Ile Maurice: Hanley Raddhoa - «Certains veulent m'acheter»

interview

Hanley Raddhoa, fils de feu Prem Raddhoa et de Soolekha Jepaul-Raddhoa, ancienne maire MSM de Quatre-Bornes, a choisi de s'engager en politique tout en évitant les partis «mainstream», comme il les appelle. C'est au sein de l'Organisation du peuple mauricien (OPM) qu'il fait ses premières armes.

Hanley Raddhoa, vous venez de faire votre entrée en politique après des études en médecine à l'étranger. Votre mère, Soolekha Jepaul-Raddhoa, est membre du Mouvement socialiste militant (MSM) et vous avez choisi l'Organisation du peuple mauricien (OPM). Expliquez-nous ce choix.

D'abord, laissez-moi me présenter à vos lecteurs. Je suis le fils de feu Harrydeo (Prem) Raddhoa, ex-surintendant de police, responsable de la Major Crime Investigation Team (MCIT), avant son décès mystérieux. Oui, ma mère, Soolekha, est membre du MSM. Elle a été maire de la ville de Quatre-Bornes entre 2017 et 2019, elle est toujours conseillère. L'OPM est un nouveau parti qui vient d'être créé. J'ai assisté à des réunions d'un groupe de personnes et ils m'ont invité à faire partie du groupe et on a créé le parti. Ensuite, on m'a élu secrétaire général. Pour répondre à votre question, pourquoi je ne me suis pas joint au MSM, alors que ma mère en fait partie, la raison est simple. Les jeunes qui intègrent ces partis mainstream sont, soit trop souvent absorbés et noyés par les vieux routiers, soit perçus comme des activistes et opportunistes.

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N'avez-vous pas été approché par le MSM ?

En 2014, quand ma mère avait été approchée afin de donner un coup de main au MSM, j'étais présent quand elle avait été présentée à la presse. Souvenez-vous, chaque semaine avant les élections générales, Pravind Jugnauth et son équipe présentaient de nouveaux adhérents au parti. J'ai eu l'occasion de parler avec le leader du MSM en 2014, je venais tout juste de finir mes études en médecine. Evidemment, après 2014, j'ai apporté mon soutien à ma mère, élue comme conseillère municipale à Quatre-Bornes en 2015 et qui est devenue maire de la ville entre 2017 et 2019.

J'ai choisi de faire partie d'un nouveau parti politique car je pense que le MSM comme les autres partis mainstream n'inspirent plus confiance à une majorité de la population. Oui, ma mère est toujours membre du MSM et comme mes parents sont des gens de principe, ma mère m'a laissé libre de mon choix. Non, cela ne causera pas de problème que moi je sois membre d'un autre parti qui s'opposera au MSM. Je connais d'autres familles dont les membres sont dans des partis opposés mais ça n'a jamais posé de problèmes à qui que ce soit.

Vous dites que votre famille a des principes. Je vous pose une question qui, normalement, aurait dû être posée à votre maman et si vous voulez y répondre tant mieux. Les élections municipales ont été renvoyées à trois reprises et la dernière fois sans raison valable. Ne pensez-vous pas, comme quelqu'une qui a des principes, que votre mère aurait dû démissionner et rendre le vote aux électeurs qui ont voté pour elle ?

Oui, je répondrai pour ma mère. En sus d'avoir des principes, nous sommes une famille soudée. La décision de renvoyer les élections a été prise par le gouvernement central. Admettons qu'elle démissionne, il n'y aura pas d'élection partielle, c'est quelqu'un d'autre qui sera nommé à sa place. Comme elle est redevable envers ses mandants, ses principes lui dictent d'être à leur service au quotidien. Cela ne servirait à rien qu'elle démissionne. Je vous annonce déjà qu'elle ne sera pas candidate lors des prochaines élections municipales et qu'elle s'était préparée déjà à rester loin de la politique si les conseils municipaux allaient être dissous.

Dites-nous comment cela se passe avec votre entrée en politique ?

Je peux vous dire que j'ai appris par des voisins que déjà il y a des agents de la police du renseignement qui tournent autour de ma maison. Mais beaucoup plus intéressant, j'ai a été approché par des émissaires des grands partis politiques pour que je me joigne à eux. Certains veulent m'acheter...

