Madagascar: La chute de la citadelle d'Ambohitsy

Fin décembre 1915. Le bruit court dans la Grande ile, surtout à Antananarivo, qu'un soulèvement général doit se produire le 1er janvier suivant (lire précédente Note). On apprend aussi, lors de l'interrogatoire des accusés du VVS- la société secrète Vy-Vato-Sakelika-, écrit Maurice Gontard, que dans des réunions tenues dans la capitale, des consignes seraient données aux affiliés pour que « les Malgaches de l'Armée ou de la Garde indigène ne tirent pas sur les insurgés du Sud».

Enfin, le sous-lieutenant Laffiteau, chef du poste de Beloha, fait savoir par télégramme, qu'à l'occasion d'une patrouille, les 4 et 5 janvier, il a poursuivi avec quinze tirailleurs et douze partisans armés, une bande d'individus. « Il s'était heurté à une force de plus de cent cinquante personnes. Il avait tenté de parlementer.

Un des chefs, un évadé des prisons françaises, avait répondu: Nous préférons être tués. Nous ne nous rendrons pas aux Vazaha. Et l'on avait riposté par plusieurs coups de fusil. » Devant l'importance numérique des adversaires, Laffiteau se replie et conclut, dans son rapport, que le poste d'Ampotoka est « à la merci d'un coup de main ».

Cependant, le chef de la province de Tolagnaro, Delpit, n'est pas encore convaincu par ce rapport. Il condamne même l'attitude agressive du lieutenant Laffiteau et écrit au gouverneur général, Hubert Garbit, que cette reconnaissance militaire a été effectuée sans autorisation préalable.

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« J'appelle votre haute attention sur ce que des opérations semblables ne produisent aucun résultat, mais sont de nature à jeter le trouble parmi la population indigène de cette région ». Il qualifie cette reconnaissance « d'acte intolérable d'indiscipline » et demande le remplacement du lieutenant. Toutefois, à Antananarivo, les dispositions ont bien changé.

Le gouverneur général approuve entièrement la conduite du lieutenant : « Son initiative a répondu aux circonstances. » Et bien loin de le relever de ses fonctions, il mute immédiatement le chef de province Delpit « qui ne peut effectuer des tournées suffisantes dans cette vaste circonscription en raison de son état de santé ».

Celui-ci est envoyé dans le Vakinankaratra et remplacé par Béreni à qui Hubert Garbit prescrit « d'agir très énergiquement». En même temps, ce dernier porte le poste de tirailleurs de Beloha de cinquante à quatre-vingt hommes, envoie en renfort à Tsihombe cinquante tirailleurs sénégalais, et prescrit « des sondages minutieux dans le sous-sol ou autres emplacements des Maisons allemandes Toepser et Megger », à Tolagnaro, afin de rechercher soit des armes soit la preuve d'une éventuelle complicité avec l'Allemagne.

Les opérations dans le Sud vont alors commencer. Sur proposition du chef de province, le gouverneur général en confie la direction au garde principal de la brigade de Tolagnaro de 1re classe Eloy. Parti le 24 janvier 1916 avec cinquante gardes indigènes, Eloy arrive le 28 à Tsihombe. Il est rejoint par vingt gardes de la brigade de Toliara, fortifie encore sa troupe en prenant seize partisans locaux, puis s'enfonce vers le Nord-Est en direction du repaire d'Ambohitsy.

Il « prend contact », les 7 et 8 février, avec les villages complices, trouve « tout un matériel de forgeron, des pièces pour fusils à pierre, des modèles divers de sagaies, des balles rondes en plomb, des pieds de marmite coupés en balles », procède à une cinquantaine d'arrestations. Avant l'assaut final, le 9 février, il est rejoint par l'administrateur Béreni en personne et par le sous-lieutenant Laffiteau qui arrive avec vingt-cinq tirailleurs.

La troupe s'avance alors vers la citadelle. Celle-ci n'est accessible que par le Nord. Le 10 février au matin, Eloy avec quarante-cinq gardes et dix partisans, tourne le repaire par le nord et donne l'assaut. Il est accueilli par une vive fusillade. « Ceux non armés de fusils nous lancent des pierres au moyen de frondes. Des fers de sagaie sont alignés au-dessus des rochers et, de temps en temps, les sadiavaha nous font voir au bout de ces fers des chapeaux recouverts d'étoffe rouge.

À 10h35, nous étions maitres du repaire après trois heures de gros efforts et un engagement des plus vifs, lequel nous coûte un garde indigène et un partisan tués, deux gardes blessés. » Eloy estime qu'il a eu environ trois cents personnes dans le repaire où il récupère de la viande, du manioc, des patates, des haricots, quatre vaches et seize veaux. Un bassin de 120 mètres de long est rempli d'eau. Après la prise d'Ambohitsy, la force armée débroussaille la citadelle afin de la rendre inutilisable.

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