Tunisie: L'agriculture est en crise mais l'Etat peut encore la sauver

TUNIS — La Tunisie fait face aujourd'hui, à une crise de souveraineté alimentaire, exacerbée par les changements climatiques et leurs répercussions sur le secteur agricole, selon Anis Kharbèche, membre du conseil central de l'UTAP .

Dans une interview à l'agence TAP, le responsable a affirmé que la Tunisie est encore capable de surmonter cette crise, soulignant que si "la volonté politique existe, elle tarde à se concrétiser sur le terrain, faute d'une stratégie claire".

Selon ce responsable syndical, la Tunisie, autrefois appelée le grenier de Rome, dispose des atouts qui lui permettent de traverser la crise. Pour ce faire, elle doit réhabiliter les terres agricoles et élaborer une stratégie efficace pour les exploiter, a-t-il estimé, épinglant, à ce propos, « la défaillance de l'Office des terres domaniales ».

«Environ 500 mille hectares de terres domaniales sont aujourd'hui délaissés et non exploités».

Pour réaliser l'autosuffisance dans plusieurs secteurs, le responsable de l'UTAP a appelé à préserver les ressources en eau, à entretenir les barrages et les lacs collinaires, à utiliser les eaux traitées pour l'irrigation des fourrages et des arbres fruitiers et à investir dans les grands projets de dessalement pour couvrir les besoins en eau potable et d'irrigation.

Il a, à ce titre, exhorté les autorités à donner l'importance nécessaire au dossier des ressources hydrauliques et à le traiter de concert avec toutes les parties prenantes.

Il a par ailleurs, évoqué l'absence d'un financement de l'agriculture, soulignant que la part du secteur agricole ne dépasse pas 6% du chiffre d'affaires de la BNA. « L'UTAP a des propositions pour développer le système de financement agricole, à travers notamment la création d'une banque privée dédiée au financement agricole et financée par les acteurs du secteur ».

Le responsable a, en outre, appelé à accorder à l'assurance agricole l'importance qu'elle requiert, d'autant plus que 11% seulement des agriculteurs assurent actuellement leurs récoltes. Il a, à cet égard, fustigé l'incapacité du Fonds des catastrophes naturelles à soutenir les agriculteurs face à la chute attendue de la récolte cette année, dans toutes les régions de production (une récolte aux alentours de 60% par rapport à celle de la campagne écoulée), bien que ses fonds proviennent essentiellement, des cotisations et des souscriptions des agriculteurs.

La situation est catastrophique et l'intervention de l'Etat s'impose

"La Tunisie fait face à une situation catastrophique dans toutes les filières du secteur agricole en raison de la succession de 4 années de sècheresse, ce qui a provoqué une dégradation de la situation des céréaliculteurs et des éleveurs, suite à la hausse excessive des prix des aliments pour bétail et au manque de fourrages subventionnés, lesquels ne couvrent que 30% des besoins".

Il s'agit en outre, "de l'absence de stratégie claire en ce qui concerne l'utilisation des eaux usées permettant à l'agriculteur de s'adonner à la culture des fourrages subventionnés outre l'absence total de la vulgarisation agricole dans tous les établissements agricoles".

Pour Kharbèche, cette situation catastrophique n'incombe pas seulement à l'Etat. La responsabilité est partagée, a-t-il dit, affirmant que la carte agricole (mort-née) doit être utilisée pour encadrer les agriculteurs dans chaque région et conditionner l'obtention des avantages à l'application de cette carte.

Il a noté que "le ministère a abandonné le secteur durant les 10 dernières années, lesquelles sont marquées par l'absence de vision stratégique et prospective des problèmes et des solutions de l'agricuture".

Cependant, l'Etat peut encore sauver ce secteur vital à travers l'adoption de mesures audacieuses pour sauver la campagne et l'élaboration d'une stratégie de sauvetage par tous les intervenants, à la suite de l'organisation rapide d'un débat à ce propos, a-t-il dit.

Kharbech a appelé à créer un conseil national de la sécurité alimentaire, après l'échec qui a caractérisé l'intervention des différents gouvernements et leur hésitation à prendre des mesures fermes à même de favoriser la réforme du secteur. Le conseil, qui sera présidé par le chef de l'Etat, doit compter parmi ses membres, tous les intervenants dans le secteur, oeuvrer à doter l'agriculture tunisienne d'une stratégie claire et prendre des décisions au profit du secteur de l'agriculture et du peuple en général.

L'agriculture durable, une solution pour sauver de nombreuses filières et fournir des produits de base

"Compte tenu de la conjoncture difficile du secteur agricole, l'agriculture durable constitue désormais un facteur essentiel et une solution pour sauver de nombreuses filières et fournir des produits de base".

"Nous parlons aujourd'hui, d'agriculture intelligente et de culture hors sol et d'hydroponie. Ces techniques nous permettent de préserver l'environnement et d'utiliser seulement 20% des ressources en eaux exploitées dans l'agriculture classique. Le ministère de l'Agriculture gagnerait à faire de ces techniques une priorité et à sensibiliser les agriculteurs à leur adoption, à travers la vulgarisation et la formation dans le domaine de l'agriculture durable. Il faut aussi, encourager la recherche agronomique, mobiliser un budget pour cette recherche et tirer un meilleur profit de ses résultats", a préconisé kharbèche.

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