Dakar abrite, du 5 au 9 mai, un atelier sous régional de renforcement de capacités sur le thème : « Conceptions et modalités de mise en oeuvre d'un plan d'action en cas de sinistre dans les dépôts d'archivage en Afrique de l'Ouest ». L'activité est organisée par la Commission nationale pour l'Unesco, en collaboration avec le Comité sénégalais Mémoire du Monde et la Direction des archives du Sénégal.
Un atelier sous régional de renforcement de capacités sur le thème : « Conceptions et modalités de mise en oeuvre d'un plan d'action en cas de sinistre dans les dépôts d'archivage en Afrique de l'Ouest » est ouvert, depuis avant-hier, à Dakar. Cette rencontre de cinq jours entre dans le cadre de la célébration de la 5ème édition de la semaine internationale des archives, prévue jusqu'au 9 juin, coïncidant avec le 75ème anniversaire du Conseil international des archives. Elle est destinée aux documentalistes, archivistes de 5 pays : Le Burkina-Faso, le Cap-Vert, la Côte d'Ivoire, le Mali et le Sénégal.
La Directrice des archives du Sénégal, Fatoumata Cissé Diarra, par ailleurs présidente du Comité sénégalais Mémoire du Monde, dans son intervention, lors de la cérémonie d'ouverture, a rappelé que l'activité est inscrite dans le cadre du programme de participation 2022/2023. Ainsi, pendant cinq jours, les participants vont-ils diagnostiquer les difficultés auxquelles la gestion des archives et la conservation du patrimoine documentaire sont confrontées en Afrique. Les travaux seront consacrés à l'identification des risques, la gestion de situations d'urgence telles que les inondations et les incendies. La rencontre de Dakar a comme finalité de permettre le sauvetage et la récupération des documents dans l'urgence et l'efficacité en cas de sinistre dans les dépôts d'archives.
De l'avis de la Directrice des archives du Sénégal, la plupart du patrimoine documentaire est consignée sur des supports très fragiles et conservés dans des locaux inadaptés. Á cela s'ajoutent les risques de catastrophes naturelles devenus une menace réelle.
Réagir vite et efficacement
Face à ces obstacles qui pèsent sur la gestion des archives, l'Unesco a initié cet atelier à l'intention des professionnels des archives de l'espace géographique dont la finalité est d'élaborer un plan d'action permettant de réagir vite et efficacement en cas de sinistre dans les dépôts d'archives.
Le Secrétaire général de la Commission nationale pour l'Unesco, Aliou Ly, s'est félicité de l'appui des autorités de l'Unesco qui a permis d'organiser cet atelier qui, selon lui, vient à point nommé car, coïncidant avec le saccage des archives de la Faculté des lettres et sciences humaines de l'université Cheikh Anta Diop de Dakar lors des dernières manifestations au Sénégal. M. Ly a aussi souligné avec force les innombrables initiatives prises par le Comité sénégalais Mémoire du Monde, depuis son installation en 2009, en termes de formation, de plaidoyer et de sensibilisation.
Ces interventions ont été suivies par des communications sur « la sécurité des bâtiments d'archives » et « la sécurité des bâtiments recevant du public de type S, animées respectivement par l'adjudant-chef Ismaila Fall de la direction de la protection civile et le commandant Mame Diène Ndiaye de la Brigade nationale des sapeurs-pompiers.
Le Secrétaire général adjoint du gouvernement, Pape Assane Touré, s'est réjoui de l'importance du thème développé. Selon lui, la traçabilité de l'action de l'État nécessite une bonne gestion des archives qui est le gage d'une administration transparente et performante. « Le gouvernement du Sénégal a engagé un vaste chantier de modernisation et d'amélioration de la gestion des archives publiques à travers la mise en place de meilleurs systèmes d'archivage et de conservation des données. La bonne conservation du patrimoine archivistique constitue un défi majeur de gouvernance publique », a déclaré le Secrétaire général adjoint du gouvernement.
Le Professeur Mbaye Thiam plaide pour un Dépôt national d'archives
Prenant part à l'atelier sous-régional sur « la conception et les modalités de mise en oeuvre d'un plan d'action en cas de sinistre dans les dépôts d'archives en Afrique de l'Ouest », le Professeur Mbaye Thiam de l'Ecole des bibliothécaires, archivistes et documentalistes (Ebad) de l'Université Cheikh Anta Diop de Dakar invite le Gouvernement du Sénégal à mettre en place une politique nationale d'archivage et un Dépôt national d'archives pour pérenniser le patrimoine national.
Les conséquences regrettables des casses survenues ces derniers jours continuent encore de faire couler beaucoup d'encre. Pour le porte-parole du Recteur de l'Ucad, par ailleurs historien, documentaliste et archiviste, ce qui s'est passé à l'université Cheikh Anta Diop le 1er juin 2023, juste après le verdict du procès Ousmane Sonko-Adji Sarr, « est une catastrophe ». Ce dernier invite le Gouvernement à doter les archives nationales d'un Dépôt d'archives digne de ce nom et à asseoir une politique nationale d'archivage. À en croire le Professeur Thiam, le Sénégal est un des rares pays au monde à ne pas disposer d'un bâtiment dédié à la bibliothèque nationale et un autre abritant les archives nationales. « Un bâtiment d'archives répond à des normes de construction pour garantir la sécurité des documents », a-t-il déclaré.
Selon Mbaye Thiam, ce sont 200.000 dossiers d'étudiants de la Faculté des Lettres et Sciences humaines, datant de 1957 à 2010, qui sont incendiés. Le Professeur Thiam précise que lorsque le feu s'est déclaré, on a fait appel aux sapeurs-pompiers. « Ces derniers ont réussi à éteindre le feu, mais sans résoudre le problème, car les papiers sont imbibés. Ce qui fait que les dégâts ont été prolongés. Nous, archivistes, avons des techniques pour sécher les dossiers imbibés et nous allons essayer de sauver ce qui peut l'être, car c'est la mémoire de la Faculté des Lettres et Sciences humaines qui est attaquée », a déclaré le Professeur Mbaye Thiam.
Il reconnaît, par ailleurs, qu'il existe une politique de numérisation des dossiers, mais précise que les documents physiques n'ont pas la même valeur légale que ceux numérisés. De l'avis du Professeur Thiam, si ces documents ne sont pas reconstitués dans une certaine mesure, un problème d'authentification des diplômes peut se poser.
Pourtant, soutient l'archiviste, le Sénégal a la première école de formation d'archivistes en Afrique subsaharienne francophone qui a formé plusieurs générations d'Africains. « Le Sénégal a une longue tradition d'archivage. La Direction des archives du Sénégal a été créée en 1914 et depuis lors, on a veillé à ce que les archives soient bien entretenues. Nous avons les compétences humaines et l'expertise. Ce qui nous manque, c'est une volonté politique », a-t-il affirmé. P. C. NGOME