Madagascar: Paroles de mères

Je suis la mère de deux petites filles. Je suis pâtissière et auto-entrepreneure. J'investis et je m'investis dans mon travail.

Chaque jour est un défi car entre les prix des denrées qui augmentent tous les jours, le loyer et les autres charges, on arrive difficilement à joindre les deux bouts. Ces derniers temps, la situation est juste horrible. Je n'arrive pas à honorer mes commandes, les pertes sont énormes. Que puis-je faire quand l'électricité est coupée durant toute la journée ? La fois dernière, le gâteau que je devais livrer de bon matin a fondu dans le frigo. Quand ce n'est pas l'électricité, c'est l'eau qui est coupée. Je suis une mère, j'essaie de m'en sortir mais les conditions sont trop difficiles. Je suis la mère de quatre enfants. Je suis agricultrice et nous vivons au jour le jour. Je suis la mère d'une enfant de quatorze ans qui est devenue mère malgré elle. Elle a été violée par quelqu'un du village et elle est tombée enceinte.

Ma fille est une enfant qui aimait l'école mais depuis cette atrocité, elle a dû arrêter les études pour de multiples raisons. Un enfant n'a pas de sein pour allaiter, nous devons acheter du lait en boîte pour pouvoir nourrir ce bébé. Mais nous n'en pouvons plus car nous avons à peine de quoi manger. J'ai peur pour ma fille car les menaces venant de la famille du violeur, qui est en prison, sont réelles. Et quand il va sortir de prison, que se passera-t-il ? Je suis une mère et je suis à bout. Je suis mère d'une petite fille. J'ai été à plusieurs reprises championne du monde, championne d'Afrique et je ne compte plus mes titres nationaux. Quand le Covid-19 a frappé le monde, j'ai tout perdu.

Mais ce n'est pas cela qui me ruine le plus. Je suis une athlète de rang mondial mais je suis au chômage. J'ai pourtant tout donné pour mon pays : mes années de jeunesse, mes études et tant d'autres choses. J'ai tellement entendu de belles promesses, qu'on allait m'intégrer dans les ministères. J'ai entendu tellement de ministres et directeurs de cabinet me dire qu'on va voir mon cas et puis rien. Je suis mère, une combattante mais je suis à terre. Je suis une mère d'un petit garçon. Je suis aveugle, mon fils est autiste. Le père de mon petit est parti il y a bien longtemps et je l'élève seule.

Je ne reçois aucune aide de l'État ni de mes proches. Il n'y a que mon vieux père qui est là, mais que peut-il faire ? Lui aussi est déjà dans un âge de vulnérabilité. J'ai essayé à plusieurs reprises de faire un peu d'élevage de poules mais cela fait quatre fois qu'on nous cambriole. Mon père ne peut nous protéger, moi je n'y vois rien et mon fils ne peut rien faire non plus. J'essaie de revendre des madeleines et je récolte 100 Ariary par madeleine vendue. Tous les jours, j'arrive à peine à en revendre 20.

Mon fils grandit et j'essaie de lui donner la meilleure éducation possible mais seule et sans ressources, c'est un combat de tous les jours. Je suis une mère de quatre enfants. Je suis une activiste pour les droits des personnes vulnérables. Mon premier enfant est en situation de handicap mental. Je me lève tous les jours, travaillant pour que demain soit meilleur pour nous, pour nos parents mais surtout pour nos enfants. Mais quand je vois que nos ressources pour nous battre s'amenuisent tous les jours alors que tant d'argent est spolié par l'État, par les partenaires financiers, par les organisations internationales ; quand je vois que la corruption existe entre la société civile et les bailleurs de fonds ; quand je vois que la population a baissé les armes et se résigne à l'esclavage de la pauvreté et de la corruption, je suis fatiguée. J

e suis une mère, je vis dans le pays le plus pauvre au monde. Je vois tous les jours le présent se détériorer au point que le futur, un futur pour moi et pour mes enfants semble hypothétique. Allons-nous manger demain ? Pourrais-je soigner mes enfants, me soigner, soigner mes parents s'ils tombent malades ? Puis-je dormir en sécurité quand on sait que personne n'est à l'abri des malfaiteurs ? Je suis victime d'attouchement dans les transports en commun mais je ne peux rien dire. J'ai peur qu'un jour il n'arrive malheur à ma petite fille et ... à mon petit garçon car les violeurs, les pédophiles courent les rues et ne sont jamais punis par la justice.

La justice... quelle justice vivons-nous dans ce pays où l'espoir n'est même plus permis. Le mot d'ordre serait « sauve qui peut ». Alors, souhaitez-moi une bonne fête des mères mais souvenez-vous d'une chose : « ainsi sont faites les mères, elles souffrent de la souffrance de leurs enfants. »

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