« Les haricots verts extra fins cueillis et rangés à la main de Madagascar représentent le summum de la qualité du haricot vert appertisé ». Ce constat est de Hellopro, une communauté rassemblant des milliers de sociétés, acheteurs et fournisseurs. Focus sur ce produit qui fait aussi la fierté de la Grande Ile.
Ainsi, il n'y a pas que la vanille, le cacao fin, le girofle, l'ylang-ylang, le litchi, le ravintsara ou le black eyes. Le haricot vert extra fin de Madagascar est aussi catégorisé parmi les produits de la filière fruits et légumes de très haute qualité. Il est proposé en produit de contre-saison, notamment dans la halle des fruits et légumes de Rungis, le plus grand marché de produits frais du monde et dans les rayons des principales enseignes de la grande distribution en Europe.
Pourtant, cette variété d'haricot vert était ignorée des paysans qui ne connaissaient que les haricots verts dits traditionnels avant qu'un projet entrepreneurial tourné vers l'exportation ne l'introduise et ne la vulgarise dans les années 1990. Plusieurs entreprises exploitent actuellement le filon (Prosain, Socota, Soran, Fosa Trading...) si c'est Lecofruit qui tient le rôle de pionnier et de leader sur ce segment. L'entreprise filiale du groupe Basan est l'un des tout premiers producteurs de haricots verts extra-fins au monde avec des productions à la fois conventionnelles et biologiques (Label AB). Un succès qui n'a pas été acquis du jour au lendemain surtout lorsqu'on a notamment comme principal concurrent le Kenya. Ce géant de la filière en Afrique a de plus un énorme atout, celui d'être à trois heures de l'Europe.
Le haricot vert extra fin en provenance de Madagascar peut aujourd'hui s'écouler jusqu'à plus de 4 euros/kg contre 2,5 à 3,9 pour celle du Kenya et un prix moyen de 2,5 à 3,5 euros sur le marché. Le volume de production est de 6 à 7 tonnes par hectare. On fait remarquer aussi que la Grande Ile a pu développer la filière par l'implication des petits agriculteurs, même s'il est toujours possible de s'investir dans de grandes fermes agricoles.
« Nous appuyons sur une démarche d'amélioration continue et de développement durable se traduisant par, au niveau agricole, une agriculture responsable et équitable garantissant une qualité optimale des légumes. Au niveau industriel, nous privilégions une organisation fiable, des outils performants, une préoccupation qualité permanente afin de satisfaire nos clients. Au niveau commercial, nous misons sur une proximité des marchés et de nos clients pour installer un partenariat sur le long terme », soutient Lecofruit avant d'ajouter que le créneau du marché à l'exportation redynamise l'agriculture avec la diversification des cultures et l'introduction de spéculation à haute valeur ajoutée, tout en assurant un complément de revenus aux paysans durant la période de soudure.
Miser sur l'agriculture contractuelle
La filière haricot vert extra fin se base ainsi sur un partenariat avec les paysans en appliquant le principe de contractualisation individuelle. Avec ce système d'agriculture contractuelle, les producteurs bénéficient d'avances en agrofournitures, semences et petits matériels nécessaires à la production des légumes, d'accès aux technologies modernes de production agricole, de formation permanente par une présence importante sur le terrain de nos techniciens agricoles,Les familles paysannes s'engagent à fabriquer une compostière aux normes et à produire du compost selon un cahier des charges de fabrication strict. Tout au long de la culture, ils sont régulièrement suivis par les techniciens pour garantir une production optimale tant sur le plan qualitatif que celui des rendements. Au moment des récoltes, les légumes sont acheminées quotidiennement aux centres d'agréage où elles sont rigoureusement sélectionnées. Cette approche permet de « maintenir une exigence forte à offrir un service client de haut niveau, d'assurer un niveau de réactivité et de service conforme aux plus hauts standards de qualité et de garantir des cadenciers d'approvisionnement fiables et des livraisons en temps et en heure ».
Pour mémoire, Lecofruit s'est lancé dans l'agriculture contractuelle avec la culture de cornichon dans un premier temps pour se tourner ensuite vers le haricot vert extra fin. Elle a démarré avec une dizaine de paysans pour arriver aujourd'hui à une collaboration avec des milliers de producteurs sur un rayon de 200 km autour de la capitale. « Nous signons un contrat avec la société où nous nous engageons à suivre scrupuleusement le cahier des charges de la production car tout est standardisé et à lui vendre en exclusivité nos récoltes selon des prix garantis », témoigne Tovoniaina Randria, un agriculteur de l'Itasy.
