Sénégal: Dialogue national pour la stabilité politique et la paix civile - La grande épreuve de Macky

Des concertations nationales étalées sur presque deux semaines pour garantir la stabilité sociale et la paix civile au Sénégal : voilà ce à quoi sont invités les différents acteurs qui ont donné leur aval au dialogue national qui débute ce jour, mercredi 31 mai 2023.

Quoique non inclusives ou selon fragmentaires, puisqu'une bonne partie de l'opposition dite « radicale » a décliné la main tendue du pouvoir en place, ces concertations sont parties pour être un véritable défi pour le Président sortant Macky Sall. Un chef d'Etat ou simplement un acteur politique dont la participation au prochain scrutin présidentiel est qualifiée d'anticonstitutionnelle par le camp d'en face. Mais surtout un Président obligé de lâcher du lest sur les principaux points de désaccord avec l'opposition, notamment pour ce qui est du Code électoral (parrainage, articles L 29 à L 31, mise à disposition à temps du fichier électoral...). Et cela, nonobstant la litigieuse équation de la troisième candidature.

En butte à un contexte pré-électoral extrêmement tendu sur fond de « mortal kombat » entre le pouvoir en place et l'opposition dite radicale, où la montée des périls étrangle le quotidien des Sénégalais, par le biais de manifestations et d'actes de violences qui menacent sa stabilité politique et sociale, le Sénégal s'engage encore une fois dans un dialogue national pour redresser la barre. Un dialogue que le chef de l'Etat dit avoir décidé d'organiser avec les différentes composantes de la nation, ce mercredi 31 mai prochain, au palais de la République, afin de « bâtir des consensus durables » sur des questions relatives à la vie nationale et à l'avenir du pays ».

Dans cette dynamique, Macky Sall, présidant la dernière réunion du Conseil des ministres, est largement revenu « sur le Dialogue national, rappelant au gouvernement son engagement permanent, depuis 2012, à consolider le dialogue avec toutes les forces vives de la Nation, afin d'asseoir la paix et la stabilité sociale dans le cadre de notre marche résolue vers un Sénégal émergent à l'horizon 2035 ». Et selon toujours le chef de l'Etat, les concertations envisagées avec les représentants des acteurs politiques, économiques, sociaux, culturels, des chefs religieux et coutumiers, des jeunes et des femmes s'inscrivent « dans l'esprit de la journée du dialogue national, instaurée en 2016, et des acquis des travaux du Comité de pilotage du dialogue national, freinés par la pandémie de Covid-19 ».

Seul hic, le dialogue national devant être engagé ce jour, mercredi, s'amorce dans un contexte lourd de contestation de toute troisième candidature du Président de la République à la magistrature suprême. Déjà crédité d'un septennat (2012-2019) et d'un quinquennat (2019-2024), le chef de l'Etat Macky Sall serait arrivé, selon ses opposants, au bout de toutes ses prérogatives constitutionnelles à un autre mandat, en vertu de l'article 35 de la Constitution qui stipule que « nul ne peut exercer plus de deux mandats consécutifs ».

Du coup, selon l'opposition dans sa globalité, le président sortant et patron de l'Apr (Alliance pour la République) est disqualifié dans toute initiative pour briguer le suffrage universel lors du scrutin présidentiel du 25 février 2024. Comme il est hors-jeu pour diligenter un dialogue national sans avoir au préalable clarifié sa non-participation à l'élection de février prochain. C'est d'ailleurs dans ce cadre qu'une grande partie de l'opposition dite radicale, la coalition Yewwi Askan Wi en particulier et dont la principale locomotive est le parti Pastef-Les Patriotes d'Ousmane Sonko, a opposé une fin de non-recevoir à l'appel au dialogue de Macky Sall.

D'Ousmane Sonko de Pastef à Déthié Fall du Prp et autre Malick Gakou du Grand Parti, ou encore les principaux leaders de la Plateforme des Forces vives F 24, tout comme l'ex-Premier ministre Aminata Touré, candidate à la présidentielle, ils ont été nombreux à avoir dit niet à la main tendue de Macky Sall. Il faut cependant reconnaitre qu'à contrecoup, le Mouvement Taxawu Sénégal piloté par l'ancien maire de Dakar, Khalifa Ababacar Sall, toujours en quête de ses droits d'électeur perdus en 2016, a tourné le dos à la coalition Yewwi Askan Wi pour aller dialoguer avec Macky Sall.

Et dans cette dynamique, Taxawu Sénégal pourrait être secondé, sous condition qu'un audit contradictoire du fichier électoral soit réalisé, par la coalition de l'opposition Wallu Sénégal régentée par le Parti démocratique sénégalais (Pds-ancien parti au pouvoir de 2000 à 2012) et dont le porte-étendard, en l'occurrence Karim Wade, est lui aussi en proie à une inéligibilité qui le met hors circuit de toute élection présidentielle. A moins d'une amnistie ou modification du Code électoral qui lui feraient retrouver ses si précieux droits d'électeur !

Quand le Code électoral devient un problème

Au-delà de la participation des uns et des autres, de quelque bord qu'ils soient, le dialogue national qui devrait durer « deux semaines-au maximum », selon le porte-parole de la présidence, s'avère comme un véritable défi pour le chef de l'Etat. Pour cause, ces concertations nationales sont ouvertes à moins de neuf mois de l'élection présidentielle du 25 février 2024, dans un contexte de tensions extrêmes marquées par la compression des libertés individuelles et collectives, sur fond d'initiatives multisectorielles de liquidation politique des leaders de l'opposition, selon certains esprits.

Qui plus est, le chef de l'Etat est très attendu pour la décrispation du champ politique dominé par l'irrédentisme, du côté du pouvoir comme de l'opposition. Et dans ce micmac politique, le président Macky Sall tient la main pour amorcer les ruptures définitives qui ramèneraient le climat de confiance et de sérénité nécessaire à une bonne déclinaison du processus électoral et à la tenue d'une présidentielle transparente, libre et inclusive. La modification du Code électoral, notamment en ses articles L 29 à L 31 touchant à l'éligibilité des candidats, pourrait grandement contribuer à aplanir la situation. Toute comme la modification et/ou suppression du parrainage citoyen, cette épée de Damoclès au-dessus de la tête des candidats à la présidentielle.

Un parrainage citoyen dont beaucoup d'institutions supra-nationales (Cedeao, Union européenne) ou mêmes nationales (Cena) ont sollicité l'abrogation ou la révision, car en porte-à-faux dans ses contours actuels au droit constitutionnel des citoyens à participer à l'élection présidentielle. Macky Sall réussira-t-il à réussir son dialogue national aux termes de référence jusqu'ici flous et garantir la stabilité politique et la paix civile, au-delà de ses prérogatives régaliennes de maintien de l'ordre constitutionnel et de l'ordre tout court ? Voilà la grande question qui turlupine moult observateurs, à quelques encablures du scrutin présidentiel de février prochain.

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