Ile Maurice: Analgésique et pénultième

Dans la sphère économique, des actes politiques n'engendrent pas seulement un effet, mais des séries d'effets, qu'on ne voit que progressivement. La réforme fiscale et l'abolition de la Solidarity Levy déboucheront sur un système assez compliqué qui pourrait inciter à la fraude fiscale (qu'on avait voulu enrayer dans les années 2000 avec le Flat Rate de Sithanen).

Le mot-clé lâché hier par Renganaden Padayachy est «pénultième» ou avant-dernier. «I come before this august Assembly for the fourth and penultimate budget of this mandate. One where we faced the worst crisis of our economic history. One with unprecedented challenges (...)»

Faut-il croire que Renganaden Padayachy va présenter un 5e et dernier Budget en juin 2024 avant les prochaines élections générales - en amont desquelles il annoncera que la pension passera, comme promis, à Rs 13 500 ? Ou est-ce un leurre pour tromper l'adversaire ? Car en se basant sur l'effet Panadol que son Budget 2023-24 va engendrer, surtout parmi ceux au bas de l'échelle, le gouvernement Jugnauth pourrait être tenté de brandir les Rs 13 500 comme une carotte électorale...alors qu'il ne pipe pas un mot sur l'inflation (qui risque de reprendre mécaniquement davantage ce qu'il donne généreusement).

Sur le plan strictement économique, comme on le soulignait en éditorial hier, il est manifeste que le social et la politique l'ont emporté sur l'économie (et ses fondamentaux). En nous disant que la dette publique va baisser, le Grand argentier ne nous dit pas s'il inclut ou pas les dettes dissimulées dans les Special Purpose Vehicles ?

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Deux autres indicateursclés, cruciaux pour notre développement économique, notamment l'investissement et la productivité, (qui sont deux faces d'une même pièce de monnaie), ont été négligés. Parce que Padayachy est devenu un guide touristique qui aime lister les noms des villages, un par un.

Tout cela résulte d'un leadership politique davantage affairé à ses petites affaires qu'aux grandes problématiques, aux effets d'annonce aux dépens du concret.

Certes, il reste encore un Budget potentiel à présenter, mais Padayachy a commencé à calmer les douleurs du peuple, en baissant, enfin, le prix des carburants, ce qui a longtemps été réclamé.. Mais le quantum de la baisse ne reflète pas celle sur le marché mondial en raison de la taxe Betamax qui frappe indistinctement tous les politiciens.

Dans les années 60, l'Indépendance du pays marquait pour une majorité d'entre nous, le début d'un rêve commun. Au-delà du quadricolore et de l'hymne national, c'était l'espoir d'un changement de paradigme et d'une transformation d'une société alors quasi exclusivement bâtie autour du sucre. Le revenu par tête d'habitant était de seulement Rs 1 080 en 1965. Notre maind'oeuvre, alors abondante et adaptable, qui ne voulait plus travailler au soleil dans les champs des propriétaires fonciers, représentait une belle opportunité à la fois pour les investisseurs et industriels de l'époque et pour nous comme pays et nation. Le peuple indépendant voulait tenir debout sur ses deux pieds. Cependant beaucoup de Mauriciens restaient sceptiques, préférant émigrer, car ils pensaient que nos politiciens, qui avaient prolongé la doctrine du «divide and rule», n'allaient jamais pouvoir «rise to the challenges of our ambitions»...

Chez nous, en 2023, les dirigeants ont remplacé la méritocratie par le nou banisme et nous promettent, avant chaque législative, une Freedom of Information Act. Et nos jeunes qui vont étudier ailleurs ne rentrent plus au pays. Que fait-on pour stopper la fuite des cerveaux, qui est bien plus préoccupante que celle du discours du Budget...

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