Amnesty International est montée au créneau hier, jeudi 8 juin pour exiger du gouvernement du Sénégal d'ouvrir « immédiatement une enquête de façon indépendante et transparente sur la mort d'au moins vingt-trois personnes, dont 3 enfants, lors des manifestations violentes du 1er et 2 juin 2023. Loin de s'en tenir là, l'organisation internationale de défense des droits humains prenant le contre-pied du Commissaire divisionnaire Ibrahima Diop, directeur de la Sécurité publique, a exigé lumière sur la présence de personnes en civil armées opérant aux côtés des forces de sécurité ».
L'organisation internationale de défense des droits humains, Amnesty International, ne compte pas fermer les yeux sur les « atteintes aux droits humains » notées lors des violentes manifestations qui ont provoqué, selon elle, la mort d'au moins 23 personnes à Dakar et Ziguinchor, depuis le 1er juin dernier. Dans un communiqué rendu public hier, jeudi 8 juin, Amnesty International demande aux autorités sénégalaises d'ouvrir « immédiatement une enquête de façon indépendante et transparente sur la mort d'au moins vingt-trois personnes, dont 3 enfants, lors des manifestations violentes du 1er et 2 juin 2023 et faire la lumière sur la présence de personnes en civil armées opérant aux côtés des forces de sécurité ».
« Nous appelons les autorités à mener une enquête crédible, indépendante et impartiale sur les circonstances de ces morts et à garantir que les responsables d'homicides illégaux soient poursuivis selon les normes de procès équitables. Conformément au droit international, les forces de l'ordre ne doivent utiliser les armes à feu que dans des circonstances exceptionnelles, en cas de risque imminent de blessure grave ou de mort, et non pour le maintien de l'ordre » a déclaré Samira Daoud, Directrice régionale du bureau d'Amnesty International pour l'Afrique de l'Ouest et du Centre dans ce document transmis à notre rédaction.
« Amnesty International s'est entretenu avec 18 personnes, y compris des témoins des cas d'usage mortel de la force et des proches des victimes. L'organisation a aussi documenté les violations de droits humains à travers l'analyse des vidéos et autres documents comme des certificats de décès et rapports d'autopsie attestant notamment de blessures par balles, ayant entraîné la mort de plusieurs manifestants », ont également fait remarquer les responsables de cette organisation.
Par ailleurs, précisant qu'« avoir consulté le certificat de genre de mort de Bassirou Sarr, établi par l'hôpital général Idrissa Pouye de Grand-Yoff qui établit que le décès résulte d'un « traumatisme crânien par arme à feu » mais aussi « analysé plusieurs vidéos montrant la police donnant des coups à Abdoulaye Camara alors qu'il était à terre et visiblement mal en point », Amnesty International a qualifié l'intervention des Fds de «répression sanglante» contre les manifestants.
Hommes armés habillés en civil aux côtés des forces de l'ordre
Par ailleurs, revenant sur la question de la présence aux côtés des forces de défense et de sécurité d'hommes armés, habillés en civil lors des manifestations du 1 et 2 juin dernier, les responsables d'Amnesty International ont rejeté les arguments brandis par le Commissaire divisionnaire Ibrahima Diop, directeur de la Sécurité publique. En effet, lors d'une conférence de presse tenue ce dimanche 4 juin, avec son collègue du commissariat central de Dakar, le Commissaire divisionnaire Ibrahima Diop avait nié la présence aux côtés des forces de défense et de sécurité d'hommes armés, habillés en civil en pointant du doigt des éléments de « forces occultes » venant de l'étranger, ayant infiltré les manifestants ».
Seulement, de l'avis des responsables d'Amnesty International, « ces hommes tenant des armes et s'en prenant violemment aux manifestants étaient visiblement identifiés dans des vidéos largement diffusées sur les réseaux sociaux et qu'Amnesty International a pu analyser ». Ainsi, rappelant que « les Lignes directrices de la Commission africaine des droits de l'homme et des peuples (CADHP) stipulent que les agents déployés dans le cadre des manifestations doivent porter des marques d'identification individuelle visibles en opération ». Amnesty international de faire remarquer à l'endroit des autorités que « l'Etat ne doit pas permettre la présence d'individus non identifiés comme faisant partie des forces de l'ordre pour des opérations de maintien de l'ordre, ni l'usage de la force. Ce sont des évidentes violations du droit international ».
Atteintes au droit à la liberté d'expression
Qui plus est, les responsables d'Amnesty International, toujours dans ce communiqué, ont également dénoncé les « atteintes au droit à la liberté d'expression » par les autorités qui ont décidé de suspendre l'accès à internet via les données mobiles entre le 4 et le 6 juin. « L'accès aux réseaux sociaux a été suspendu entre le 2 et le 7 juin. Le 1er juin, le signal de la chaîne Walf TV avait été coupé, sans notification préalable comme le prévoit pourtant l'article 192 du Code de la Presse, interrompant leur couverture des manifestations.
Le Conseil national de régulation de l'audiovisuel (CNRA) a nié toute responsabilité dans cette coupure, la troisième depuis mars 2021. La chaîne YouTube de Walf TV, sur laquelle la chaîne avait tenté de diffuser ses programmes après la suspension, a également été perturbée», a dénoncé Amnesty International qui précise : « En 2020, la Cour de Justice de la CEDEAO, dans une décision concernant le Togo, jugeait que la restriction volontaire de l'accès à l'Internet lors de manifestations violait le droit à la liberté d'information et d'expression ».