Ethiopie: Comment une partie de l'aide alimentaire destinée au Tigré a été détournée

En Éthiopie, les dessous du détournement d'une partie de l'aide humanitaire pour la région du Tigré sont mieux connus. Une note interne destinée aux donateurs étrangers a détaillé un « plan coordonné et criminel » dans lequel sont impliqués les forces militaires régionales et fédérales.

On trouvait encore récemment des sacs de farine portant les logos de l'Agence des États-Unis pour le développement international (Usaid) et du Programme alimentaire mondial (PAM) sur des marchés en Éthiopie. Des responsables des autorités fédérales et régionales les avaient détournés dans le but de nourrir des militaires et des combattants démobilisés. Ils les ont ensuite vendus sur le marché libre à des meuniers, lesquels les ont alors réexportés vers d'autres États de la Fédération.

L'argent issu de la vente alimentait ainsi des « unités militaires à travers le pays », avec la complicité de « négociants et d'opérateurs privés ». Il s'agissait d'un « plan orchestré par des entités gouvernementales fédérales et régionales », mais dévoilé par « des visites de contrôle dans 63 moulins à farine dans sept des neuf régions d'Éthiopie ».

Voilà ce qu'on peut lire dans une note interne adressée à l'Humanitarian Resilience Development Donor Group (HRDDG). Une note destinée aux donateurs étrangers et citée le 8 juin 2023 par le site éthiopien Addis Standard et le quotidien américain Washington Post. Dans le Washington Post, un travailleur humanitaire a expliqué qu'il semblait que « les responsables locaux chargés de créer des listes de bénéficiaires avaient gonflé le nombre de ménages dans le besoin et empêché la nourriture d'atteindre les familles affamées ». Il s'agissait là de blé offert à l'Éthiopie, notamment par l'Ukraine, la France, le Japon et les États-Unis, dans le cadre du programme d'assistance à la région du Tigré, dévastée par la guerre.

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Le Programme alimentaire mondial suspend une partie de son aide

Aussitôt, l'Usaid a prolongé jeudi la suspension de ses opérations dans le pays, effective en réalité depuis les premiers signalements de ce scandale de détournements, fin avril. « Nous ne pouvons pas continuer la distribution de l'aide alimentaire tant que des réformes n'ont pas été mises en place », a expliqué l'agence d'aide américaine. Ce 9 juin, le PAM a pris la même décision, à l'exception des programmes d'aide aux enfants, aux femmes enceintes, aux mamans, et de soutien des agriculteurs.

« Notre première préoccupation concerne les millions de personnes affamées qui dépendent de notre soutien, et nos équipes travailleront sans relâche avec tous les partenaires pour reprendre nos opérations dès que nous pourrons nous assurer que la nourriture parvient aux personnes qui en ont le plus besoin », a écrit l'agence onusienne dans un communiqué expliquant sa décision.

Les chefs de la diplomatie américaine et éthiopienne, qui se sont vus jeudi 8 juin à Addis-Abeba, ont exprimé dans une déclaration commune leur « préoccupation profonde » et ont affirmé avoir lancé « une enquête complète » qui identifierait et punirait « les responsables ». « Les deux gouvernements, ajoutent-ils, s'engagent à collaborer pour mettre en place un système efficace de distribution en Éthiopie qui préservera l'aide de tout détournement ».

Les États-Unis sont le plus important donateur bilatéral de l'Éthiopie. Washington a débloqué plus de 3 milliards de dollars d'aide humanitaire depuis 2020 dans le but de pallier les conséquences de la guerre dans le Tigré et d'une sécheresse historique qui frappe toute la Corne de l'Afrique.

Discussed many important topics today with Ethiopian Foreign Minister @DemekeHasen: forging lasting peace, addressing diversion of U.S. food assistance, promoting human rights, advancing transitional justice, and resolving tensions in Amhara and Oromia. pic.twitter.com/Gi0TersTy0-- Secretary Antony Blinken (@SecBlinken) June 8, 2023

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