Madagascar: Le déni des Chinois de leur origine

Dans une étude sur l'origine et la croissance de la communauté chinoise à Madagascar, Léon M.S. Slawecki parle « du déni de cette origine par les Chinois actuellement installés à Madagascar » (Bulletin de Madagascar, mai 1969). Une preuve pas très importante, mais très significative, dit-il, est le déni définitif des Chinois installés à Madagascar « d'être venus comme coolies ou d'être des descendants des coolies ».

L'auteur revient sur leur présence à Madagascar. Le premier Chinois à Madagascar est arrivé vers 1862. En 1866, on en trouve six à Nosy Be, et en 1870, d'autres atteignent Toamasina et Antsiranana. En 1883, un Chinois venu de La Réunion se serait installé à Toamasina et y aurait aidé les forces françaises en les ravitaillant pendant la première guerre franco-merina. Selon Hsiao T'zu-yi (L'économie des Chinois d'Outre-mer en Afrique), un autre aurait fait la même chose à Mahajanga pendant la seconde guerre franco-merina, en 1894-1895. La croissance de la population chinoise est très lente.

À la fin de 1896, date de la création de la première Congrégation chinoise à Toamasina, Gallieni l'estime à 50 personnes, dont dix à Nosy Be. Ces Chinois sont déjà épiciers, « sauf quelques-uns installés près d'Antalaha qui faisaient la collecte de trépang- un délice chinois!- pour une Maison chinoise de Maurice ». De 50 Chinois en 1896, on en arrive à 452 en 1904, date du premier recensement pour tout le territoire. Cette croissance assez rapide s'explique par une raison bien simple, indique Léon Slawecki.

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Le développement économique de la Grande ile par l'administration française crée « une situation intéressante pour les Chinois » et, donc, les attire. « Ils devinrent des intermédiaires, avec les Indiens, entre les grandes sociétés françaises et les paysans malgaches ». H. Isnard note dans le Bulletin de la société de géographie de Marseille (1951) : « En plusieurs points, la généralisation de l'économie monétaire a bouleversé la vie paysanne. Intermédiaire entre les autochtones et les sociétés commerciales françaises, des Hindous, des Chinois, des Hovas ont ouvert boutique jusque dans les hameaux reculés de la campagne malgache. »

Certes, le gouvernement général préfère que ce rôle d'intermédiaire soit rempli par des Français, mais ils ne sont pas venus en nombre suffisant pour le faire. Le gouvernement général essaye, depuis novembre 1896, de contrôler cette immigration, mais il ne fait « jamais de grands efforts pour l'arrêter ». En fait, les Chinois qui sont attirés par le développement de l'économie, servent « les besoins du gouvernement général ».

Presque tous les premiers immigrants arrivent à Madagascar en transitant par Maurice, surtout La Réunion. Une circulaire du 16 novembre 1903 précise que les Asiatiques qui passent par ces deux iles, « devaient être considérés comme Asiatiques et non comme sujets britanniques ou français». Un autre fait survient pour encourager cette immigration des Chinois établis à Maurice. Vers 1890, l'immigration chinoise à Maurice « change de caractère ». Il y a « moins de Cantonnais parlant cantonnais et plus de Cantonnais parlant le dialecte hakka», précise Hsiao.

Ces deux groupes ne s'entendent pas du tout et la friction entre eux aurait encouragé les Cantonnais parlant cantonnais à chercher un nouveau pays, Madagascar, « où une situation économique améliorée les attirait à la fin des années 1960 ». Par la suite, quand les Chinois de Madagascar atteignent un nombre assez suffisant, beaucoup de leurs compatriotes viennent directement de Chine. L'immigration continue plus ou moins lentement jusqu'aux années 1930. La pression du Japon sur la Chine se fait sentir dans la Grande ile à partir de 1930, et en 1931, on en recense 1805.

Une autre grande vague de l'immigration chinoise a lieu en 1937-1939, toujours fuyant l'invasion japonaise. L'administration française essaye de contrôler l'immigration au cours de toute cette époque par des mesures fiscales. « Cela se traduit par l'augmentation du droit perçu sur les Chinois pour entrer et s'installer à Madagascar et, après 1932, en leur demandant un certificat de moralité.

La vague se termine avec le début de la Deuxième guerre mondiale, après laquelle il est nécessaire d'avoir une autorisation écrite du gouvernement général pour entrer dans la Colonie. » Après 1945, l'immigration est très limitée. « Toute croissance naturelle après la guerre fut donc due à la croissance naturelle rendue possible parce qu'un bon pourcentage des Chinois arrivant par la grande vague de 1937-1939, fut des Chinoises»: 4 900 Chinois en 1951, 8 900 en 1961.

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