Ile Maurice: Roilya Ranaivosoa - «J'ai respecté les règlements relatifs aux contrôles»

L'une des meilleures sportives que Maurice ait connues est en pleine tourmente actuellement. Accusée d'avoir enfreint les règles antidopage, l'haltérophile Roilya Ranaivosoa risque de perdre plusieurs de ses titres.

Elle a décidé de sortir du silence à quelques jours de son audience devant l'International Testing Agency (ITA). Elle souligne s'être fait piéger et demeure sereine quant à l'issue de l'audience. La Curepipienne s'insurge également contre le fait que son nom ait été rayé de la liste des nominées pour les Sports Awards.

Roilya Ranaivosoa, un laboratoire de renom a émis la possibilité que vous auriez pu échanger votre échantillon d'urine avec une proche, ce qui constitue une infraction aux règlements antidopage. Coupable ou non coupable ?

-- Non coupable.

Selon l'International Testing Agency, responsable du programme antidopage de la Fédération internationale d'haltérophilie (FIH), votre échantillon d'urine de mars 2016 et celui de mai 2016 est différent au niveau de l'ADN. Selon le rapport de l'ITA, ce n'est pas vous qui avez donné votre échantillon d'urine en mars 2016...

Cette question doit être adressée à la personne qui collecte les échantillons. Il y a eu des cas dans le passé où des personnes influentes ont soudoyé l'Agence mondiale antidopage (WADA). L'ITA est une émanation de WADA. L'objectif est de piéger des athlètes où pour remettre sur le tapis des cas qui se sont finalement révélés faux. Il n'y a qu'à voir le rapport de Richard McLaren qui avait enquêté sur la FIH. Il a mis au grand jour plusieurs anomalies dans ce sport. Ses conclusions en juillet 2016 ont conduit à l'interdiction de la Russie de participer à toutes les compétitions internationales d'athlétisme, y compris les Jeux olympiques de Rio.

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Il a démontré que la FIH était gangrenée par la corruption. Cela incluait l'achat de votes, les dissimulations de dopage et 10,4 millions de dollars (8,2 millions de livres) en espèces qui ne peuvent pas être justifiés. Au cours de l'enquête, l'équipe de McLaren a également découvert des infractions au dopage avec 40 résultats analytiques adverses positifs dissimulés dans les archives de l'IWF. Cela inclut des médaillés d'or et d'argent dont les échantillons n'ont pas été traités.

Donc vous pensez que l'on vous a peut-être piégée ?

Certainement. Il y a une personne très influente à Maurice et qui officie comme entraîneur qui a souvent eu des démêlés avec des athlètes sans qu'il ne soit visé par des enquêtes. Fin avril, la Fédération mauricienne d'haltérophilie (FMH) annonce le retour d'Urdas Constantin comme directeur technique national (DTN) et l'entraîneur en question explique qu'il refuse de travailler avec le nouveau DTN. Ils ne sont pas en bons termes. Quelques semaines après, je suis accusée d'avoir manipulé mon échantillon d'urine. Il est bon de savoir qu'en mars 2016, j'étais en stage en Roumanie sous la férule d'Urdas Constantin. Donc je pense qu'il y a une certaine vengeance et c'est moi qui en paie les conséquences.

Pourtant plusieurs éléments jouent contre vous...

Il n'y a rien qui puisse prouver à ce stade que j'ai échangé mon échantillon d'urine pour couvrir quoi que ce soit. Comment aurai-je fait cela de toute façon? De plus, il convient de savoir que lorsque vous êtes approché par les doping control officers (DCO)il y a un protocole strict à suivre. Dans mon cas j'ai respecté les règlements relatifs aux contrôles et quand il y a eu prélèvement d'urine, la DCO était présente et devant moi. Après je ne peux pas savoir ce qu'il est advenu de mon échantillon une fois que la DCO est partie. Je suis l'athlète la plus contrôlée à Maurice avec plus de 20 contrôles annuellement. On n'a jamais décelé la moindre substance interdite dans mes échantillons depuis le début de ma carrière. J'ai réalisé un contrôle antidopage en 2016 - qui s'est révélé négatif - et ce n'est qu'en 2023 que l'on vient m'accuser d'autre chose.

Selon le rapport du laboratoire, il se pourrait que ce soit une de vos proches qui ait donné cet échantillon...

Je suis présumée innocente jusqu'à preuve du contraire. A ce stade, il n'y a rien d'incriminant contre moi. Comme je vous l'ai expliqué, il y a un protocole strict à suivre pendant les contrôles. La DCO a une photo de moi afin qu'elle puisse me reconnaître avant le prélèvement d'échantillon. De plus je dois lui présenter ma carte d'identité et mon passeport.

