Maroc: Le gouvernement et sa commission en grave déphasage

Le gouvernement et sa commission en grave déphasage

«Encore des mots, toujours des mots, les mêmes mots», c'est ainsi que l'académicien et spécialiste des questions migratoires, Abdelkrim Belguendouz, a commenté le communiqué rendu public jeudi dernier à l'issue de la 10ème réunion de la Commission ministérielle chargée des Marocains résidant à l'étranger et des affaires de la migration. Selon lui, il s'agit d'un communiqué fade, qui passe plusieurs aspects sous silence et qui reste truffé de langue de bois.

Langue du bois

Que rapporte ce communiqué gouvernemental ? A vrai dire rien puisque ses rédacteurs se sont contentés de rappeler que la réunion de jeudi dernier a été l'occasion de «présenter les conclusions des travaux des comités thématiques qui se sont penchés sur l'élaboration d'un programme exécutif»; «mettant l'accent sur l'engagement du gouvernement pour la mise en oeuvre des dispositions et mesures contenues dans le programme gouvernemental 2021-2026, visant à répondre aux attentes et aspirations de la communauté marocaine établie à l'étranger»; pour «accélérer la cadence de la mise en oeuvre des différentes dispositions prévues par le programme exécutif relatif à la mise en oeuvre du contenu du discours Royal», et d'annoncer que des comités ont été constitués concernant la promotion des investissements des MRE au Royaume, la mobilisation des compétences marocaines à l'étranger, la promotion des services administratifs et droits des MRE, la consolidation de l'identité et la réhabilitation et la modernisation du cadre institutionnel».

Le communiqué a rappelé, en outre, «l'action des comités thématiques qui ont pu tenir 16 réunions consacrées à la présentation et à l'examen des recommandations issues des travaux de ces comités ».

Inconstance et fébrilité

Abdelkrim Belguendouz considère ce communiqué comme muet et stérile qui n'apporte rien de nouveau ni de concret concernant les mesures prises et les programmes conçus depuis le discours Royal prononcé à l'occasion du 69ème anniversaire de la révolution du Roi et du Peuple, visant, entre outre, la modernisation et la mise à niveau du cadre institutionnel relatif à la communauté marocaine résidant à l'étranger, ainsi que la reconsidération du modèle de gouvernance des institutions existantes afin d'en améliorer l'efficacité et la synergie.

«Les rédacteurs de ce communiqué se contentent de laisser entendre et font allusion à des mesures et des actions chimériques alors que l'ensemble des parties concernées attendent depuis 9 mois les résultats des travaux gouvernementaux en la matière. D'autant que l'Exécutif s'est donné trois mois pour prendre les mesures nécessaires.

Aujourd'hui, les résultats peuvent se résumer dans la réunion du comité thématique et la nomination des groupes thématiques. Nous sommes pratiquement au point zéro», a-t-il déploré. Et de poursuivre : « Cela signifie deux choses: que le gouvernement n'a rien préparé et que l'action du gouvernement en matière de MRE demeure inconsistante. Autrement dit, l'équipe gouvernementale ne dispose pas d'une vision globale au-delà de certaines mesures concoctées par-ici, par-là. Alors que le discours du Roi mérite une réponse sérieuse et crédible et une feuille de route constante».

Vase clos

Pour notre interlocuteur, l'opacité entoure plusieurs questions primordiales comme le rôle de l'administration chargée de la gestion du dossier des MRE, la réforme du CCME et autres fondations chargées de cette question, la place et le rôle des Marocains du monde dans les programmes et plans prévus. «Qu'en est-il du sort des propositions de loi sur la mise à niveau institutionnel du CCME, de l'implication des partis politiques, des syndicats, des chercheurs en la matière? Qu'en est-il du bilan de la mise en oeuvre des avancées réalisées avec la Constitution de 2011 et des mesures préconisées en faveur des MRE afin qu'ils jouissent d'une citoyenneté pleine et entière?

Qu'en est-il également des actions effectuées au niveau de l'enseignement de la langue arabe et de l'encadrement religieux? etc. Bref, le gouvernement travaille en vase clos», a-t-il noté. Et de préciser: «Cette situation n'aura pas lieu si le CCME assume ses attributions en élaborant ses rapports stratégiques chaque deux années et en présentant des propositions. Idem pour le chef du gouvernement qui n'assume pas sa responsabilité en tant que chef de la commission ministérielle chargée des Marocains résidant à l'étranger et des affaires de l'immigration ».

