Félicien Kabuga ne sera donc pas jugé. Ainsi en ont décidé les magistrats du Mécanisme de l'ONU chargé des derniers dossiers du Tribunal pénal international pour le Rwanda (TPIR).
Il a en effet été déclaré inapte à être jugé par un collège de deux psychiatres et un neurologue qui ont posé un diagnostic de démence d'origine vasculaire.
Homme d'affaires prospère, Félicien Kabuga est considéré comme l'un des bras financiers du génocide. Proche des cercles restreints du pouvoir Habyarimana, il est également l'un des concepteurs et bailleurs de la tristement célèbre Radio mille collines, l'organe de propagande des génocidaires.
Après les tueries, il était parvenu à s'échapper et, pendant un quart de siècle, était passé entre les mailles des filets de la justice rwandaise et de celle internationale, changeant constamment d'identité et de pays jusqu'à ce jour fatidique de mai 2020 où le vieil homme, alors âgé de 84 ans, a été cueilli dans l'appartement d'un de ses fils en région parisienne.
Fin de cavale donc pour l'octogénaire qui a été présenté à la justice le 29 septembre 2022. Mais le procès qui allait déjà à pas de tortue avait été suspendu en mars 2023, le temps de statuer justement sur l'état de santé de l'accusé.
Mais même si celui qui est considéré comme le dernier grand fugitif du génocide rwandais n'est pas apte à être jugé, l'affaire n'est pas pour autant close puisque son cas, pour le moins spécial, fera l'objet d'un traitement tout aussi spécial qui, à ce qu'on dit, « ressemble le plus possible à un procès » sans l'être car les juges ne pourront pas prononcer de verdict. Ils pourront tout au plus dire que l'accusé n'est pas innocent des faits dont on l'accable.
Ce n'est pas ça qui va sûrement satisfaire les rescapés et les autorités rwandaises qui n'ont cessé, depuis 1994, de chasser inlassablement ceux qui sont suspectés d'avoir perpétré ou commandité ces orgies sanglantes d'avril à juillet 1994 ; un peu comme l'Etat israélien, après l'holocauste, qui a traqué, même dans les plus petits trous de souris, les responsables ou présumés tels de cette barbarie innommable.
L'amertume des survivants du génocide doit être grande, eux qui voient leur dernier espoir de voir Félicien Kabuga condamné s'envoler. Leur bourreau a toutes les chances de mourir de sa belle mort dans son lit, fût-ce dans un lit d'hôpital.