La crise socio-politique au Sénégal consécutive à la condamnation de l'opposant Ousmane Sonko pour « corruption de la jeunesse », prend une nouvelle allure en s'exportant sur la scène internationale.
En effet, le gouvernement sénégalais a décidé de la fermeture provisoire de ses consulats généraux à l'étranger, à la suite d'attaques contre un certain nombre d'entre eux. En plus de causer du tort aux Sénégalais vivant à l'étranger qui devront renoncer de force, provisoirement, aux services consulaires dans les villes concernées par le déchainement ou l'enchainement des violences, l'exportation des manifestations à l'étranger contribuera, à coup sûr, à ternir l'image du Sénégal qui constituait une exception en matière de démocratie et de stabilité en Afrique de l'Ouest.
L'étoile sénégalaise qui brillait au firmament africain dans de nombreux domaines, continuera donc de pâlir et risque de cesser d'être le guide pour de nombreux pays du continent. Le plus grave cependant reste le risque de voir cette exportation des violences dans les consulats sénégalais à l'étranger, pousser les grandes puissances dans la crise socio-politique qui secoue le pays.
Le F24 compte organiser deux manifestations les 9 et 10 juin prochain
En effet, si, pour l'instant, ces puissances étrangères se sont contentées de déclarations a minima au nom du sacro-saint principe de non-ingérence dans les affaires intérieures du Sénégal, il n'est pas exclu que l'exportation des violences sur leur sol, ne leur fournisse le prétexte d'interférer dans la crise. Et ce sera sans doute pour jeter de l'huile sur le feu en raison du simple fait que la communauté internationale elle-même est aujourd'hui traversée par des divergences liées à la crise ukrainienne.
On le sait, beaucoup de sympathisants de l'opposant Sonko Ousmane, de penchants russes, tiennent la France pour responsable des dérives dictatoriales de Macky Sall, accusé d'être un suppôt de l'impérialisme international. Il faut donc véritablement craindre que les intérêts divergents des grandes puissances, n'apportent un coup de vent aux flammes de l'incendie sénégalais.
Ce que l'on peut déplorer est que les Sénégalais, pris au piège des passions, ne semblent pas conscients des risques de destruction du beau pays que leur ont légué Léopold Sédar Senghor et Abdou Diouf qui sont les pères-fondateurs de cette belle nation qui menace aujourd'hui d'aller à la dérive du fait de l'irresponsabilité d'une génération inconsciente de leaders politiques. En effet, de nouveaux appels à manifester sont lancés.
Le F24, du nom de cette plateforme qui regroupe des partis politiques, des mouvements et acteurs de la société civile coalisés contre un troisième mandat de Macky Sall, compte organiser deux manifestations les 9 et 10 juin. La plateforme entend ainsi apporter une réponse à la sortie du Directeur de la sécurité publique qui aurait affirmé que les manifestants qui ont mis à feu et à sang les rues de Dakar au lendemain de la condamnation d'Ousmane Sonko, étaient « infiltrés par des hommes tapis dans l'ombre, qui utilisent des armes de guerre ».
On peut regretter que c'est après l'incendie que l'on songe à recourir aux leaders religieux
La sortie de crise qu'entend imposer le F24 par le bras-de-fer qu'il engage dans la rue contre le gouvernement de Macky Sall, repose sur trois points. Il s'agit d'une déclaration publique du président de la République annonçant ne pas vouloir se présenter en 2024, de la libération des manifestants arrêtés et de la libération de l'opposant Ousmane Sonko toujours retenu à son domicile.
Au regard de ces nouveaux appels à manifester, il devient de plus en plus clair que l'accalmie observée aux lendemains des jours de braise, n'est qu'une brève éclaircie dans la tempête au Sénégal. Et il faut craindre encore le pire au regard du bilan des récentes manifestations qui s'étaient soldées par des destructions de biens publics et privés et surtout par la mort d'une quinzaine de personnes. La question que tout le monde se pose aujourd'hui est la suivante : qui pour faire entendre raison aux Sénégalais qui, pris par une hystérie collective, semblent avoir opté pour le naufrage de leur pays ? Fort heureusement, cette question n'est pas sans réponse.
A ce que l'on dit, des initiatives sont entreprises par les leaders religieux, notamment la puissante confrérie des Mourides pour tenter de stopper la course folle à l'abîme. Même si cela n'a pas été sanctionné par un communiqué, il se susurre qu'une rencontre a eu lieu entre le leader de la confrérie et le chef de l'Etat. L'on imagine aisément qu'au menu des échanges entre les deux hommes, ont figuré en plat de résistance les alternatives pour une sortie de crise.
La question que l'on peut donc se poser est de savoir si le nassidji des Mourides parviendra à éteindre le brasier sénégalais. Il est difficile de répondre avec précision à la question mais l'on sait que de par le passé, les puissantes prières des hommes d'Allah y sont parvenues comme en 2021. L'on peut donc espérer que le miracle se produise cette fois-ci encore. C'est, en tout cas, tout le mal que l'on souhaite à cette entreprise même si l'on peut regretter que c'est après l'incendie que l'on songe à recourir aux leaders religieux qui auraient pu servir de pare-feu avant la déflagration. Mais l'heure n'est plus aux leçons de morale. Il faut agir et en urgence.
« Le Pays »
*Nassidji : en langue dioula, signifie l'eau de marabout