Tunisie: Réconciliation pénale et taxes supplémentaires - Le remède miracle pour contourner le FMI ?

Les discussions entre la Tunisie et le Fonds monétaire international (FMI) connaissent un virage crucial. Deux options se profilent à l'horizon: soit un effondrement irrévocable des négociations, soit un accord avec de nouvelles conditions, alors que le Président de la République, Kaïs Saïed, campe sur ses positions, refusant toute forme de diktat.

Ces derniers temps, le Président de la République multiplie ses manoeuvres politiques et diplomatiques pour éclairer les Tunisiens et surtout les partenaires de la Tunisie à ce sujet. Samedi dernier, lors d'un échange téléphonique avec son homologue français, Emmanuel Macron, il a réitéré sa position à cet égard : pas d'accord qui risque de mettre en péril la stabilité du pays.

Selon un communiqué de la Présidence de la République, l'entretien a été l'occasion pour le Chef de l'Etat d'expliquer sa position concernant les négociations avec le FMI, soulignant, à ce titre, que les recommandations émanant de cette institution monétaire risquent de conduire à une déstabilisation de la paix sociale.

A cet égard, le Chef de l'Etat a rappelé les événements du 3 janvier 1984 lors desquels des centaines de personnes ont trouvé la mort lorsque l'Etat a décidé de ne plus subventionner les produits céréaliers et leurs dérivés. Pour le Chef de l'Etat, «la paix civile n'a pas de prix. Elle est une valeur inestimable».

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En contrepartie, le Président Saïed a évoqué la possibilité de proposer une nouvelle alternative consistant à prélever des impôts à ceux qui n'ont pas besoin de subvention et ce, dans le but d'assurer un financement soutenu de la Caisse de compensation. Et le Président Saïed d'affirmer que «tout comme la justice doit prévaloir à l'intérieur des pays, elle doit aussi gouverner les relations internationales», soulignant que «l'humanité tout entière aspire à une nouvelle ère de son histoire où prévalent justice, liberté, sécurité et paix».

De son côté, l'Elysée a assuré que Macron a réitéré à Saïed la volonté de Paris de soutenir la Tunisie dans ses discussions avec le FMI et pour la mise en oeuvre des réformes requises. «Le Président de la République s'est entretenu, par téléphone, avec le Président de la République tunisienne, M. Kaïs Saïed, ce samedi 3 mai 2023. Les deux Chefs d'État ont évoqué la situation économique en Tunisie.

Le Président de la République a rappelé à son homologue qu'il pouvait compter sur l'appui de la France dans les discussions en cours avec le Fonds monétaire international. Il a, par ailleurs, réaffirmé que la France soutiendrait la Tunisie dans la mise en oeuvre des réformes qu'elle décidera. Les deux chefs d'État ont également évoqué les autres aspects de la situation intérieure du pays», a-t-on communiqué.

Un jour avant, Kaïs Saïed a eu un entretien avec la Cheffe du gouvernement italien, Giorgia Meloni, pour évoquer ces questions, ainsi que les préoccupations que fait naître l'immigration irrégulière. L'entretien a été l'occasion de rappeler la solidité et l'excellence des relations entre les deux pays, qui sont reliés par les relations stratégiques avec tous les pays de l'UE. Il a, par ailleurs, été question de l'initiative lancée par Saïed consistant, en l'organisation d'un congrès de haut niveau regroupant tous les pays concernés par la migration clandestine, pour essayer de trouver les solutions à ce phénomène, et cette situation inhumaine. La Cheffe du gouvernement italien a, par ailleurs, accepté l'invitation de Kaïs Saïed, pour une visite officielle à Tunis. Visite qui aura lieu durant la semaine à venir.

A la croisée des chemins

Au fait, la situation concernant cet accord est actuellement très confuse. Selon les observateurs de la scène nationale, seul un assouplissement des conditions posées par le FMI peut sauver cet accord périlleux. Or, le Président de la République est catégorique à ce sujet : il ne s'oppose pas à un accord avec le FMI, mais rejette tout diktat qui mettrait en péril la paix sociale en Tunisie.

En contrepartie, le Président de la République mise sur plusieurs dossiers pour contourner les conditions du FMI. Réconciliation pénale et taxes supplémentaires sur les personnes bénéficiant indûment de la Caisse de compensation. Or, pour certains économistes, ces alternatives peuvent être traitées à moyen et long terme, alors qu'un accord avec le FMI semble inévitable pour sauver les finances.

Mais actuellement, aucune nouvelle au sujet des négociations, et le bras de fer entre les deux parties se poursuit. Le ministre de l'Economie, Samir Saïed, a annoncé récemment qu'il n'y avait, actuellement, rien de neuf dans les négociations entre la Tunisie et le FMI. Il a, néanmoins, annoncé que la mise en application des réformes avance à grands pas, ajoutant que l'Etat s'engage à ce que la levée des subventions ne touche pas les familles à revenus réduits.

Pour sa part, la ministre des Finances, Sihem Nemsia, a annoncé, lors d'une plénière à l'ARP, que l'Etat préparait un important programme de réformes, et un projet d'envergure visant l'impulsion de l'investissement en Tunisie.

Dans ce cadre, elle a fait savoir que plusieurs projets de loi seront soumis, dans les prochains jours, à l'Assemblée des représentants du peuple (ARP), soulignant toutefois que le gouvernement fait face à de grandes pressions.

Des pressions qui, selon ses dires, l'incitent à recourir à l'emprunt, aussi bien à l'intérieur qu'à l'extérieur du pays, afin d'honorer ses engagements, relatifs à la masse salariale, aux transferts sociaux au profit des catégories vulnérables, et à l'importation des carburants et produits de base dont le pays a besoin.

A cela s'ajoutent, a-t-elle rappelé, les facteurs externes, notamment le conflit russo-ukrainien, qui a pesé lourdement sur les équilibres financiers de l'Etat en 2022, à la lumière de la hausse des prix à l'importation des carburants, de céréales, des huiles, de sucre.

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