Sénégal: Des militaires déployés à Dakar, Amnesty International juge la situation «très préoccupante»

Le Sénégal est toujours sous haute tension après la condamnation à deux ans ferme d'Ousmane Sonko pour « corruption de la jeunesse ». Depuis jeudi, les rues de Dakar et Ziguinchor sont notamment le théâtre d'affrontements entre manifestants et forces de l'ordre. Ces affrontements violents ont déjà causé la mort de dix personnes, tandis que les militaires ont été déployés dans plusieurs secteurs de la capitale.

Face aux manifestations qui ont suivi la condamnation d'Ousmane Sonko, des véhicules de l'armée et des militaires ont été positionnés vendredi 2 juin dans plusieurs secteurs de Dakar. Mais uniquement pour sécuriser des sites jugés stratégiques, selon Maham Ka, le porte-parole du ministère de l'Intérieur à la RTS, la radio-télévision nationale. « Toutes les précautions d'organisations de défense et de sécurité ont été prises, et c'est bien organisé, a-t-il estimé. Ce sont des forces de catégorie 1, 2 et 3. La police, la gendarmerie et l'armée, et chacun en cas de troubles, a son rôle à jouer. On a des policiers qui sont positionnés dans certains secteurs qui jouent un rôle, les gendarmes qui en jouent un autre et les militaires qui sont positionnés juste pour le moment dans des endroits dits stratégiques. »

Le porte-parole du ministère de l'Intérieur concède « qu'il y a des troubles, c'est vrai » et insiste sur un point : les militaires n'assurent pas le maintien de l'ordre. Tout cela, « c'est le travail de la police et de la gendarmerie ». « Il y a des manifestations, mais c'est en train d'être géré correctement par les forces de police et de gendarmerie. Maintenant, à chaque fois qu'il y a des soucis, il y a des installations stratégiques qui sont vitales - on peut penser à des installations de télécommunications ou des choses comme ça, d'énergie, etc. -, où on doit placer des forces militaires qui sont pour le moment seulement positionnées. Et ils ne font aucun travail de maintien de l'ordre. C'est juste un positionnement normal en cas de troubles », a indiqué Maham Ka.

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« Le recours à la force a dépassé toutes les limites »

Le ministre de l'Intérieur, Antoine Félix Diome, a annoncé la restriction de l'accès aux réseaux sociaux et à certains services de messagerie « par lesquels se font des appels à la violence et à la haine », a-t-il déclaré. Une décision que condamne Amnesty International.

L'ONG est par ailleurs très préoccupée par un usage disproportionné de la force par les forces de l'ordre. « Les armes à feu ne doivent être utilisées que pour protéger sa propre vie et la vie d'autrui. Nous n'avons pas vu ce genre de situation dans les différents éléments qui ont circulé dans les réseaux sociaux et dans les télévisions. Certes, les protestations étaient violentes, mais le recours à la force a dépassé toutes les limites », estime le directeur exécutif de la branche sénégalaise d'Amnesty, Seydi Gassama, joint par RFI.

« Vous avez toujours le ministre de l'Intérieur qui fait des communiqués pour mettre en cause les manifestants. Mais jusqu'ici toutes les autopsies qui ont été pratiquées, et nous attendons les autopsies des personnes décédées hier (ce jeudi 2 juin.-NDLR), ont démenti les déclarations du ministre de l'Intérieur, confirmant que ces personnes ont été tuées par balles réelles. C'est une situation évidemment très préoccupante qui pourrait perdurer si les autorités ne font pas preuve de retenue », poursuit-il.

Seydi Gassama constate « la détermination des partisans d'Ousmane Sonko et même des Sénégalais ».« Ceux qui manifestent vont au-delà du parti Pastef (Patriotes africains du Sénégal pour le travail, l'éthique et la fraternité) », dit-il. « Ce sont des jeunes Sénégalais qui considèrent que le verdict qui a été rendu est un verdict qui entre dans les plans de Macky Sall, d'éliminer un candidat important à l'élection présidentielle comme il l'a fait dans le passé avec Karim Wade ou Khalifa Sall, toujours en utilisant la justice sénégalaise. »

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