Le 20 Mai 2023 nous avions assisté à Kinshasa à une marche de l'opposition au régime en place qui a tourné au vinaigre. La police s'en est pris aux opposants avec une brutalité qui a fait parler tout le corps diplomatique accrédité à Kinshasa. L'image d'un mineur de 12 ans bastionné par un policier qui avait à peu près 4 fois son âge a fait le tour des réseaux sociaux. La question du VPM et Ministre de l'Intérieur, monsieur Peter Kazadi, à la victime continue d'étonner plus d'un. En effet le Ministre demandait à l'enfant à quel parti politique il appartenait. Le sous-entendu de cette question était qu'il n'y a que des membres de partis politiques qui sont sensés interroger les injustices sociales et la banalisation du quotidien de la vie congolaise. Un Congolais lambda, qui plus est un bambin ne peut pas questionner les divagations du pouvoir.
Une autre chose qui est devenue courante dans le Congo où les gens sont encore traumatisés par un leadership mal inspiré, c'est la tendance à blâmer la victime. C'est de la faute de la victime, dit-on, s'il s'est fait bastionner. Je me souviens de la même réaction des violeurs sud-africains qui se justifiaient en disant qu'ils voulaient les filles parce que celles-ci portaient des mini-jupes. Cette manie de blâmer la victime est le propre d'une société de couardise ; on ne sait pas s'attaquer à la véritable cause.
Le gouvernement a bien fait d'arrêter les policiers qui ont fait montre d'une formation policière bancale en se rouant sur un jeune homme de 12 ans. Cependant, comme à son habitude, le MDW veut aller à la racine des choses. Ce n'est pas l'événement en soi qui nous intéresse, mais ce qui le rend possible. Qu'est-ce qui a rendu possible ce fiasco sécuritaire du 20 Mai 2023 ?
Dans notre constitution de 2006, les manifestations sont autorisées pourvu que l'on informe l'autorité municipale de la date, de l'heure et de l'itinéraire que les manifestants suivraient. Le gouverneur de la ville ou son représentant doivent assurer la sécurité des marcheurs du début à la fin de la manifestation pacifique. Le problème qui se pose aux gouverneurs de la ville de Kinshasa depuis que cette constitution a été adoptée est l'incapacité de rester neutre devant une information sur une marche qui concerne un parti politique qui n'est pas de leur obédience.
L'ancien gouverneur de la ville de Kinshasa, monsieur Kimbuta qui avait adopté un leadership de proximité avec le peuple n'arrivait pas à laisser les membres de l'opposition marcher tranquillement jusqu'à leur point de chute. Il y avait toujours des bastonnades, des gaz lacrymogènes lancés sur les manifestants et surtout des arrestations arbitraires et violentes. Aujourd'hui le pays est dirigé par le parti politique qui a le plus subi ces sévices pendant les 18 ans de règne de l'ancien régime. On devrait logiquement s'attendre à un changement radical comme le demandait le "lider maximo', monsieur Etienne Tshisekedi.
A la place d'un changement radical, nous assistons à un durcissement envers l'opposition. Les événements du 20 Mai 2023 témoignent d'un usage de la force complètement disproportionné envers des marcheurs à mains nus, des manifestants pacifiques. Nous ne reconnaissons plus le parti qui a incarné le refus de la dictature depuis l'époque de Mobutu. L'UDPS était, en effet, devenue légendaire dans sa lutte contre les dérives dictatoriales des régimes de Mobutu, Laurent Désiré Kabila et Joseph Kabila.
Aujourd'hui au pouvoir, en plein 21eme siècle, le même parti qui avait lutté contre la dictature se rend coupable des débordements inimaginables sur des mineurs en plus. La métamorphose de l'UDPS est étonnante à plusieurs chefs. L'actuel président avait promis sur les ondes nationales de « déboulonner » ces pratiques inhumaines, de fermer les prisons illégales de l'ANR et de nettoyer la police des antivaleurs. L'UDPS a un grand devoir d'explication à donner à ceux qui avaient cru en sa parole. Ceci sera le sujet d'un autre MDW.