Donc à ce niveau il est impossible que ce soit une personne de ma famille qui ait pu faire le test à ma place. Nous sommes également très différentes physiquement. Et pour discréditer cette thèse, je tiens à souligner que le contrôle urinaire de mars 2016 a eu lieu en Roumanie et celle de mai 2016 au Cameroun. Je n'emmène pas ma famille avec moi quand je suis en compétition ou en stage à l'étranger. J'attends que l'on me prouve le contraire.

Comment viviez-vous cette situation ?

J'ai été abasourdie d'entendre cela et choquée par les commentaires de certaines personnes. On a même dit que je n'étais pas une Mauricienne et que je devais retourner dans mon pays. Ces mêmes personnes m'ont serré la main et applaudie il n'y a pas si longtemps quand je ramenais des titres pour le pays. A la suite de cette affaire, vous êtes suspendue depuis le 24 mai.

Vous risquez également de perdre toutes les médailles décrochées depuis mars 2016. Cette éventualité vous effraie-t-elle ? Je suis toujours innocente jusqu'à preuve du contraire. Mais si vous voulez que je vous réponde, je vais vous dire qu'ils ne pourront jamais enlever cette joie que j'ai éprouvée lorsque j'ai récolté ces titres. Ces médailles je les ai décrochées à la sueur de mon front. Li dan mo leker pou touzour sa. Au contraire, je suis curieuse de savoir qui est derrière cette affaire.

Vous avez annoncé votre retraite internationale en novembre 2022. Vous vous attendiez sans doute à une meilleure sortie...

Vous devez vous attendre à tout. Depuis un moment déjà, j'envisageais de reprendre la compétition. Mais désormais, j'ai une motivation supplémentaire pour revenir.

Vous avez une nouvelle fois décroché la médaille d'argent aux Jeux du Commonwealth l'an dernier. Pourtant vous n'avez pas été nominée aux Team Mauritius Sports Awards. Cela aurait-il un rapport avec les accusations portées contre vous ?

Je pense que celle qui a remporté le titre de sportive de l'année (NdlR : Sharone Clair) le méritait comme tous les autres athlètes d'ailleurs. Mais selon la logique, j'aurais dû figurer sur la liste des nominées au moins. C'est vraiment un mauvais signal qu'a envoyé le ministère des Sports. De plus, ce n'est que le jour de la cérémonie que mes proches ont été informés que mon nom ne figurait plus sur la liste.

Donc vous voulez dire que vous aviez été nominée au départ?

Oui. Je faisais partie des nominées. D'ailleurs, mon entraîneur Gino Soupprayen était parmi les nominés justement en raison de cette médaille d'argent décrochée aux Jeux du Commonwealth. Son nom n'a pas été enlevé contrairement à moi et cela montre une certaine incohérence. Si l'organisation évoque le fait que je suis accusée d'avoir enfreint les règles antidopage pour justifier mon absence de la liste alors qu'une enquête est toujours en cours, cela démontre qu'elle n'a aucun respect pour les athlètes alors que j'ai tant donné pour ce pays.

Quelle a été la réaction de la Fédération mauricienne d'haltérophilie (FMH) lorsque votre nom a été cité par l'ITA?

Le président de la FMH a affirmé qu'il a essayé de me contacter. C'est peut-être vrai car là où je suis, je suis difficilement joignable par WhatsApp. Du coup, il a demandé à mon entraîneur Gino Soupprayen de me transmettre le message car il voulait savoir si j'étais au courant de cette affaire. Il n'a toutefois pas dit comment ce rapport, sensé rester confidentiel, a pu fuiter dans la presse. Je ne sais pas qui a pu avoir accès aux courriels de la FMH pour partager le rapport de l'ITA à certains journalistes.

Il est normal que les journalistes aient leurs sources au sein des instances sportives...

Je suis d'accord. Il est important de savoir que seuls les destinataires de ce rapport qui ont ces informations et que c'est strictement confidentiel. Le non-respect de la clause que la loi réprime sévèrement tout manquement au secret de la correspondance. J'invite la FMH à ouvrir une enquête pour savoir qui a enfreint cette clause.

«Il n'y a rien qui puisse prouver à ce stade que j'ai échangé mon échantillon d'urine pour couvrir quoi que ce soit. De plus, il convient de savoir que lorsque vous êtes approché par les «DCO» il y a un protocole strict à suivre»

Comment comptez-vous préparé votre défense ?

Je ne peux révéler le contenu de ma défense. Heureusement que j'ai le soutien de mon époux et de ma belle-soeur qui abattent un énorme travail à ce niveau avec des hommes de loi.

Cela fait plus d'une année que vous vous êtes installée au Qatar. Comment se passent vos journées ?

Je me sens valorisée chaque jour. Mon parcours m'a dirigée vers une carrière de coach et cela me permet de m'entraîner quotidiennement.

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