Dakar — L'ancien ministre Karim Wade, "bouleversé" et "consterné" par les émeutes à l'origine de la mort de 16 personnes, appelle ses compatriotes à renoncer à la violence et à "revenir à la raison".
"Je suis extrêmement préoccupé par la situation actuelle de notre pays [...] Je suis bouleversé par ces événements qui ont causé la mort de 16 jeunes Sénégalais, dont les familles sont dévastées, écrit M. Wade dans un communiqué reçu de ses camarades du PDS, le Parti démocratique sénégalais (opposition).
"Je suis consterné par les dommages énormes infligés à notre économie, à nos infrastructures, à notre tissu social, et par le saccage des universités", a ajouté l'ancien ministre vivant au Qatar depuis près de sept ans.
Karim Wade "demande solennellement à tous ceux qui sont tentés par des excès de revenir à la raison".
Des émeutes ont fait au moins 16 morts et d'importants dégâts matériels, entre jeudi et dimanche dernier, selon un bilan officiel.
Les violences ont éclaté après que l'opposant Ousmane Sonko a été condamné par la chambre criminelle du tribunal de Dakar à deux ans de prison ferme pour "corruption de la jeunesse".
Il était jugé pour viol et menaces de mort à l'encontre d'Adji Sarr, une ex-employée d'un salon de beauté à Dakar.
Le tribunal a disqualifié les faits de viol et de menaces de mort pour lesquels il était poursuivi en corruption de la jeunesse.
La peine de prison est susceptible de l'empêcher de se présenter à l'élection présidentielle de 2024, pour laquelle il s'est déclaré candidat, affirment ses avocats, se basant sur le Code électoral du pays.
"Après ces jours d'émeutes et leurs cortèges de drames, il est urgent que chacun prenne conscience que nous risquons d'être entraînés dans une impasse qui peut être fatale au Sénégal", avertit Karim Wade.
"Quatorze victimes innocentes en 2021 et 16 autres aujourd'hui"
"Ayant été emprisonné arbitrairement pendant trois ans par une justice instrumentalisée, puis exilé loin des miens et de mon pays, je suis bien placé pour dire au président de la République, Macky Sall, et à Ousmane Sonko, que l'oppression et la violence ne peuvent conduire qu'à des échecs", déclare-t-il, ajoutant présenter ses "condoléances les plus émues"aux parents des victimes.
Il estime que "les violences et les actes de vandalisme ne font que nuire à notre pays"et demande aux forces de sécurité et de défense de "proscrire tout recours injustifié à la force".
"Mon appel s'adresse également à toute la classe politique, qui a la responsabilité de privilégier le respect des institutions, le dialogue et la concertation", écrit M. Wade, jugeant "inacceptable et impardonnable" que "14 victimes innocentes en 2021 et 16 autres aujourd'hui" soient dénombrées dans les violences consécutives à cette affaire judiciaire concernant Ousmane Sonko.
"Les Sénégalaises et les Sénégalais ont un ardent besoin de stabilité, de sécurité, de prospérité et de paix. Nous ne pouvons répondre à leurs exigences en nous dressant violemment les uns contre les autres, en créant des divisions artificielles et en attisant les flammes de la discorde", a ajouté l'ancien ministre.
Il dit espérer que "notre peuple saura se ressaisir".
Karim Wade demande aux Sénégalais de "faire preuve de retenue, de sagesse et de respect mutuel", et de "savoir rester ensemble dans l'unité, la solidarité, le respect de l'Etat de droit et de la démocratie".
Le fils de l'ex-président de la République avait été condamné en 2015 à six ans de prison pour des faits d'escroquerie sur les deniers publics et d'enrichissement illicite.
Après trois ans d'emprisonnement, il avait bénéficié de la grâce du président de la République et avait été libéré. Il vit depuis 2016 au Qatar.