Madagascar: Un mouvement inquiétant de brigands dans le Sud

De tout temps, les pays du Sud- Mahafaly à l'Ouest, Antandroy à l'Est et même Bara un peu plus au Nord- « forment une région traditionnelle de vendetta. Il n'est pas une famille qui n'ait de violence à reprocher dans le passé à un clan voisin ».

C'est aussi « une terre de vols de boeufs ». Et la meilleure bénédiction faite par un père à son fils à sa naissance, est « qu'il devienne fort et qu'il soit un voleur ». Ainsi, « si tu es voleur, tu ne manqueras de rien... ». D'accès difficile, formée de vastes plateaux calcaires et cristallins, l'Extrême-Sud est le pays d'hommes « au visage expressif, énergique, non dénué de franchise. Ils ne manquent ni de bon sens ni même de finesse dans leur façon de raisonner » (Maurice Gontard, Bulletin de Madagascar, décembre 1968). Les conditions administratives locales favorisent ces dispositions naturelles.

« Ces régions, très éloignées du gouvernement central, étaient elles-mêmes à la lisière de deux provinces, Fort-Dauphin et Tuléar. Pourchassés par les autorités de l'une, les bandes peuvent aisément passer dans l'autre. » Dès le début de 1911, des rapports signalent au gouverneur général, Hubert Garbit, l'existence de ces bandes dans le secteur d'Ampotoka, le long de la rivière Menarandra.

Leurs membres sont constitués d'anciens captifs qui se sont évadés des prisons de Tolagnaro et de Toliara, en particulier quatre individus enfuis de celle de Toliara, le 14 septembre 1914. Ils entrainent certains membres de leurs familles, s'arment de vieux fusils remis en état par des forgerons locaux et commencent leurs razzias début 1915.

Le 23 janvier, un important vol de boeufs est commis dans la région. Une patrouillé est envoyée, fin février. Elle est arrêtée le 4 mars par une crue intempestive du Menarandra. Des rapports ultérieurs donnent de ces premiers incidents un compte-rendu optimiste et apaisant. L'administrateur en chef de Toliara, Gerbinis, note en juillet 1915, qu'ils sont grossis et déformés par l'imagination et ne présentent aucune gravité. Le gouverneur général reprend cette interprétation dans ses rapports à Paris.

Il mentionne, le 6 juillet 1915, que quelques prisonniers « évadés depuis plusieurs années et groupés entre eux, constituent une bande dans le but surtout de voler des boeufs ». Et, le 24 août, il rassure complètement le gouvernement : « Ces actes de brigandages n'ont qu'une importance tout à fait locale sans répercussion sur la sécurité générale de la Colonie. »

Néanmoins, en septembre, sans doute pour rapprocher la zone d'insécurité du chef-lieu de la province, le gouverneur général procède à un remaniement des deux circonscriptions de l'Extrême-Sud. L'arrêté du 14 septembre repousse vers l'Ouest la limite de la province de Tolagnaro. « C'est désormais le fleuve Menarandra qui séparerait les deux provinces. » Le territoire ainsi rattaché à Tolagnaro formerait le poste administratif d'Ampotoka, inclus dans le district de Tsihombe.

Cependant, l'absence de réaction militaire de la part de l'Administration entraine une aggravation de la situation locale. Des fusions s'opèrent entre bandes voisines. Et de proche en proche, à la fin de 1915, « c'est une véritable force armée qui s'était constituée dans l'Extrême-Sud. Elle se fortifiait dans le repaire d'Ambohitsy situé sur un sommet escarpé et boisé comptant plusieurs lignes de défenses naturelles de roches et de brousse épineuse ».

Les bandits accumulent dans cette citadelle de l'eau et des vivres. Ils y aménagent des habitations plus ou moins confortables où viennent vivre des femmes et des enfants. De cette base, la bande met en coupe réglée toute la zone aux confins des provinces de Tolagnaro et Toliara dans les zones d'Ampotoka, Tsimilofo, Beloha.

Le chef de la province et le commandant d'armes de Tolagnaro ne sont pas d'accord sur la réalité du danger. Le militaire est « pessimiste, car des bruits lui sont parvenus, il infère qu'un mouvement de rébellion est possible parmi les indigènes ». Le civil est « optimiste et estime que cette crainte ne repose sur aucun fondement, qu'au contraire, les habitants de la province sont paisibles et n'ont jamais songé à se révolter ». On en est là quand éclate, fin décembre 1915, à Antananarivo et à Fianarantsoa, « la bombe VVS».

On voit aussitôt un rapport entre les bandes qui s'organisent dans le Sud et l'action de la société secrète qui s'est constituée sur les Hauts-Plateaux. On craint même que les unes et l'autre « ne soient en rapport avec l'Allemagne et les mouvements subversifs qui éclatent en Indochine ». D'autres bruits courent toujours que les réalités sur terrain semblent confirmer. Mais le désaccord des chefs continue et c'est le chef de province qui en pâtit.

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