Durant plusieurs années, tout semblait être permis sur internet en République démocratique du Congo. La toile était considéré comme un espace où le droit était quasi inexistant, la désinformation et bon nombre d'infractions tel que l'usurpation d'identité, en passant par des propos diffamatoires, jusqu'aux menaces de mort, étaient devenus monnaie courante. La pénalisation ainsi que la réglementation en matière numérique s'avère ainsi indispensable au regard de la situation actuelle.
Cependant, il est indéniable de prendre en compte le fait que la magistrature et la classe politique congolaise sont encore gangrenées par toutes sortes de malversations nommées et innomées.
Ce qui nous conduit à se poser la question de savoir si la pénalisation en droit numérique n'est pas une solution inquiétante et que cette réglementation n'est pas une arme politique de plus pour contrôler la population ?
- La pénalisation
Nonobstant les nombreuses réglementations nécessaires apportées par la loi sur le numérique, celle qui fait couler beaucoup d'encre, suscitant au passage de l'enthousiasme mais aussi de l'inquiétude, est incontestablement les articles relatifs à la pénalisation des infractions de droit commun commises au moyen d'un réseau de communication électronique ou d'un système informatique.
Par exemple, l'usurpation d'identité d'un compte sur un réseau social est punie d'une peine pouvant aller jusqu'à cinq ans de servitude pénale et un simple commentaire à caractère diffamatoire est susceptible d'être puni de deux ans d'emprisonnement.
Considérant que 65% des postes et commentaires -d'après une statistique récente sur les réseaux sociaux- sont animés par des pulsions passagères, il y a lieu de s'inquiéter sur la qualification de ce qui doit être considéré comme infraction ou simple dérapage face à une magistrature mécanique, réputée pour des arrestations souvent sans fondement.
- La désinformation comme arme politique
Dans un pays où les journalistes et activistes de droits humains sont victimes des poursuites judiciaires pour avoir exprimé leurs opinions contraires à la volonté du pouvoir en place, où le gouvernement restreint l'accès à internet et aux réseaux sociaux quand bon lui semble, comme le cas en 2018 au nom de la lutte contre la désinformation, la liberté d'expression reste encore fragile.
La ligne entre la lutte contre la désinformation et la manipulation des dirigés par les dirigeants, semble de plus en plus fine. Au regard de ces faits, Internet semble être une arme de choix pour contrôler la population.
Fort de ce constat, c'est à se demander si cette pénalisation en droit numérique n'est-il pas un énième effort des gouvernants de museler la seule presse réellement encore libre (Internet)?
Plusieurs gouvernements africains ont adopté des lois pour lutter contre la désinformation. Mais ces lois sont souvent critiquées pour leur utilisation abusive pour réprimer la liberté d'expression et deviennent de ce fait des armes politiques.
En 2018, le Nigeria a adopté une loi qui criminalise la diffusion de fausses informations en ligne, avec des peines allant jusqu'à trois ans de prison. Au Kenya, le gouvernement a adopté une loi en 2018 qui criminalise la diffusion de fausses informations, mais cette loi a été suspendue par la Cour suprême.
En outre, désinformation sur internet a eu un impact important dans certains pays africains, notamment lors des élections. Au Zimbabwe par exemple, des fausses informations ont été largement diffusées sur les réseaux sociaux lors des élections de 2018, ce qui a conduit à des violences et à des tensions politiques.
- Que pouvons-nous espérer de la pénalisation en droit numérique ?
En fin de compte, la lutte contre la désinformation et les dérapages sur internet est un défi complexe qui nécessite une approche équilibrée pour protéger à la fois la liberté d'expression et la sécurité publique, en évitant que cela ne devienne un objet de manipulation du peuple.