Pour l'instant, nous voulons comprendre pourquoi le gouverneur actuel qui a plutôt un leadership petit bourgeois contrairement à son prédécesseur, a-t-il voulu se substituer au législateur qui a prévu un régime d'information plutôt qu'un régime de permission quant aux manifestations pacifiques ?
Le gouverneur de la ville de Kinshasa a voulu imposer un itinéraire aux manifestants, ce qui est déjà au-delà de ses prérogatives qui consistent à enregistrer seulement la demande de la marche et a instruire les agents de l'ordre pour encadrer les marcheurs. En laissant marcher l'opposition pacifiquement selon l'itinéraire qu'elle s'est choisi avec un encadrement policier raisonnable, la constitution serait respectée. Le texte de la constitution est la seule chose qui nous unit comme peuple provenant des origines différentes. Sans ce texte sacré, il n'y aurait plus d'Etat. Celui qui choisit de l'ignorer détruit en fait la fabrique même de l'Etat Congolais.
Le gouverneur de la ville de Kinshasa avait aussi choisi de laisser marcher le même jour que l'opposition les membres du parti au pouvoir, est un euphémisme. C'est une milice que l'on a vue défiler avec des machettes en mains. Cette arme blanche entre les mains des membres d'un parti politique constitue une innovation flagrante et un recul moyenâgeux vers un passé des pithécanthropes. Comment autoriser deux groupes opposés à marcher le même jour si on ne veut pas un trouble à l'ordre public ? En plus, un des groupes est armé des machettes en compagnie de la police nationale.
La constitution nous donne la voie de sortie pour éviter les débordements et les frustrations. On laisse marcher les premiers demandeurs et on les encadre par une police bien entraînée.
Aucune manifestation ne devrait aboutir à ce à quoi nous avions assisté le 20 Mai 2023 dans la ville de Kinshasa.
Le gouverneur a transformé le régime d'information en régime d'autorisation. On ne demande pas l'autorisation de marcher pour protester, c'est un droit constitutionnel inscrit dans le texte que nous avions tous voté au référendum de 2006. Le gouverneur n'est pas sollicité pour donner une autorisation quelconque, mais pour laisser les marcheurs suivre pacifiquement leur itinéraire. De plus on l'informe comme gouverneur, une tâche républicaine, neutre, pour qu'il envoie la police qui doit encadrer la manifestation.
La tentation du pouvoir est de ne pas se contenter d'être informé. On a l'impression de ne pas exercer le potestas (un pouvoir despotique qui ne jure que par l'ordre). Si le gouverneur de la ville obéissait à la constitution qui demande d'encadrer les manifestations pacifiques jusqu'à leur point d'aboutissement, il exercerait le potentia (un pouvoir créateur, innovant et respectueux de la dignité de l'homme).
Le MDW pensent que le style du leadership petit bourgeois qu'a adopté le gouverneur, le fait d'être éloigné des habitants de Kinshasa, ne peut que le conforter dans son interprétation abusive de la constitution.
Les autorités de Kinshasa et le régime au pouvoir devraient faire au moins une fois l'expérience de laisser les opposants marcher pacifiquement selon leur itinéraire, en les encadrant par la police. On verra que tout se passera sans grand désordre et le soir chacun rentrera chez lui tranquillement ; l'opposition va gagner dans sa mobilisation, le régime va gagner dans ses efforts de démocratisation et la police gagnera en devenant une police de proximité.
Un leadership national est celui qui s'évertue à faire développer les possibilités, les potentialités et le génie du peuple congolais. Ce à quoi nous assistons aujourd'hui est seulement le contraire d'un leadership comme le dirait le professeur Matthieu Yangambi.
La Constitution a toutes les solutions jusqu'à présent. Il nous suffira de la suivre et le pays sera remis dans la bonne direction. Information et non permission, dixit la Constitution !