Keur Massar, un des nouveaux épicentres des inondations à Dakar, porte encore les stigmates des fortes pluies enregistrées l'hivernage dernier et ayant occasionné d'importants dégâts.
Les cités Firdawsi, Cpi (Compagnie prestige immobilier) et le quartier Médinatoul Mounawara de Keur Massar portent encore les stigmates des inondations. Les fortes pluies enregistrées l'année dernière ont occasionné d'importants dégâts. Les murs se sont fissurés et les pans entiers des maisons menacent de céder. Pour lutter contre les inondations fréquentes dans cette commune, des espaces ont été aménagés, avec la création de 11 bassins et près de 8 km de canalisation pour permettre l'évacuation des eaux de ruissellement.
En outre, quelques victimes, en guise d'indemnisation, ont bénéficié pour chaque famille «une villa d'une valeur de 15 millions de FCFA dont l'Etat s'est engagé à verser les 11,5 millions de FCFA. Et le reste, les 3,5 millions, sont à la charge du propriétaire», ont révélé les deux délégués de quartier, Ndiaga Tall et Moustapha Sène, respectivement des cités Sipress et Socabeg (Société d'aménagement de bâtiments et d'études générales). Le montant étalé sur dix (10) ans, il (le propriétaire) doit payer par mensualité 37.966 FCFA. Cette somme englobe les assurances.
SUR 140 QUARTIERS, SEULS 60 CONCERNES PAR LE RELOGEMENT DES VICTIMES DES INONDATIONS DANS 2000 VILLAS DONT 1200 CONSTRUITS A TIVAOUANE PEULH ET 800 A NIAGUE
En ce qui concerne la vente des espaces libérés, Moustapha Sène, délégué de quartier de la cité Socabeg, confie : «Je ne connais pas de personnes bénéficiaires du relogement dans cette cité qui ont vendu ou mis en location les maisons qu'ils ont libérées. On nous a délogés, en septembre 2013, des Parcelles Assainies unité 10 de Keur Massar, suite aux inondations, pour nous reloger dans la zone de Tivaouane Peulh, grâce au partenariat entre l'Etat du Sénégal et ce promoteur immobilier privé (Socabeg). Au total, 2000 logements ont été répartis comme suit : 1200 villas à Tivaouane Peulh et 800 logements à Niague et qui ont été distribués aux personnes déplacées. Ces logements ont été construits par la Socabeg et d'autres promoteurs immobiliers (Sipress, Sidak, Cstp, Nouvelle destination la Linguère et la SSBS».
Seuls 60 quartiers sur les 140 que compte Keur Massar sont concernés par cette mesure de délocalisation des victimes. Cependant, malgré ce dédommagement, le «patrimoine étatique, ces espaces libérés où sont prévus des infrastructures : parcours sportifs, écoles, aires de jeu etc. sont bradés. Le Service technique (St) de la mairie de Keur Massar Nord, en collaboration avec le Préfet du département, va servir des sommations aux concernés», a révélé Pape Omar Mbaye, directeur dudit service.
Pour sa part, le coordonnateur du Comité de gestion des eaux pluviales (Coligep), M. Maguatte Niang, souhaite que la Direction de la surveillance et du contrôle de l'occupation du sol (Dscos) les contacte, pour s'informer, avant d'intervenir. Car, il y a des gens dont les parcelles ne font pas partie des espaces libérés. En attendant, souligne M. Mbaye, «nous avons commencé à faire la cartographie des espaces libérés. On procède par recensement, en prenant les coordonnées topographiques. Cinq (5) quartiers ont été choisis : Wade, Omar Diallo, Diaksao, Minam et Montagne. Il reste la zone de Boune à recenser».
TOUTES LES MAISONS LIBEREES N'ETANT PAS DEMOLIES, DES PERSONNES DEPLACEES ONT LOUE OU VENDU LEURS ANCIENNES HABITATIONS
Le Projet de gestion des eaux pluviales et d'adaptation au changement climatique (Progep), piloté par l'Agence de développement municipal (Adm), est à pied d'oeuvre, avec une enveloppe financière d'un montant de 13,6 milliards de FCFA pour réaliser les 11 bassins et près de 8 km de canalisation. «Il fallait déplacer plusieurs personnes. Toutes les maisons libérées ne sont pas démolies. C'est pourquoi, certaines personnes déplacées ont loué ou vendu leurs maisons. A cela s'ajoute le problème de la sécurité», a fait remarquer Maguatte Niang, du Progep, par ailleurs, coordonnateur du Coligep.
Seulement, les efforts fournis risquent d'être compromis. «Les zones étaient des lacs et bas-fonds devenues habitables», déplore-t-on. Les bassins attendent par conséquent d'être nettoyés avec la saison des pluies qui va s'installer bientôt. Et les populations d'alerter que si rien n'est fait, «nous risquons de tomber dans les même travers que l'année dernière. Les populations étaient impuissantes face aux inondations». Abdoulaye Diémé, un habitant du quartier Aïnoumady, explique : «nous sommes plus d'une trentaine de victimes des inondations. Nous avons quitté nos maisons, qui sont sous les eaux, pour aller louer ailleurs. Nous n'avons pas regagné nos domiciles car ils sont toujours sous les eaux.»
EN ATTENDANT LA REALISATION DES OUVRAGES DU PROGEP II, A PARTIR DE 2024, DES MOTOPOMPES DE GRANDS DEBITS PREVUES POUR L'HIVERNAGE 2023
Jusqu'à nos jours, les travaux des canalisations, malgré les tracés qui ont été faits, n'ont pas encore démarré. Néanmoins, les habitants, avec le soutien des autorités et les cotisations d'une trentaine de familles, ont pu acheter une motopompe électrique à 750.000 FCFA et des tuyaux d'une distance de 600 mètres à 1.300.000 FCFA.
