Il y a une semaine, la Communauté économique des États de l'Afrique de l'Ouest (Cédéao) a vivement condamné les violences qui ont éclaté au Sénégal suite à la condamnation de l'opposant, Ousmane Sonko, à 2 ans de prison ferme, le 1er juin 2023. Au moins 16 personnes ont été tuées et 500 personnes arrêtées. La Cédéao affirme continuer de suivre cette situation de très près, comme l'explique son président en exercice, le chef d'État bissau-guinéen Umaro Sissoco Embalo, au micro de RFI.
Umaro Sissoco Embalo, quels sont les gestes d'apaisement que vous attendez de la part de la classe politique au Sénégal ?
Le Sénégal, c'est un pays modèle de la sous-région et de l'Afrique. Ce n'est pas la première fois qu'on voit des manifestations, des gens dans la rue au Sénégal. Donc ce n'est pas parce qu'aujourd'hui il y avait des manifestations et que les gens et les médias veulent commencer à dire : « Au Sénégal, il y a de l'inquiétude, etc. » Non, il n'y a pas d'inquiétude au Sénégal. Les Sénégalais, c'est l'une des armées les plus républicaines, donc il n'y a pas ce risque. Ils vont finir par s'entendre et c'est la justice qui va prévaloir.
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Est-ce que le canal de communication est maintenu entre vous et le président sénégalais Macky Sall ?
Mais avec Macky, nous sommes de même mère, de père différent. C'est pour cela que je suis bissau-guinéen et lui, son papa est sénégalais. Mais nous sommes de même mère, c'est mon grand frère.
La dernière fois que la Cédéao s'est confrontée à ce problème, à cette question des troisièmes mandats, c'était concernant la Guinée, et dans ce cas-là, la Cédéao avait missionné une délégation pour discuter avec le président Alpha Condé. Est-ce que là, pour le cas du Sénégal, la Cédéao va envoyer une mission ?
Non. Une chose que je sais, c'est qu'au Sénégal, la Constitution sénégalaise au temps du président Wade a été changée. Et Macky a gagné les élections contre un troisième mandat du président Wade, et même lui s'y était opposé. Et moi qui parle là, j'avais dit à tout le monde : jamais je ne vais nommer [Premier ministre, Ndlr] Domingos Simões Pereira, même si le PAIGC a 102 députés, mais je viens de dire que je vais le nommer, on va travailler ensemble, pour le bien de la Guinée-Bissau, parce qu'il n'y a pas d'ennemis permanents en politique.
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Pour vous, il est encore possible qu'aujourd'hui Macky Sall renonce à un troisième mandat ?
Moi, je ne sais pas si c'est un troisième mandat. Une chose que je sais, c'est que Macky avait ramené la durée des mandats du septennat au quinquennat ; ils l'ont changé, mais les forces vives aussi pouvaient le dire. Moi je ne peux pas me mêler des affaires intérieures au Sénégal.
Oui, mais en tant que président de la Cédéao, est-ce que vous n'avez pas l'impression que justement, si on n'envoie pas de mission pour discuter avec les acteurs de la classe politique sénégalaise, il y aura un genre de deux poids deux mesures. Les gens vont se demander pourquoi on a envoyé quelqu'un en Guinée mais pas au Sénégal ?
Non, non... la force vive, les partis d'opposition (l') avaient demandé. La Cédéao, ce n'est pas un gendarme, c'est la communauté sous-régionale, et moi, je ne suis que le représentant de tous les chefs d'État. Donc la Commission, quand elle a vu qu'il y a de l'excès, personne n'a le droit de mettre le feu. La manifestation, c'est un droit, mais pour aller casser, c'est inacceptable, surtout dans un pays de référence comme le Sénégal. Mais on suit avec beaucoup d'intérêt. Moi, personnellement, je suis avec beaucoup d'intérêt la situation au Sénégal.
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