L'accord de cessez-le-feu, qui avait débuté le 22 mai dernier et qui a pris fin la nuit du 3 au 4 juin, avait permis de diminuer un tout petit peu l'intensité des combats et un accès limité à l'aide humanitaire, même s'il avait été violé à plusieurs reprises comme ses prédécesseurs. Tout indique que le confit va vers une aggravation.
Les habitants de Khartoum signalent depuis ce dimanche matin une forte escalade des affrontements dans plusieurs quartiers de la capitale. C'est le centre et le sud de Khartoum, ainsi que la ville de Bahri au nord de Khartoum, qui sont les plus touchés par cette recrudescence des combats entre l'armée soudanaise et les Forces de soutien rapide du général Mohamed Hamdan Daglo dit « Hemedti ».
Une habitante de la ville, Sara Hassan, a assuré à Reuters qu'ils vivent désormais « un véritable enfer », « dans le sud de Khartoum, nous vivons dans la terreur de violents bombardements, du bruit des canons anti-aériens et des coupures d'électricité ».
Des frappes aériennes qui visaient par exemple des positions des FSR dans l'est de Khartoum auraient fait des victimes civiles. D'autres témoins ont rapporté par ailleurs qu'un avion militaire s'était écrasé à Omdourman, l'une des trois villes qui constituent, avec Khartoum et Bahri, la grande région de la capitale. Les paramilitaires assurent l'avoir abattu alors que l'armée parle d'une « défaillance technique ».
Cette escalade des affrontements a lieu alors que les États-Unis et l'Arabie saoudite cherchent de nouveau à relancer les discussions entre les deux belligérants en vue d'un nouveau cessez-le-feu, « effectif » cette fois, malgré la décision du général Abdel Fattah al-Burhan de se retirer des pourparlers de paix mercredi. Mais ça ne sera pas facile.
Les forces loyalistes
Les combats ont déjà fait plus de 1 800 morts et un million et demi de réfugiés et déplacés. Et ils pourraient gagner en intensité, selon Kholood Khair, directrice de Confluence Advisory. « La crainte est très forte qu'il y ait une escalade et que cela ne reste pas un affrontement entre deux factions militaires dans un cadre civil, mais que cela tourne à la guerre civile, observe-t-elle. On en voit des signes avant-coureurs à Khartoum, avec des officiers à la retraite qui reprennent du service et des civils à qui l'on demande de prendre les armes et de rejoindre les combats. Cela se produit déjà au Darfour : le gouverneur a conseillé aux civils de s'armer, ce qui a été en grande partie suivi d'effet car le Darfour subit une grande insécurité. »
Pour la chercheuse, les troupes du général Abdel Fattah al-Burhan sont en train de se réorganiser : « Au moment où nous parlons, elles préparent une offensive sur la capitale dont on estime actuellement qu'elle est contrôlée à 90% par les forces paramilitaires. Les forces armées soudanaises veulent obtenir des gains militaires sur le terrain, à Khartoum, avant de reprendre de quelconques négociations. »
∎ Témoignage
Des centaines de Soudanais fuient chaque jour vers les pays voisins, au Tchad, au Soudan du Sud, et pour la majorité d'entre eux en Égypte. C'est le cas d'Omar Salman, un médecin soudanais de 31 ans parti de Khartoum. Le Royal Care Hospital où il travaillait a fermé, comme la plupart des hôpitaux de la capitale, bombardés ou occupés par les belligérants. Au milieu des combats, et sans réserve de nourriture, il lui était de toute façon devenu impossible de survivre. Il raconte ses trois semaines d'exode avant d'atteindre Le Caire :
« Je suis parti de Khartoum seul, avec un sac à dos et une de l'argent que ma famille m'avait transféré. Car il faut prendre plusieurs bus pour atteindre la ville de Wadi Halfa à la frontière égyptienne, cela coûte très cher. Sur les routes, les FSR sont très agressifs : ils m'ont fouillé entièrement. Parfois, ils peuvent te taper, t'insulter. Quand je suis arrivée à Wadi Halfa, j'ai attendu sept jours avant d'obtenir mon visa. De nombreux prisonniers se sont évadés au Soudan, alors les autorités égyptiennes veulent être sûres de ne pas laisser entrer de personnes dangereuses sur leur sol. Les délais sont longs. Il y a beaucoup de personnes âgées, parfois malades. J'en ai vu cinq mourir avant d'avoir pu traverser la frontière. Ici au Caire, il y a tellement de Soudanais que les loyers coûtent dix fois plus cher que d'habitude. J'ai eu la chance de trouver un petit appartement, qui fait l'affaire. »