48h environ après les violentes manifestations de jeudi 1er et vendredi 2 juin 2023, l'heure est au bilan, encore provisoire. Certes ! Et celui humain aura été très lourd, avec l'avenir du pays, notamment des jeunes qui ont payé un lourd tribut au dossier de «viol répétés» et «menaces de mort» ayant opposé la masseuse Adji Sarr à Ousmane Sonko, président du Pastef. Au total, partant de données officielles, depuis mars 2021, au moins 33 personnes ont perdu la vie et plusieurs autres blessés lors de manifestations liées à cette affaire qui a tenu en haleine le Sénégal pendant plus de 2 ans.
15 personnes, au moins ont été tuées dans le cadre des «émeutes» du jeudi 1er et vendredi 2 juin 2023, dont 9 pertes en vies humaines le premier jour, le jeudi dernier, Selon le ministère de l'Intérieur, en charge de la Sécurité publique. Tout a commencé après le verdict de la Chambre criminelle du Tribunal de Dakar condamnant Ousmane Sonko, le leader de Pastef, par ailleurs maire de Ziguinchor, à 2 ans de prison ferme plus une amande de 600.000 FCFA et 20 millions de FCFA de dommages et intérêts pour «corruption de le jeunesse». Ce après avoir été acquitté des chefs d'accusation de «viols répétés» et «menaces de mort» pour lesquels il était pourtant poursuivi depuis son inculpation en 2021 et attrait devant cette juridiction de jugement, au Palais de Justice Lat-Dior de Dakar.
En effet, depuis l'éclatement de cette affaire, plusieurs individus, dont l'écrasante majorité a moins de 30 ans, donc des jeunes à la fleur de l'âge, ont perdu la vie dans des échauffourées entre manifestants et Forces de l'ordre. Déjà, lors de la première manifestation ayant éclaté suite à l'arrestation du leader de Pastef, Ousmane Sonko, en mars 2021, au moins 14 morts avaient été déplorés entre Dakar et sa banlieue et Ziguinchor, en passant par d'autres localités de l'intérieur du pays comme Bignona...
Suite à des médiations qui ont permis de retrouver le calme, avec la libération sous contrôle judiciaire de Ousmane Sonko, les autorités avaient déclaré avoir entendu et compris le message de la jeunesse. C'est ainsi que, lors d'un Forum de la jeunesse qu'il avait présidé à Diamniadio, des jours après, le président Macky Sall avait dévoilé un ambitieux programme pour les jeunes, à coup de plus de 350 milliards de FCFA étalés sur trois ans. Aussi avait-il déclaré, avec assurance, que «plus jamais» ce qui s'était produit en mars 2021, en terme pertes en vies humaines et de biens matériels appartenant à l'Etat et à autrui (privés), ne se reproduirait.
Halas ! Des auditions dans le fonds de ce dossier aux confrontations des différents acteurs, chaque fois que le leader de Pastef/Les Patriotes, qui a toujours clamé son «innocence» dans cette affaire et dénoncé un «complot» visant à l'écarter de la course à la présidentielle de février 2024, est convoqué devant le Tribunal, il y a eu des manifestations violemment dispersées par les Forces de défense et de sécurité (FDS). Certains de ces «accrochages» se sont soldés par des morts à Dakar, Ziguinchor et/ou Bignona. C'est le cas, par exemple, le 16 mars 2023 dernier où au moins 3 morts avaient été déclarés. Et, suite au procès du mardi 16 mai 2023 un policier a été mortellement fauché et un autre blessé à Ziguinchor, par un blindé de la Police qui faisait marche arrière, alors qu'ils faisaient face à des manifestants. Ce qui fait, au moins 33 morts depuis l'éclatement de cette affaire : les 14 de mars 2021 plus les 3 du 16 mars dernier, ajoutés à ce policier tué par le véhicule de Police et aux 15 victimes de jeudi 1er et vendredi 2 juin 2023. Compte non tenu des cas de décès signalés à l'occasion d'autres manifestations à Bignona et Ziguinchor.
Ce bilan est loin d'être exhaustif. En effet, toujours en lien avec ce dossier de «viols répétés» et «menaces de mort», chaque fois que les FDS imposent un blocus à l'accès au domicile du maire de Ziguinchor à la Cité Keur Gorgui, il y a eu des débordements qui, parfois, ont entrainé des décès et de nombreux cas de blessés dont certains graves. Il en est de même tout récemment, lors de la caravane improvisée par ce dernier, après sa retraite de «désobéissance civile» à Ziguinchor, en passant par Kolda, où un mort a été enregistré lors d'affrontements avec des groupes opposés à ce périple, Tambacounda et Koungheul où la Gendarmerie, sur ordre des autorités, a mis fin au convoi en arrêtant et ramenant de force Ousmane Sonko chez lui à Dakar. Plusieurs dizaines de jeunes, avenir du pays, tués ; une perte énorme pour leurs familles, certes, mais pour tout le Sénégal !
I.DIALLO