Sénégal: Djibril Gningue, directeur de la pacte et membre du Gradec - « Le résultat qu'on va obtenir de ce dialogue dépendra du format, du mode de décision et du système d'arbitrage».

interview

« Il faut différencier deux niveaux de dialogue. Il y a d'abord le dialogue direct auquel a appelé la plateforme que nous avons mise en place. Autrement dit, un dialogue direct entre les principaux protagonistes de la crise politique actuelle, je veux dire entre le Président de la République, Macky Sall et le président du parti Pastef, Ousmane Sonko.

Nous pensons que la tension actuelle, la montée des périls, se joue entre les deux. Donc, leur dialogue sera complémentaire du dialogue politique. S'ils arrivent à se rencontrer, à discuter et à s'entendre sur le contenu du dialogue politique, ils vont faciliter pour beaucoup le reste des choses. Si donc on veut sortir de cette situation, on ne peut pas faire l'économie d'un dialogue direct entre le président de la République et Ousmane Sonko. Maintenant pour ce qui est du dialogue politique lui-même que le professeur va diriger, il faut distinguer deux approches.

Il y a une approche que je dirais minimaliste qui vise à consolider, à améliorer l'état des choses. Et, il y a un dialogue qualitatif qui permet de sortir de la situation actuelle de façon définitive. Nous sommes pour ce dialogue qualitatif qui exige une adéquation entre le format, le mode de décision et le système d'arbitrage d'une part et d'autre part le déroulement du dialogue lui-même.

Le résultat qu'on va obtenir de ce dialogue dépendra de de trois choses à savoir : du format, c'est-à-dire des pouvoirs dont celui où ceux qui vont diriger ce dialogue seront dotés. Deuxièmement, le mode de décision, je rappelle que le mode de décision du dernier dialogue politique était basé sur un consensus large, quasiment paritaire.

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Autrement dit, pour qu'un point soit adopté, il faut l'accord de toutes les 3 composantes : majorité, opposition et les non-alignés mais aussi la société civile. Cela n'a pas félicité les choses puisque c'est extrêmement difficile de parvenir à des résultats avec un tel mode de décision. Or, le dialogue politique tel qu'il s'est déroulé la dernière fois, qui a duré 2 ans, c'était à peu près ça. C'est ce qui fait que sur les 3 points essentiels qu'il fallait discuter, seul un point a été abordé et même pas entièrement.

Autrement dit, le dialogue politique devait aborder « le processus électoral », ensuite, « démocratie, liberté et droits humains » et enfin, « les réformes institutionnelles ». Mais, le dialogue politique ne s'est penché durant les 2 ans que sur le premier point, c'est à dire le processus électoral, revisiter tous les accords qu'il y a eu sur ce point et les désaccords.

Troisièmement, enfin, il y a le système d'arbitrage. Car l'actuel système d'arbitrage en vigueur fait que quand il y a des divergences sur un point donné, c'est le président de la République qui est le chef de l'exécutif, mais aussi chef de parti qui est appelé à faire l'arbitrage.

Et ça, ce n'est pas la meilleure approche à notre avis. La preuve, lors du dernier dialogue politique, la Commission cellulaire a sollicité officiellement de façon solennelle, par lettre, son arbitrage sur 5 points qui n'avaient pas fait l'objet de consensus mais jusqu'à l'heure où je vous parle, il n'a jamais répondu à cette lettre. Pis encore, en 2018, lorsqu'il a été sollicité pour faire un arbitrage sur les propositions de 4 voire 5 départements de l'extérieur à l'étranger retenus dans le cadre de la commission, il est allé à 8 départements.

Ceci pour dire que ce mode d'arbitrage n'a aucune objectivité. Mais ce serait différent si la Commission cellulaire ou le comité d'experts indépendants qui dirige le dialogue est doté de pouvoir de médiation, de supervision et d'un pouvoir d'arbitrage. Ce serait tout à fait différent. Et cela serait de nature à donner la confiance à l'ensemble des composantes de la classe politique. Et un tel dialogue pourrait réunir l'essentiel de la politique parce que les gens vont dire Tiens, on peut arriver à des résultats ».

« Nos attentes par rapport au processus électoral et aux droits humains, démocratie et libertés »

Nos attentes par rapport au processus électoral sont entre autres, l'organisation d'une présidentielle apaisée inclusive, démocratique et transparente, la réforme qualitative du système de parrainage, le renforcement de la place de la justice dans le processus électoral, la mise en application des recommandations issues des audits du fichier et du processus électoral et la réforme en profondeur ou l'abrogation des articles L.29 et L.30 du Code électoral.

Nous souhaitons également la règlementation définitive de l'organisation et du fonctionnement du fichier électoral par un décret présidentiel, l'adoption du bulletin unique, le contrôle et le plafonnement des dépenses de campagne et l'organisation par le CNRA de débats programmatiques entre les candidats au premier et au deuxième tour. Concernant le point relatif aux droits humains, démocratie et libertés, nos attentes sont entre autres : le respect et la consolidation de l'Etat de droit, une justice indépendante plus équitable et respectueuse des droits humains et la protection des libertés démocratiques, les réformes institutionnelles de la gouvernance politique, la révision de toutes les dispositions liberticides et anti démocratiques.

Au plan des réformes institutionnelles et des organes de gestion du processus électoral, nos attentes sont entre autres : le financement public des partis politiques, l'évaluation du fonctionnement de la CENA et sa réorganisation, la révision de la loi 81-17 du 6 mai 1981 régissant les partis politiques, la rationalisation du système partisan et la rationalisation du calendrier républicain. A ces attentes, il faut également ajouter l'autonomie et les pouvoirs des organismes de contrôle et de vérification, la réforme du Conseil constitutionnel, la mise en place d'une loi sur la transparence et le conflit d'intérêt ».

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