Le lait concentré importé est frappé d'une mesure de sauvegarde provisoire. Il sera taxé à 32 % supplémentaire de droit de douanes ad valorem.
Il s'agit d'une décision de l'Autorité nationale des mesures correctives commerciales (ANMCC), après avoir été saisi deux fois et mené l'enquête deux fois depuis 2019. Les résultats de l'enquête ont conduit au constat suivant, le produit a été importé « en quantités tellement accrues » entre 2020 et 2022, ayant causé un dommage grave à la branche de production nationale. Cette mesure vise à protéger l'industrie naissante, conformément aux accords de l'Organisation mondiale du commerce (OMC) sur les sauvegardes, à quelques conditions. D'ailleurs, d'après les résultats de l'enquête, les producteurs locaux disposent de la capacité de production pouvant suffisamment répondre à la demande nationale. Mais seulement une partie restreinte de son potentiel de production est utilisée, à hauteur de moins de 20%.
En effet, l'importation accrue s'explique par le faible coût. Selon les explications du Directeur général de l'ANMCC, le coût de fabrication du produit est très faible à l'étranger par rapport à celui fabriqué localement. En effet, personne n'a jamais abordé le sujet, mais il ne s'agit pas de lait de vache. « Il s'agit plutôt de matières grasses végétales de palmier qui donnent ce produit de concurrence. Et bien évidemment, le coût de revient du producteur est largement plus bas » a précisé Barthélemy, directeur général de l'ANMCC. Le droit additionnel de 32% à appliquer aux laits concentrés importés a été défini à partir de cette différence de coût. Autrement dit, même avec cette taxation supplémentaire, l'importateur de ce produit fera du profit, mais pas assez élevé comme durant la période précédant la mesure de sauvegarde.
Recettes supplémentaires
Une consultation publique est prévue le 7 juin prochain, pendant laquelle les acteurs de la filière seront invités à discuter autour de cette mesure. Le directeur général anticipe déjà que cette consultation aura la forme d'un bras de fer très tendu entre les opérateurs touchés par cette disposition et l'ANMCC, aux côtés des producteurs locaux. « C'est un face-à-faced'arsenal juridique et de pratiques. Et d'ailleurs, nous avons déjà été sollicité par les autorités et les opérateurs des pays dont les produits sont touchés par cette mesure » souligne-t-il. Le recours à diverses instances pourrait survenir, « notamment un appel au niveau de l'OMC, où les discussions, les négociations et les études vont permettre de décider si la mesure sera provisoire ou définitive. Mais en attendant cette décision, la mesure de sauvegarde s'applique » note notre interlocuteur.
En tout cas cette mesure est tout sauf un encouragement pour les importateurs locaux de lait concentré, et encore moins pour les 4 principaux pays exportateurs à savoir la Malaisie, les Pays-Bas, Singapour et la Chine. Avec cet instrument de défense commerciale, les importations de ce produit risquent de diminuer - pour une demande locale annuelle estimée à 10.000 tonnes dont près de 90 % fournie par la Malaisie, et par conséquent les recettes douanières y afférentes. Mais le directeur général de l'ANMCC reste optimiste. « La production locale de lait concentré attire des investisseurs, mais avec la surabondance de produits importés, ils avaient rationnellement reculé. Maintenant que la mesure de sauvegarde est prise, ces derniers reviendront fort probablement.
C'est vrai que la mesure pourrait coûter des recettes douanières, mais il faut savoir que la production locale supplémentaire va créer davantage de valeur ajoutée et d'emplois, ce qui engendrerait une rentrée d'argent par le biais des impôts. Tout compte fait, la perte en recettes douanières sera plus que comblée par les recettes fiscales nées de la production locale supplémentaire » argumente-t-il. Les associations de consommateurs marmonnent sur le risque de position de monopole du producteur local.
Mais Barthélémy tempère, soutenant que « la mesure de sauvegarde incitera d'autres producteurs à intégrer le marché. Nous avons déjà eu de l'expérience sur les pâtes alimentaires. Tout le monde redoutait le monopole du seul producteur de l'époque. Mais ce n'était que pendant un certain temps très court d'entrée sur le marché des autres concurrents locaux. Plus tard, le risque de prise de position de monopole était écarté, et le prix était stabilisé par la concurrence plus accrue en interne. De façon analogue, le commerce de lait concentré suivra cette même tendance, au bénéfice des producteurs locaux et des consommateurs, autrement dit, de l'économie malgache en général » a-t-il soutenu.