Afrique de l'Est: Le sort des coolies travaillant à Madagascar

L'installation des Chinois à Madagascar est l'objet de deux mythes, écrit Léon Slawecki, dans son étude publiée dans le Bulletin de Madagascar de mai 1969, sur « l'origine et la croissance de la communauté chinoise à Madagascar». Le premier évoque une ancienne implantation chinoise vers les XIIe-XVe siècles. Le deuxième indique qu'elle daterait et serait liée à l'introduction de coolies chinois en 1901, comme main-d'oeuvre pour la construction de la ligne ferroviaire Tananarive-Côte Est.

En fait, indique l'auteur, « aucun de ces deux origines n'a de fondement». Léon Slawecki souligne qu'en avançant ces thèses sur l'origine de la communauté chinoise dans la Grande ile, tous les auteurs cherchent simplement « la raison la plus facile de l'expliquer ». Ainsi, Baron généralise qu'il n'est pas rare qu'un coolie qui a contracté l'engagement de travailler sur une exploitation minière ou agricole, disparaisse un beau jour.

On le retrouve alors dans la boutique d'un « oncle épicier ». L'auteur de l'étude ajoute qu'il est très facile d'aboutir à cette conclusion : « Étant donné que la population chinoise à Madagascar a vraiment commencé à se développer aux premières années de la colonisation française, elle est donc liée à cette importation successive de mains-d'oeuvre chinoises qui eut lieu à la même époque. »

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Mais c'est une fausse conclusion, insiste-t-il. « La communauté chinoise s'est développée entièrement et indépendamment des importations de coolies et, s'il y eut des liens, ils furent très indirects. » L'auteur présente alors les différents arguments. Le premier point concerne les origines des coolies chinois. Léon, Slawecki fait remarquer que chaque auteur s'accorde sur le fait que les Chinois vivant à Madagascar sont cantonnais, originaires de deux districts proches de la ville de Canton.

Or, il est aussi connu que les coolies des convois de 1896-1897 et 1900 sont recrutés à Tung-Hing, dans la province de Kouang-Si. Quant aux travailleurs de 1901, ils seraient originaires de Fou-Tchéou dans la province de Fou-Kien.

Selon l'auteur de l'étude, les coolies des deux premières expériences qui proviennent d'une région située à 700 km à l'ouest de Canton, parlent un sous-dialecte de cette ville. Pourtant, mis à part ceux de l'Indochine avoisinante, « les Chinois de cette région n'ont jamais eu les traditions de l'émigration » comme l'ont ceux des districts environnants de Canton. Quant à Fou-Tchéou, on pratique un dialecte entièrement différent de celui de Canton. Le deuxième argument porte sur l'absence des reconnaissances du gouvernement général contre les « désertions alléguées ».

Car si la désertion des coolies chinois est si importante, on devrait s'attendre à des reconnaissances de fait par le gouvernement général d'alors, et à des mémoires, rapports, écrits par les administrateurs sur place. Même « les rapports et mémoires de Gallieni qui a beaucoup écrit sur le sujet, ne mentionnent jamais un problème de désertion chez les coolies chinois ». De plus, concernant les convois de 1896-1897, le rapport du colonel Roques parle de leurs problèmes et y note : « Mais ils ne commirent pas d'attentat en bandes ni des crimes isolés. »

Et il n'est aucunement question de désertion. Toutefois, le gouvernement général admet effectivement des cas de désertion et c'est la raison pour laquelle il publie la circulaire du 30 décembre 1900. La cause en est la désertion de coolies indiens, dont cinq cents importés pour la construction du chemin de fer. Le gouvernement général n'accepte pas ces désertions. Au contraire, il essaie de retrouver les déserteurs. En octobre 1901, un administrateur-adjoint arrive à arrêter quatre-vingt-dix déserteurs hindous. Du côté chinois, ce sont surtout des cas isolés et le gouvernement général qui les recherche également retrouve la grande majorité.

D'ailleurs beaucoup se rendent sans résistance puisqu'ils ne peuvent même pas communiquer avec les Chinois déjà installés. « Si les coolies désertaient, ce fut plutôt pour échapper aux conditions épouvantables de travail que pour s'installer dans un pays qui leur était vraiment étranger. » En 1902, Gallieni demande l'aide de son homologue de Djibouti pour recruter deux maçons pour les travaux du chemin de fer. Le gouverneur de Djibouti commence à en chercher.

« Mais la présence à Djibouti d'une centaine de coolies chinois et indiens, rapatriés de Madagascar... a malheureusement modifié les premières intentions des Arabes auxquels nous nous étions adressés. Ces coolies étaient dans un état lamentable, presque nus, couverts de plaies, dévorés par des chiques et la vermine. Leur aspect et leur discours ont bientôt produit sur les hommes contactés un effet d'autant plus désastreux... Ils ont rompu les pourparlers.... »

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