonner à Silver Nova Ltd de vendre ses actions au sein de la Silver Bank (NdlR, Silver Nova n'est pas concernée pour le moment par le gel). Il ajoute : «J'espère qu'on ne se dirige pas vers un nouveau krach de cette banque, qui endommagera sérieusement notre réputation en tant que centre financier.»

Sudhir Seesungkur, l'ancien ministre de la Bonne gouvernance et des services financiers et expert-comptable, rejoint Reza Uteem pour dire : «Dès le départ, les actionnaires de la Silver Bank n'étaient pas qualifiés pour obtenir une licence bancaire. Quelle due diligence la Banque de Maurice a-telle faite ?» Pour lui, la Silver Bank bénéficie de protections occultes. «Encore une fois, le gouvernement se retrouve comme juge et partie, étant régulateur et client de la banque, tout comme pour Banyan Tree.» Il prévient, que tôt ou tard, les institutions internationales sauront la vérité. «Cela fera très mal à notre secteur financier et à notre image en général.Il est aussi soupçonné que Prateek Gupta aurait pu utiliser la Silver Bank pour blanchir l'argent détourné de Trafigura. Un Audit trail mènerait fatalement vers Maurice.»

Rapport du Public Accounts Committee: quand les conseillers municipaux violent eux-mêmes la démocratie régionale

On a eu beau parler de l'importance des élections municipales, mais lorsque l'on voit les conseillers capituler devant le gouvernement pour quelque chose d'aussi important que le placement de leurs propres fonds, il y a de quoi s'inquiéter.

La partie du rapport du Public Accounts Committee (PAC) concernant le ministère des Collectivités locales, et plus précisément l'affaire de placement de Rs 91 millions et de Rs 45 millions par les municipalités de Curepipe et de Port-Louis respectivement, est peut-être la plus troublante de l'ensemble. Elle confirme, par la même occasion, les craintes que l'express et notamment les députés Reza Uteem et Aadil Ameer Meea avaient déjà exprimées.

Le PAC s'est surtout intéressé à une réunion informelle, le 27 août 2021, pour laquelle il n'existe aucun procès-verbal (tout comme les fameuses réunions du High Level Committee), et au cours de laquelle de mystérieux envoyés du ministère des Finances et de celui des Collectivités locales avaient fait pression sur les conseillers des municipalités de Curepipe et de Port-Louis pour que les dépôts de Rs 91 M et Rs 45 M soient maintenus à la Silver Bank.

Cela, après le maintien de ces mêmes dépôts au-delà de leur date d'échéance, en 2020, chez Banyan Tree Bank, qui deviendra la Silver Bank. Si la municipalité de Port-Louis a refusé pour la moitié de la somme, celle de Curepipe a accepté «with only one Councilor speaking against it», dit le PAC. Et cette conseillère, selon nos informations, n'est même pas de l'opposition, mais de la majorité.

Pour le PAC, ce maintien de fonds à la Silver Bank constitue une flagrante violation d'une circulaire de mai 2019, émise par le ministère des Finances lui-même, qui recommandait à toutes les institutions publiques «to invest their surplus funds either in Government or Treasury Bonds. Rightly so, as to prevent any speculative investment that may lead to loss of public funds». Pour rappel, le même chairman du PAC, Reza Uteem, avait questionné, le 5 avril, le ministre des Finances sur ses raisons de vouloir faire voter Rs 5 milliards pour financer la construction de 8 000 logements lors du vote du Supplementary Appropriation Bill, alors que Rs 6 milliards dormaient dans des banques.

Une banquière très nomade

À lire le site de la Silver Bank, la «Deputy Chief Executive Officer» Tanuja Nair est une banquière exceptionnelle. Elle était «Head of Business Development» à la SBM Capital Management pendant un bref moment avant qu'elle ne rejoigne Bank One en 2016, où «elle aurait beaucoup contribué à enrichir encore plus ses 'high net worth clients' et accompli avec succès d'autres projets».

En tout cas, elle n'y a pas fait long feu puisqu'en 2019, elle a été priée de partir. Après Bank One, elle n'a pas trouvé de travail fixe pendant un moment, avant d'être repêchée par Afri-Life, une compagnie d'assurances appartenant à l'époque à Prateek Gupta, qui l'emmènera avec lui à la Silver Bank, en 2022, lorsqu'il en prendra le contrôle à travers son épouse Ginni. Après la «disparition» de Prateek Gupta, c'est Tanuja Nair qui serait aux commandes à la Silver Bank, mais agissant, nous dit-on, sous les ordres de ce dernier.

Des épargnants de l'ex-delphis bank payés 21 ans après

On apprend que ce n'est que récemment que les derniers déboursements ont eu lieu en faveur des épargnants qui avaient fait confiance à l'ex-Delphis Bank, fermée le 8 mars 2002. Le profil du «bangster» Ketan Somaia ressemble, sur beaucoup de points, à celui dont il est question aujourd'hui. Et pourtant, les autorités, surtout les gouvernements du Mouvement socialiste militant, continuent à les inviter à investir. Peut-être que c'est justement en raison de leur profil controversé ?

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