Pour le délégué de quartier Firdawsi, ancien gendarme à la retraite, Moussa Wade, «le problème des inondations n'est pas définitivement réglé. Cependant, il y a des avancées significatives. Nous sommes concernés par la deuxième phase du Progep (Progep II). Les techniciens sont venus faire des relevés, la réalisation des ouvrages est prévue pour l'année 2024. Pour cet hivernage, on nous a octroyé des motopompes de grands débits, pour l'évacuation des eaux pluviales.»
L'argent collecté pour lutter contre les inondations et évacuer les eaux pluviales des maisons est insuffisant. Il est difficile d'obliger tout le monde à participer, bien qu'ils habitent tous dans le même quartier (Cité Firdawsi). Car, il y a des gens qui ne sont pas concernés par les inondations. C'est pourquoi, selon, M. Babacar Sané, «la somme collectée est insignifiante par rapport à nos besoins. Seule une trentaine de familles ont cotisé, en raison de 50.000 FCFA par famille. Le matériel que nous avons acheté, c'est grâce au soutien de l'ancien et des deux maires de Keur Massar (Nord et Sud)».
DES MAISONS EN CONSTRUCTION TOUJOURS DANS DES BAS-FONDS INONDES
Du côté de la Cité Cpi, dans les terrains situés dans les bas-fonds, l'eau stagnante est visible. Dans ceux en chantier, les maçons évacuent l'eau à l'aide de motopompes, avant de construire. «Auparavant, dans cette cité, nous étions à l'abri des eaux pluviales. Mais, au fur et à mesure que les gens s'installent, la situation est devenue incontrôlable. Aujourd'hui, une bonne partie des maisons du quartier sont menacées. Elles risquent de se dégrader ou de s'effondrer, si rien est fait», déclare un habitant de la Cité Cpi.
L'incivisme des populations qui jettent des ordures dans les bassins de rétention, qui doivent permettre le drainage des eaux pluviale, risque, à terme d'annihiler, tous les efforts qui ont été faits (la réalisation des bassins). Pourtant, l'Agence de développement municipal (Adm) a mis en place des cabinets de facilitation, en l'occurrence le cabinet Gérard. Il travaille avec le Comité d'initiative local, en les encadrant dans la sensibilisation.
Les membres du Coligep sont des volontaires qui oeuvrent pour la sensibilisation des habitants des 140 quartiers de Keur Massar. «L'Adm doit nous aider à évacuer les ordures qui sont dans les bassins. Il nous faut des Poquelin et des camions. Il nous faut un soutien de la Mairie. Le Coligep n'a pas de moyens pour mener convenablement ses activités. Le drainage des eaux jusqu'à la mer va poser d'énormes problèmes, avec les bassins où les gens jettent des ordures», a relevé, M. Maguatte Niang, le responsable local du Comité. Le Comité d'initiative, selon Magatte Niang, «doit être pérennisé, même après la deuxième phase du Progep dont la fin est prévue en 2026», a-t-il poursuivi.
INQUIETUDES DES POPULATIONS, ALORS QUE L'HIVERNAGE S'ANNONCE
Par contre, au quartier Médinatoul Mounawara, situé près du CEM de Keur Massar village, c'est une bonne partie des maisons qui est constamment submergée par les eaux pluviales pendant la saison des pluies. Pour Diamou Sow, notable à Médinatoul Mounawara, «la situation que nous avons vécue pendant l'hivernage dernier est indescriptible. Nos maisons étaient littéralement envahies par les eaux. On se déplaçait en pataugeant dans les eaux. Une équipe de techniciens chinois a effectué le déplacement ici, pour constater l'état des lieux. Il était prévu d'installer des canalisations et des bassins dans ce quartier. Jusqu'à nos jours, les travaux n'ont pas démarré. Alors que l'hivernage va s'installer bientôt.»
En outre, à la Cité Namora, sise à Tivaouane Peulh, la situation est préoccupante. Des parcelles estimées à plusieurs hectares ne peuvent être construites. Et pour cause, le délégué de quartier, Mamadou Badji, déclare que «l'eau continue à stagner. Les parcelles sont de véritables lacs. Pour évacuer ces eaux, il faut déployer d'énormes moyens. Peu de personnes peuvent supporter le coût financier. De la fondation jusqu'à la finition de la maison, cela va nécessiter l'investissement d'une somme importante d'argent. L'année dernière, j'étais sollicité par les familles des victimes des inondations à la recherche d'un toit».
Cette année, selon les prévisions de la météo, «la situation va être pire que celle de la saison précédente. A Namora, à part l'achat des motopompes, aucune solution n'a été trouvée. D'ailleurs, la route latéritique ne fera qu'empirer le problème : l'eau ne peut s'infiltrer à cause des pierres. Cela va avoir des conséquences dans le quartier», avertit Mamadou Badji. Contrairement à ce qu'avancent certaines personnes, la cité Namora n'a pas été aménagée pour accueillir les personnes déplacées de Keur Massar, Yeumbeul Nord et Sud, Thiaroye, Guédiawaye, etc.
L'année dernière, en 2022, beaucoup de familles ont été contraintes de déménager, à cause des inondations. En payant plus cher le loyer. Car les eaux pluviales et les fosses septiques ont fortement pollué leur environnement.