Rabat — L'adaptation des oeuvres littéraires au cinéma et au théâtre a été au centre d'une rencontre organisée, dimanche à Rabat, dans le cadre de la 28ème édition du Salon international de l'édition et du livre (SIEL).
Cette rencontre, tenue dans le cadre de l'événement "La littérature comme espace de réflexion", a connu un débat entre professionnels du cinéma et écrivains, sur des questions liées au degré de fidélité à l'oeuvre littéraire lors de l'écriture du scénario d'une pièce de théâtre ou d'un film, et sur les techniques de transformation d'un roman en un scénario.
Intervenant à cette occasion, le réalisateur marocain Fouad Souiba a indiqué qu'en essayant de comparer les deux disciplines, "l'industrie cinématographique est historiquement faible devant la littérature, de par son invention tardive", notant que "le septième art est venu utiliser tout ce qui l'a précédé, comme les romans, les nouvelles ou même la musique".
Il a cité l'écrivaine américaine Linda Seger, autrice du livre "The art of adaptation" pour indiquer que l'adaptation est l'élément vital de l'industrie cinématographique et télévisuelle, ajoutant que "les grands classiques du cinéma sont pratiquement tous tirés d'oeuvres littéraires, comme "la naissance d'une nation", "Le magicien d'Oz", "Autant en emporte le vent" et "Casablanca".
La romancière, dramaturge et scénariste Turque, Sedef Ecer, a, pour sa part, relevé que la "trahison" de l'oeuvre littéraire dans l'adaptation est "pratiquement inévitable", en raison notamment des différentes techniques d'écriture pour les 6ème et 7ème art en comparaison avec l'écriture d'un roman et à la nécessité d'adapter l'écriture du scénario aux budgets des productions et également au nombre d'acteurs et de comédiens utilisés.
Elle a cité, à ce propos, l'expérience d'une pièce théâtrale adaptée de son roman "Trésor National", où elle raconte l'histoire d'une diva de cinéma turque qui demande de son vivant à sa fille de lui écrire un discours funéraire et de lui organiser un grand spectacle vantant ses anciens films avec les acteurs qui l'avaient épaulés dans ses rôles.
"Cette histoire devait être une pièce de théâtre, mais à cause de la pandémie du Covid j'ai dû me résigner à l'écrire en roman. Peu de temps après, une scénariste l'a adaptée au théâtre, en rétrécissant les 350 pages du roman en 45 pages de scénario. Elle a dû faire des choix et enlever certains personnages et certaines scènes du roman et j'ai accepté, parce que l'adaptation de mon roman a permis l'éclosion d'une toute autre oeuvre".
Le réalisateur marocain Nabil Ayouch a abondé dans le même sens, en indiquant que l'exercice d'adaptation d'une oeuvre littéraire démarre "à partir d'un coup de coeur pour une histoire" mais que l'adaptation au cinéma est une sorte de "trahison de l'oeuvre littéraire".
Il a cité, dans ce sens, l'expérience du long-métrage "Les chevaux de Dieu", adaptation du roman de l'auteur Mahi Binebine "Les étoiles de Sidi Moumen", en indiquant être "tombé amoureux" du roman de l'auteur marocain, mais s'être "éloigné du récit narratif proposé par l'auteur, pour créer une toute autre forme de cohabitation entre les différents personnages du film".
"Il y a des auteurs qui demandent à rester proches du passage à l'écriture du scénario, tandis que d'autres délèguent l'oeuvre au cinéaste pour en faire une autre oeuvre, c'était mon cas avec Mahi Binebine, j'ai délaissé le projet de scénario que j'entreprenais avant d'adapter son roman pour ce court-métrage", a-t-il relevé.
Organisé sous le Haut patronage de SM le Roi Mohammed VI, par le ministère de la Jeunesse, de la Culture et de la Communication en partenariat avec la Wilaya de la région de Rabat-Salé-Kénitra et le Conseil de la région Rabat-Salé-Kénitra, le SIEL-2023, qui se poursuit jusqu'au 11 juin, est marqué par la participation de 661 écrivains, intellectuels et poètes marocains et étrangers qui illumineront avec leurs contributions intellectuelles le ciel de ce Salon international de renom.