Maroc: Peines alternatives. C'est O.K, quoique...

La réforme appelée cependant à donner ses preuves au niveau de la pratique

Enfin, le projet de loi n°43.22 relatif aux peines alternative, a été adopté jeudi dernier en Conseil de gouvernement.

Selon le ministre délégué chargé des Relations avec le Parlement, porte-parole du gouvernement, Mustapha Baïtas, ce projet de loi «constitue une étape importante qui consolide la réputation du Maroc en tant que pays pionnier dans la défense des droits de l'Homme».

Ce projet de loi vise à atténuer la surpopulation carcérale et à permettre aux bénéficiaires des peines alternatives de s'intégrer dans la société, a indiqué Mustapha Baitas, qui répondait aux questions des journalistes lors d'un point de presse tenu à l'issue de la réunion hebdomadaire du Conseil de gouvernement.

«La question d'une loi relative aux peines alternatives a été évoquée pour la première fois par le gouvernement d'Abderrahmane El Youssoufi, quand Omar Azziman était ministre de la Justice. Je crois que le Maroc a pris beaucoup de retard dans l'adoption de cette loi», a assuré, pour sa part, Me Abdelkébir Tabih, avocat au barreau de Casablanca.

«A vrai dire, la finalité des peines alternatives au Maroc ou dans d'autres pays n'est pas seulement de répondre à la question de la surpopulation des prisons, mais aussi à un autre problème, à savoir que l'Etat ici et ailleurs n'a plus la capacité pour construire des prisons, et donc le législateur pénal opte aujourd'hui pour des peines alternatives concernant certaines contraventions et certains délits mineurs », a-t-il expliqué dans une déclaration à Libé. Et d'ajouter: «Le Maroc est très en retard et il aurait dû adopter cette loi il y a plus de vingt ans. Cependant, nous devons encourager le gouvernement à aller dans ce sens et c'est la mise en oeuvre qui améliorera ce texte. La mouture juridique du texte posera certainement plusieurs problématiques et suscitera des discussions, mais je pense qu'il faut tout d'abord l'appliquer et c'est par la pratique qu'on va corriger les failles».

Le président de l'Observatoire marocain des prisons (OMP), Abdellatif Rafoua, a assuré quant à lui dans une déclaration à Libé que l'OMP a toujours plaidé depuis sa création pour la mise en place de peines alternatives aux peines privatives de libertés.

Abdellatif Rafoua : l'OMP met depuis toujours l'accent sur l'importance et la légitimité d'adopter des peines alternatives aux peines privatives de liberté

«La question des peines alternatives à la détention constitue un axe principal dans l'action et les activités de l'Observatoire», a-t-il mis en avant notant que depuis sa création, «il a tenu à adopter une approche des droits de l'Homme fondée sur les pactes, conventions, règles et principes internationaux concernant les questions relatives aux droits de l'Homme et aux prisons». Et d'ajouter que «l'OMP met depuis toujours l'accent sur l'importance et la légitimité d'adopter des peines alternatives aux peines privatives de liberté, en particulier dans des circonstances faisant l'objet d'efforts et d'aspirations à réformer la législation pénale, afin d'établir une justice mettant, avec courage, toutes les peines privatives de liberté dans la place qui leur convient loin de toute logique de répression».

«La question des peines alternatives a été soulevée il y a deux décennies et des débats ont été engagés depuis le colloque de Meknès sur la politique pénale au Maroc tenu en 2004. Ce projet constitue également l'une des recommandations du dialogue national sur la réforme de la justice, lancé en mars 201 », a-t-il précisé.

Selon le président de l'OMP, ce projet vise à réduire le phénomène de l'engorgement dans les établissements pénitentiaires, étant donné que le nombre de la population carcérale dépasse actuellement les 88.000 détenus et que le taux de personnes en détention provisoire atteint 42%. « Ainsi, lors du diagnostic de la situation de la population carcérale par les organisations de la société civile et les institutions officielles, il est apparu que plus de 44% des détenus étaient condamnés à moins d'un an. Il est donc devenu nécessaire de réduire la surpopulation carcérale afin de rationaliser les dépenses concernant la gestion des établissements pénitentiaires et de mettre en place des programmes de réinsertion en faveur des détenus ».

Abdelkébir Tabih : La mouture juridique du texte posera certainement plusieurs problématiques et c'est dans la pratique qu'on va corriger les failles

A rappeler que l'OMP a toujours plaidé pour l'application des peines alternatives. Lors d'une conférence organisée en 2007, Me Abderrahim El Jamai, alors président de l'Observatoire, a affirmé que « les peines alternatives ne sont qu'une face quasi identique de la peine » et que « leur application doit se faire avec une grande souplesse, c'est-à-dire qu'on peut y avoir recours avant la poursuite judiciaire et après le jugement.

Ce qui confère un dynamisme au rôle de la juridiction du parquet général, dans l'accord à l'amiable entre les parties en conflit judiciaire, ouvre la voie à la substitution de l'emprisonnement par l'une des peines alternatives et renforce le rôle social du juge pénal», relevant que «les expériences en matière de peines alternatives aux peines privatives de liberté, soit sous forme d'un service d'intérêt général, ou d'une surveillance électronique à distance, ou dans le cadre d'une prison ouverte, ont enregistré, malgré des difficultés, des résultats importants auprès de certaines catégories de mineurs et de jeunes».

A noter également que le projet de loi dispose que les peines alternatives ne seront appliquées qu'aux délits dont la peine n'excède pas 5 ans, alors que les personnes impliquées dans des affaires liées au terrorisme, au trafic international de stupéfiants et de psychotropes, à la traite des êtres humains, au viol, à la sûreté de l'Etat, au détournement de fonds, à la trahison, à la corruption, à l'abus d'influence, au détournement des deniers publics, au blanchiment d'argent et à l'exploitation sexuelle de mineurs ou de personnes en situation de handicap, ne sont pas concernées par ces peines alternatives.

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