Le provisoire qui dure

Même évaluation de la part de Hatim Louzzi, député de l'USFP, qui a relevé l'absence d'une volonté politique réelle chez le gouvernement dans la gestion de ce dossier. Alors qu'il s'agit, précise-t-il, d'une question à forts enjeux économiques, sociaux et politiques. «L'Exécutif gère ce sujet d'une manière provisoire et sans vision claire comme en atteste l'absence d'initiatives législatives ou autres de la part du gouvernement au cours de ce mandat. En effet, le sujet MRE n'est pas classé au niveau des dossiers prioritaires et urgents», nous a-t-il rapporté.

Concernant les propositions relatives à la réforme du CCME, notre source nous a expliqué que les propositions présentées par le Groupe socialiste à la Chambre des représentants sont restées lettre morte et l'Exécutif n'a pas jugé utile de leur donner une suite positive. Idem pour les propositions présentées par le Groupe istiqlalien de l'unité et de l'égalitarisme. Le président du groupe, Nourdin Moudian, nous a confirmé que leur proposition de loi n'a pas abouti.

«Il ne faut pas s'attendre grand- chose dans ce dossier. Il suffit de rappeler le sort des recommandations du rapport issue des travaux de la Mission exploratoire temporaire relative à la situation et aux services octroyés par les consulats du Royaume à l'étranger élaborées il y a deux années. En effet, et malgré la réalisation de ce rapport et sa discussion au sein de la Commission des affaires étrangères, de la défense nationale, des affaires islamiques et des MRE, et ce en présence du ministre des Affaires étrangères, de la Coopération africaine et des MRE, rien n'a été fait jusqu'à présent», a conclu Hatim Ayouzi.

Commission ministérielle chargée des MRE et des affaires de la migration

La Commission ministérielle chargée des Marocains résidant à l'étranger et des affaires de la migration a été institutionnalisée, sous le nom de la «Commission ministérielle chargée des MRE» en vertu du décret n° 2.13.731 du 30 septembre 2013, promulgué et complété par le décret n° 2.14.963, publié le 23 février 2015, pour intégrer le secteur de la migration parmi ses missions et élargir sa composition à d'autres secteurs.

Cette commission comprenant plus de 20 acteurs constitue un espace de concertation, de débat et de décision sur les questions concernant les affaires des MRE et de la migration. Cet organe de gouvernance se réunit d'une manière régulière, sous la présidence du chef de gouvernement. En effet depuis juin 2014, elle a tenu six réunions, qui ont permis, grâce à l'implication effective de tous les membres (administrations et institutions publiques concernées), d'enregistrer des résultats positifs, en termes de mise en oeuvre de ses recommandations. En effet, au terme de sa dernière réunion, un ensemble de recommandations ont été validées et mises en oeuvre.

En particulier, le Comité ministériel s'engage à :

- Coordonner entre les différents ministères, les institutions publiques et le secteur privé dans les domaines liés à l'amélioration des conditions des Marocains résidant à l'étranger ;

- Assurer la réalisation de la convergence entre les politiques publiques définies et mises en oeuvre par les institutions gouvernementales et publiques dans les domaines liés aux affaires des Marocains résidant à l'étranger. Et celles relatives aux droits et devoirs des immigrés, des réfugiés et des membres de leur famille résidant au Maroc.

- Discuter de la mise en oeuvre, du suivi et du développement des politiques gouvernementales liées aux affaires des Marocains résidant à l'étranger en facilitant l'intégration sociale, scolaire et culturelle des immigrés, des réfugiés et de leurs familles résidant légalement au Maroc, et proposer des mesures pour améliorer la performance des établissements oeuvrant dans ce domaine;

- Préparer des rapports complets ou objectifs liés aux affaires des Marocains résidant à l'étranger, et aux réfugiés et immigrés étrangers résidant légalement au Maroc, pour améliorer la performance publique dans ce domaine;

- Proposer des mesures liées à la protection sociale et à l'assistance médicale pour les immigrants et les réfugiés et les membres de leur famille ;

- Proposer des mesures visant à renforcer les mécanismes de coopération internationale bilatérale et multilatérale dans les domaines liés aux affaires d'immigration;

- Suivre les résultats des négociations bilatérales, régionales ou multilatérales liées aux affaires de l'immigration.

Source : décret n° 2.13.731 du 30 septembre 2013, promulgué et complété par le décret n° 2.14.963, publié le 23 février 2015

Communauté marocaine à l'étranger Une attention Royale

Cher peuple,

Un front interne uni et des Marocains entièrement mobilisés, partout où ils se trouvent, pour contrecarrer les manoeuvres des ennemis : tel est le socle sur lequel doit reposer toute stratégie de défense de la Marocanité du Sahara.