L'entreprise préfinance les semences et les intrants tout en s'assurant de la maîtrise des techniques culturales. Les premières récoltes se font généralement en octobre et en novembre, puis viennent les semis entre janvier et février. « Contrairement à ce que l'on peut croire, la culture de haricot vert extra fin est tout un travail, de la préparation du sol à la récolte en passant par l'entretien des champs de culture », explique aussi Tovo. Il reconnait toutefois qu'elle constitue un revenu d'appoint complémentaire non négligeable pour son ménage.
En période de collecte, il n'est pas rare de rencontrer sur la RN1 les camions qui, après avoir fait le tour des points de collecte ou centres d'agréage, acheminent la production vers l'usine de transformation située dans la périphérie de la capitale. Et, c'est parti pour un process très rigoureux, de la réception des matières premières à l'étiquetage, avant l'expédition par voie maritime des containers de conserves qui représentent la grande majorité du tonnage et par voie aérienne des produits frais en direction des marchés de Rungis et de Rotterdam ainsi que des haricots verts pré-emballés en barquette.
La récolte à maturité, le travail de cueillette et de rangement à la main ainsi qu'un process de fabrication maîtrisé confèrent aux haricots made in Madagascar une qualité supérieure. Mais, selon un technicien de filière, il ne faut surtout pas dormir sur ses lauriers. Il salue d'ailleurs l'initiative de multiplier les fermes expérimentales et de recherches, souvent sur une superficie moyenne de 20 ha, qui permettent également de compléter ponctuellement l'approvisionnement venant du paysannat et de faire face à des commandes urgentes.
Et comme le marché des légumes bio demeure dynamique au niveau mondial, les observateurs estiment que c'est le créneau qui offre les meilleures perspectives. « La Grande île peut se tailler une place de premier choix sur le marché mondial des légumes bio en pleine expansion, mais à condition que... les infrastructures suivent. Rien qu'en France, les fruits et légumes bio constituent un marché de plus d'un milliard d'euros par an », soutient un commerçant basé à Lille, en France.
Mais la mise à l'échelle de l'agriculture biologique n'est guère aisée, note de son côté l'agence allemande de coopération internationale GIZ. « Or, ce secteur peut augmenter de manière significative les revenus des agriculteurs », ajoute l'agence tout en précisant qu'elle passe par de nombreux défis dont l'adaptation à de nouvelles méthodes de production. Ce qui explique, d'après GIZ, la faible proportion de paysans produisant des légumes biologiques, dont les haricots verts.
Fortes exigences logistiques
« Le marché international de fruits et légumes est une opportunité pour le pays à condition de l'aborder avec professionnalisme, comme ont procédé les entreprises de référence en deux décennies. Mais le moindre faux pas peut compromettre l'avenir », fait remarquer aussi un consultant qui a contribué à l'élaboration de la stratégie du pays en matière d'agribusiness. Il faut également garder un oeil vigilant sur la concurrence. Outre le Kenya, le Maroc, l'Égypte et le Sénégal ont significativement augmenté leurs parts de marché ces dernières années et accentué la concurrence agressive autour du haricot vert.
L'offre en provenance des pays africains, dite de contre-saison, s'étend de novembre à avril. Le Kenya, premier fournisseur du marché européen jusqu'au début des années 2000, dispose d'une offre régulière toute l'année. Le Maroc, actuel premier fournisseur européen, et l'Égypte ont réussi à étendre considérablement leur période de production grâce à des cultures sous serres. Quant à Madagascar, tout comme le Burkina Faso, il approvisionne le marché avec des volumes assez limités, qui le cantonne sur un marché de niche.
À savoir également que les exportations africaines de haricot vert vers l'Europe restent très largement tributaires de la logistique pour permettre aux produits d'arriver dans de bonnes conditions sur les différents marchés. Les problèmes de logistique prennent une ampleur particulière à cause de la fragilité du produit. Presque toutes les origines d'Afrique subsaharienne dépendent exclusivement du transport aérien pour l'acheminement de leurs haricots verts frais.