Qui sont-ils ?

Mais vous savez très bien qui sont ceux qui achètent des politiciens matin et soir. Le peuple n'a pas le pouvoir d'achat qu'ils ont eux ! J'ai même reçu des offres d'emploi ou des postes de nominé politique. Je leur dis que je ne suis pas à vendre car nous avons des principes.

«Les jeunes qui intègrent ces partis "mainstream" sont, soit trop souvent absorbés et noyés par les vieux routiers, soit perçus comme des activistes et opportunistes.»

Mais l'OPM est un petit parti. Des doutes subsistent quant à sa capacité à présenter 60 candidats aux prochaines élections générales. Ne pensez-vous pas que ce parti devra s'unir avec un ou d'autres partis politiques considérés comme plus grands ?

Oui, si besoin est, l'OPM s'alignera avec d'autres partis politiques, mais je vous rassure que ce ne sera pas avec des partis mainstream. Car ils se ressemblent tous. Ils sont dirigés par des dinosaures. Il faut du sang nouveau en politique. Je vous donne cinq mesures de l'OPM : l'abolition du poste de vice-président ; la réduction du salaire des parlementaires par 50 % ; le salaire des hauts fonctionnaires ne doit pas dépasser huit fois le salaire minimum et les pensions des parlementaires ne devront pas dépasser le double de la pension des personnes âgées et éliminer les facilités, allocations et gratuités dont bénéficient les parlementaires ! Ces mesures-là nous feront économiser déjà environ Rs 3 milliards par an!

Quel regard portez-vous sur la situation dans le pays aujourd'hui ?

Quand j'ai quitté le pays en 2006, il n'y avait pas de grand problème de law and order. Peut-être que certains me trouveront biaisé car mon père faisait partie de la force policière et il était un de ceux qui étaient déterminés à mettre de l'ordre dans le pays. Mais allez demander aux autres qui ont connu cette période et je suis sûr qu'ils vous donneront la même réponse. Il n'y avait pas de drogue synthétique. En 2014, quand je suis retourné à Maurice, la situation a commencé à se détériorer. Aujourd'hui, elle est très grave. Il y a de la drogue partout, les vols se multiplient.

Laissez-moi vous raconter un cas. En face de mon bureau à Quatre-Bornes, il y a une plaque de la Central Water Authority qui a été volée. J'ai fait la découverte le matin. J'ai avisé la police dans les minutes suivantes. Elle est venue et j'ai remis des images prises à partir des caméras installées à mon bureau. La police m'a dit qu'il sera difficile d'arrêter le ou les voleurs. Je leur ai répondu que c'est normal quand vous êtes arrivée sur le lieu bien des heures après. La personne a pu se débarrasser de cette plaque et vous n'allez pas voir de pièce à conviction. Et la CWA, elle, est venue combler le trou bien des semaines après. Voilà le niveau de nos institutions.

Pensez-vous que vous représentez l'espoir pour les jeunes du pays, qui sont nombreux à vouloir quitter le pays ?

Oui, il y a un découragement parmi les jeunes. Regardez et écoutez à quel niveau sont tombés certains politiciens. Jeudi, lors de la Private Notice Question (PNQ), le speaker a dit que Xavier Duval a des ennemis et il a pointé le doigt du côté des membres du gouvernement. Heureusement que Xavier Duval l'a remis à sa place et lui a fait comprendre qu'il n'a pas d'ennemis mais des opposants ! Bref, tout cela pour dire à quel niveau sont descendus certains.

Vous avez étudié la médecine et vous n'exercez pas comme médecin. Pourquoi ?

Mes parents voulaient que je sois médecin. J'avais cette vocation. Après mon retour au pays, j'avais même commencé une licence en droit mais faute de temps j'ai dû arrêter. J'ai discuté avec ma mère et lui ai fait comprendre que je voulais me lancer dans les affaires. Du côté de ma mère, nous avons des médecins, juristes, ingénieurs et hauts fonctionnaires, par contre du côté de mon père, il y a des policiers et surtout des entrepreneurs. Aussi, j'ai voulu faire un trait d'union, en me lançant dans les affaires avec la bénédiction de ma mère.

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