Je saisis cette occasion pour saluer et assurer de Mon estime les membres de la communauté marocaine résidant à l'étranger qui défendent avec abnégation l'intégrité territoriale de leur pays, en faisant résonner la cause nationale à toutes les tribunes qui leur sont accessibles et à la faveur des positions qu'ils occupent.

Le Maroc, Dieu soit loué, dispose d'une communauté estimée à quelques cinq millions d'individus, auxquels s'ajoutent des centaines de milliers de juifs marocains à l'étranger, tous disséminés aux quatre coins du monde.

Dans ce domaine, les Marocains du monde représentent un cas d'exception, si l'on considère la force du lien qui les unit indéfectiblement à leur patrie, leur attachement à ses symboles sacrés et leur engagement déterminé à défendre ses intérêts supérieurs, quels que puissent être les problèmes et les difficultés qu'ils affrontent.

Loin d'être l'apanage des immigrés de première génération, les attaches humaines solidement tissées avec le Maroc et la fierté de lui appartenir constituent un patrimoine qui se transmet de père en fils. C'est avec enthousiasme que les troisième et quatrième générations le revendiquent, d'ores et déjà, à leur tour.

Ceci dit, nous devons nous poser en permanence les questions suivantes : qu'avons-nous fait pour renforcer le sentiment patriotique de nos immigrés? Le cadre législatif en place et les politiques publiques tiennent-ils compte de leurs spécificités? Les procédures administratives sont-elles adaptées à leurs attentes du moment? Leur avons-nous assuré l'encadrement religieux et éducatif nécessaire?

Leur avons-nous apporté l'accompagnement requis et les conditions favorables à la réussite de leurs projets d'investissement ?

Certes, l'Etat déploie des efforts considérables afin de garantir un bon accueil aux Marocains du monde, mais ce dispositif demeure insuffisant.

En effet, bon nombre d'entre eux, hélas, se heurtent encore à plusieurs écueils pour régler leurs affaires administratives ou pour lancer leurs projets. Il convient par conséquent de remédier à cet état de fait.

S'agissant de l'implication de la communauté des MRE dans le processus de développement - un dessein auquel Nous accordons un intérêt particulier-, force est de constater que le Maroc a besoin de tous ses enfants et de toutes les compétences établies à l'étranger.

Ces compétences peuvent ainsi s'installer et travailler au Maroc, comme elles peuvent apporter leur concours, via toutes sortes de partenariats, depuis leurs pays d'accueil.

De fait, la communauté marocaine à l'étranger est notoirement connue pour les profils de classe mondiale qu'elle compte dans différentes filières : scientifiques, économiques, politiques, culturelles, sportives et autres. Ces ressources sont un motif de fierté pour le Maroc et pour tous les Marocains.

Le temps est donc venu de doter cette communauté de l'encadrement nécessaire ainsi que des moyens et des conditions pour qu'elle donne le meilleur d'elle-même, dans l'intérêt bien compris de son pays et de son développement.

Aussi, Nous soulignons la nécessité d'établir une relation structurelle suivie avec les compétences marocaines à l'étranger, y compris avec les Marocains juifs.

Nous appelons également à la création d'un mécanisme dédié qui aura pour mission d'accompagner les compétences et les talents marocains à l'étranger, d'appuyer leurs initiatives et leurs projets.

Ce dispositif permettra in-fine de mieux connaître les profils, d'interagir en permanence avec eux et ainsi de leur présenter les atouts dont dispose leur pays dans les secteurs liés au processus de développement et d'investissement.

A ce propos, Nous exhortons une fois de plus les jeunes et les porteurs de projets marocains, résidant à l'étranger, à profiter des multiples opportunités d'investissement offertes par la mère-patrie, à tirer le meilleur parti des mesures d'incitation et des garanties que prévoit la nouvelle Charte de l'investissement.

Par ailleurs, il appartient aux établissements publics, au secteur national de la finance et des affaires de s'ouvrir davantage sur les investisseurs parmi les membres de la communauté.

A cette fin, il convient, au mieux des intérêts de tous, de mettre en place, en leur faveur, des mécanismes efficaces de parrainage, d'accompagnement et de partenariat.

Enfin, compte tenu des aspirations sans cesse renouvelées des Marocains du monde, il est grand temps de moderniser et de mettre à niveau le cadre institutionnel afférent à cette catégorie de citoyens que Nous chérissons.

Il importe aussi de reconsidérer le modèle de gouvernance des institutions existantes afin d'en rehausser l'efficience et la complémentarité.

Source : Extrait du discours à la Nation à l'occasion du 69ème anniversaire de la Révolution du Roi et du Peuple.

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