L'Institut Facultaire des Sciences de l'Information et de la Communication (IFASIC) a organisé, vendredi 2 juin 2023, une conférence académique à l'espace professeur Malembe. Animée par le Professeur Placide Mabaka, sous le thème "de la nationalité au Congo-Zaïre", cette conférence se voulait une réflexion sur la proposition de loi dite Tshiani.
Spécialiste en matière constitutionnelle, le professeur Placide Mabaka, a commencé son intervention par une élucidation du concept de nationalité, soulignant ses effectivités juridique et sociale. En ceci, insiste l'orateur, « la nationalité est une mentalité, un état d'esprit. Au-delà des textes juridiques, elle implique une dimension psycho-sociale ».
L'orateur a ensuite fait comprendre qu'à propos de cette question de nationalité, la République Démocratique du Congo (RDC) est, si pas le seul, en tout cas l'un de rares pays au monde dans lesquels on distingue les nationaux d'origine des nationaux d'acquisition.
Et pourtant, renchérit-t-il, « la notion de Congolais d'origine a évolué dans le temps. Le Congolais d'origine d'aujourd'hui n'est pas le même que le Congolais d'origine d'hier ». Il l'a démontré en partant de la double condition de droit de sang et droit de sol comme conditions, selon un décret de 1892 (sous l'Etat Indépendant du Congo), à l'actuelle constitution, en passant par celle dite de Luluabourg et bien d'autres dispositions légales.
Ces acceptions ont servi de point de départ pour aborder les fonctions régaliennes dont il est question dans la loi dite Tshiani, puisque l'accès auxdites fonctions est réservé aux seuls Congolais d'origine. « L'accès à la fonction présidentielle dans l'état actuel des choses, a indiqué Placide Mabaka, est déjà verrouillé par la constitution. Donc seuls les Congolais d'origine peuvent être candidats au scrutin présidentiel. Dans ces conditions, quelle pourrait être la valeur ajoutée de la loi dite Tshiani ? », s'est-il interrogé.
Et pour tenter d'y répondre, il a relevé les points forts et les points faibles de ladite loi. Comme mérites de cette loi, il a mentionné le rétablissement du principe d'irréversibilité ou d'irrévocabilité de la nationalité congolaise d'origine, la reprécision sur qui est un Congolais d'origine, et l'extension des fonctions régaliennes au-delà de la fonction présidentielle, pour inclure entre autres la primature et la présidence des deux chambres du parlement.
Cependant, cette loi crée une discrimination entre Congolais d'origine, étant donné que dès lors qu'un Congolais d'origine a acquis une autre nationalité, il ne peut plus accéder à des fonctions régaliennes, même s'il arrive à renoncer à cette nationalité étrangère acquise, a fait remarquer le conférencier.
En guise de conclusion, il a jugé cette proposition de loi inopportune, estimant que « elle ne peut être adoptée que si et seulement si la constitution est révisée en amont.
Or, à l'état actuel, il y a deux difficultés : conformément à l'article 219 de la constitution, on ne peut pas réviser la constitution lors que le pays est en état de siège ; du point de stratégie politique, je vois mal le gouvernement actuel se lancer dans un tel projet de modification de la constitution, juste pour accommoder cette proposition de loi ».
Le recteur de l'IFASIC, le professeur Jean-Richard Kambayi Bwatshia, présent à cette conférence, a profité de cette occasion pour sensibiliser les étudiants, les appelant au patriotisme. Il est revenu sur quelques faits historiques démontrant la mainmise des étrangers sur certaines démarches désavantageant la RDC, et a insisté que la loi Tshiani a vu le jour dans ces circonstances d'infiltration. « Peut-être que la loi ne va pas passer. Mais la loi Tshiani se trouve dans le coeur de chaque Congolais.
Parce qu'on nous a faits du mal », a-t-il conclu.
La loi dite Tshiani est une proposition de loi initiée par Noël Tshiani, et portée par le député Nsingi Pululu, élu du district de la Funa.
Elle propose, en effet, de réserver les fonctions régaliennes aux seuls Congolais d'origine. Elle a été déposée à l'Assemblée Nationale le 8 juillet 2022 et a, depuis, fait couler autant d'encre que de salive.