Après une requalification des faits de viol et de menaces de mort en « corruption de la jeunesse », dans le cadre du Procès opposant Ousmane Sonko à Adji Sarr, le verdict de la chambre criminelle est tombé hier jeudi.
Le leader de Pastef écope de 2 ans ferme et 600 mille francs d'amende. Différente de « la corruption de mineur », la « corruption de la jeunesse » est une infraction à la loi pénale. Prévue et punie par l'article 324 alinéa 2 du Code pénal elle dit ceci : « Sera puni aux peines prévues au présent article, quiconque aura attenté aux moeurs en excitant, favorisant ou facilitant habituellement la débauche ou la corruption de la jeunesse de l'un ou l'autre sexe au-dessous de l'âge de vingt et un ans, ou, même occasionnellement, des mineurs de seize ans ». Alors qu'il a été jugé par contumace, Ousmane Sonko se retrouve ainsi sans recours possible.
Qu'on ne nous dise surtout pas que le verdict a établi qu'il n'y avait ni viol ni menace de mort et que de surcroit, il validait l'idée longtemps brandie de complot orchestré par la majorité en vue d'écarter de la prochaine élection présidentielle l'une des figures de proue de l'opposition. A tout le moins, pourrait-on s'accorder, comme le disait l'autre, que la politique est un jeu de quilles ou tout manque de vigilance peut vous saborder. En tout état de cause on est en droit de subodorer que, Ousmane Sonko et ses conseils, ont produit le bâton pour se faire battre. Il convient en effet de rappeler que lorsqu'on est convoqué au tribunal suite à la plainte d'une tierce personne, on est tenu de s'y rendre et de faire valoir ses moyens de défense. En l'occurrence, quoi que cela puisse coûter, nul n'a le droit de défier l'institution judiciaire. Aussi Simple.
En lieu et place, Ousmane Sonko a posé un acte fort en refusant de répondre au tribunal. Il y a surtout que derrière ce qui apparaissait comme une insoumission se profilait en réalité un statut spécial du politique qui frisait l'impunité. A moins qu'une excessive confiance ne le rende imprudent et qu'une défiance ne le rende insupportable.
Aussi, importe-t-il de rappeler que l'homme ou la femme politique est un citoyen ordinaire, soumis comme tout un chacun aux lois et règlements en vigueur. Mieux encore, il lui incombe un devoir d'exemplarité. Ce faisant, la grosse et incroyable bourde de Sonko aura été de se positionner comme un intouchable, pouvant tranquillement contester des institutions qui, à ses yeux, seraient totalement asservies au pouvoir en place. Une stratégie qui avait manifestement reçu le soutien de ses avocats, lesquels ont semblé user et abuser des ficelles juridiques que leur offrait la loi. Embarqués dans les brèches ainsi ouvertes, ils ont déserté le prétoire au risque de se retrouver dans une impasse.
Que faire alors ? Descendre dans la rue ? Brûler des commerces, des bus de transport et des infrastructures que nous avons en commun ? Paralyser la vie économique et sociale du pays, au nom d'affaires qui originellement étaient d'abord privées, avant de basculer petit à petit en affaire d'Etat ? Disons-le tout net, c'est non. Comment d'ailleurs peut-on être fiers de voir des centaines voire des milliers de jeunes déferler dans les rues, détruisant tout sur leur passage.
Eux qui, dans leur écrasante majorité, englués dans une amertume de lendemains qui déchantent, répétitifs comme un éternel recommencement, sont réduits à constater l'absence d'avenir. A les voir ainsi plombés dans un présent triste et étouffant, se réveillant tous les matins pour se coucher tous les soirs, avec la même détestation de soi, nous oblige d'ailleurs à ne recourir à aucun raccourci consistant à leur faire porter le boubou d'une jeunesse rebelle, militante et patriotique.
Bien au contraire, la faim et le désespoir qui ne sont jamais loin s'invitent aux portes des débordements que l'on peut constater avec les commerces et autres restaurants universitaires vandalisés et pillés. Assurément, arriver à détruire ses propres outils de travail comme cela a été le cas à l'Ucad pose en réalité le problème de la misère politique, économique et sociale dans laquelle nous nous débattons.
Aussi, à quelques encablures de la prochaine élection présidentielle, est-il plus que temps de s'arrêter et de s'interroger sur l'état de la société sénégalaise et de la démocratie qui la travaille. Un passage d'autant plus incontournable, qu'il ne s'agit pas en effet de dégager Moustapha pour le remplacer par Marcel ou Fatoumata, mais de remettre totalement en question l'hyper présidentialisme qui gangrène nos institutions et qui est la cause de beaucoup de nos maux actuels.
A l'évidence, même si les potentiels candidats n'en pipent mot, il est aujourd'hui clairement admis que l'on ne peut laisser autant de pouvoirs entre les seules mains du chef de l'Etat. Ce qui va avec la nécessité de rendre effective la séparation des pouvoirs, la reddition des comptes avec des corps de contrôle efficients. Il s'agit surtout de faire en sorte que le choix de la personne appelée à diriger le pays puisse s'opérer à travers des élections libres et transparentes
. Le débat s'impose plus que jamais puisque l'on ne peut faire comme s'il ne s'était rien passé. En effet, les soubresauts actuels avec leurs lots de destruction et de vies fauchées disent quelque part que le mode de gouvernance sénégalais, essentiellement clientéliste et parasitaire, est malade. Et bien malade.