Ile Maurice: Port-Louis - Une église du 19e siècle rasée

Le chantier de démolition a démarré cette semaine. Celui de l'ancienne église de la Nouvelle Jérusalem à Port-Louis. L'édifice datant du 19e siècle, avec des ajouts au fil du temps, n'était plus utilisé depuis une quinzaine d'années. En décrépitude, il posait des risques à la sécurité.

La pelleteuse croque à pleines dents dans la pierre taillée. Cette scène de démolition à ciel ouvert se déroule depuis le début de la semaine en haut de la rue Edith Cavell à Port-Louis. Plus exactement au Champ de Lort. Le voisin d'à côté - ce qui reste de l'école primaire Onésipho Beaugeard - regarde s'en aller les morceaux de l'église désaffectée de la Nouvelle Jérusalem, qui lui a si longtemps tenu compagnie, dans ce quartier animé de la capitale, où eux, tout décrépits, demeuraient silencieux et vides.

La clôture de pierres taillées surmontée de grilles en fer forgé de l'ancienne église de la Nouvelle Jérusalem est comme une signature. Celle d'un pan de letan lontan qui s'évapore. Quand toutes les autres possibilités ont été épuisées. Quand «il n'y a plus le choix». C'est le constat sans appel que dresse Pierre Baissac, président de la société de l'église de la Nouvelle Jérusalem, responsable «de ce patrimoine qui est à la fois familial et celui d'une église».

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Cette ancienne église swedenborgienne (du nom du théologien Emanuel Swedenborg) a été construite à la fin du 19e siècle. À Maurice, la New Jerusalem Church Society Act, qui reconnaît officiellement l'institution, date de 1877. «C'est mon arrière-arrière-grand-père qui en était le président», précise Pierre Baissac. En référence à Edmond de Chazal, le «propriétaire de St Antoine». À l'époque, les réunions de culte ont lieu chez des membres de l'église. Jusqu'à ce que la congrégation s'installe à Port-Louis. «C'est une trentaine d'années plus tard que l'église de la Nouvelle Jérusalem, située rue Rémono à Curepipe, a été construite». Un lieu de culte des hautes Plaines Wilhems qui est, lui, associé au poète, écrivain et peintre Malcolm de Chazal.

Retour dans la capitale. Pierre Baissac explique que l'église a été utilisée «jusqu'à il y a une quinzaine d'années». Une désaffection causée par la diminution du nombre de membres de l'église dans cette région. Cette société religieuse s'est alors concentrée sur Curepipe.

Conséquence de l'usure du temps sur l'ancienne église de Port-Louis : «La toiture risquait de s'effondrer. De grands arbres dans la cour, devenus creux, menaçaient de tomber sur le bâtiment.» La structure de la vieille église s'était fragilisée. Une estimation des coûts pour la restauration de l'ensemble - qui comportait notamment une varangue - grimpe «au minimum à Rs 15 millions». Ce qui est «beaucoup pour une petite église qui n'a pas les moyens».

Pierre Baissac martèle que cela fait 15 ans que la chasse aux solutions est lancée. Il précise : «Nous avons tout essayé.» Il y a «environ deux ans, a surgi la possibilité que l'ancienne église fasse partie d'un complexe de musée de la peinture, incluant l'école Beaugeard. L'objectif était de réhabiliter les deux bâtiments. Mais le ministère des Arts et du patrimoine culturel n'y a pas donné suite».

Au ton de sa voix, on comprend que Pierre Baissac a beaucoup entendu des: «il aurait fallu emprunter», «il aurait fallu faire un inventaire architectural». Pour lui, «ce sont de belles paroles. Démolir pour reconstruire, oui, mais à quel prix ?» Il confie : «Si nous en sommes arrivés à la démolition aujourd'hui, ce n'est pas de gaieté de coeur.» Une décision radicale motivée par les risques que posait le bâtiment en décrépitude. «C'était la seule solution avant qu'il ne s'écroule.» Quand on sait que Pierre Baissac est un défenseur du patrimoine, également président de la Société Royale des Arts et des Sciences de l'île Maurice, on comprend mieux le dilemme qu'il a fallu trancher. «Parfois l'histoire lui a une fin.» Les pierres taillées de l'ancienne église et de son enceinte ont été vendues.

Quelles suites pour cet emplacement situé dans l'un des centres névralgiques de Port-Louis ? Selon le président de la société de l'église de la Nouvelle Jérusalem, la vente du terrain ne serait pas d'actualité. «Il faut maintenant réfléchir.»

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