Les coûts de plus en plus élevés liés au transport aérien n'ont pas eu le même impact sur les différentes origines. Dans le cas du Kenya, de Madagascar ou de l'Éthiopie, on remarque que les producteurs et les exportateurs ont beaucoup développé et travaillé l'image de qualité de leur production. Madagascar a choisi de se positionner sur le segment haut de gamme, avec des lots de faible volume vendus à des prix élevés. Le Kenya privilégie les produits à haute valeur ajoutée tels que les haricots pré-emballés prêts à l'usage et vendus en supermarchés. L'Éthiopie, sur le créneau du Bobby, approvisionne des marchés comme l'Italie avec des produits recherchés et appréciés pour leur qualité. En ce qui concerne des origines enclavées comme le Mali et le Burkina Faso, on constate au contraire que l'accroissement des coûts de fret n'a pas été compensé par un travail accru sur la qualité et qu'elles ont vu décroître progressivement les volumes de leurs exportations.
En dehors du coût élevé du transport, les pays qui exportent par voie aérienne font aussi parfois face à un manque de disponibilité de vols et de places de cargo. Le Sénégal a perçu assez tôt le risque que représente une dépendance quasi exclusive au transport aérien. Sa proximité des marchés européens lui a permis de développer et de mieux maîtriser les expéditions par voie maritime. Avec ce changement de mode de transport, il est devenu plus compétitif.
« L'approche des questions de transport reste encore trop individuelle et, par conséquent, il est impossible de programmer la mise à disposition de conteneurs. Les conteneurs mettent toujours du temps à être constitués et, en fonction des ports de déchargement, le « transit time » peut facilement varier de dix à parfois vingt jours avant que la marchandise soit disponible, ce qui affecte parfois considérablement la qualité des lots exportés. Et les pays peinent toujours à réaliser le poids de leurs exportations sur la campagne de contre-saison », analyse Jean Didier Fort, un importateur de fruits et légumes africains de longue date.
Institut Guillaume Gomez
Dans les haricots verts aussi...
L'Institut d'Excellence Culinaire Guillaume Gomez s'est implanté dans le village d'Akamasoa du Père Pedro, dans la capitale de Madagascar. Le centre de formation de cuisiniers, inauguré en octobre 2022 par le Président de la République, Andry Rajoelina, accueille les jeunes déshérités afin de leur apporter un métier et une vie meilleure. La Fondation École de Félix finance ce projet grâce à des dons privés et des opérations de commerce équitable. C'est dans ce cadre qu'a été conçue une campagne pour la commercialisation d'haricots verts extra fins délicatement produits par les paysans du Vakinankaratra, sur la base de ce que l'on appelle l'agriculture raisonnée, respectueuse de la Nature et des Hommes. Les bocaux d'haricots verts extra fins porteront la marque de l'Institut d'Excellence Culinaire Guillaume Gomez. Les profits serviront à soutenir les actions caritatives de la Fondation École de Felix. Mathias et Gauthier Ismail, les cofondateurs de la Fondation, sont en discussions avancées avec un acteur leader de la distribution alimentaire malgache. Concernant l'Institut, le bâtiment est construit sur deux niveaux, avec deux salles de classe avec vidéo conférence internet, une cuisine professionnelle dotée de matériel nouvelle génération et totalement alimenté avec de l'énergie renouvelable. L'Institut est construit en collaboration avec le Chef des cuisines du Palais de l'Elysée, Guillaume Gomez.
Heriniaina Ramboatiana, président du Syndicat malgache de l'agriculture biologique (Symabio).
« Les produits bio de Madagascar commencent à s'imposer partout. En 2022, le chiffre d'affaires des exportations a atteint les 190 millions d'euros pour les épices, les crevettes, les légumes, les huiles végétales et essentielles et les haricots verts. Ces derniers constituent deux tiers de l'ensemble sur le marché européen ».
Christopher Bazivamo,
Secrétaire général adjoint de la Communauté Est Africaine (CAE) en charge du secteur productif et social.
« Les fruits et légumes représentent un segment important de l'exportation agricole de l'Afrique de l'Est. Ils génèrent ainsi de nombreuses opportunités pour la réduction de la pauvreté dans les zones rurales », Actuellement, la région exporte principalement vers l'Union européenne qui absorbe près de la moitié des cargaisons. L'Europe importe en moyenne pour environ 187 000 tonnes de fruits et légumes de la CAE dont les haricots verts ».
LA FILIÈRE HARICOT VERT (EF) EN CHIFFRES