Sauf cas de force majeure, un référendum constitutionnel sera organisé le dimanche 18 juin prochain au Mali. La nouvelle loi fondamentale, qui sera soumise au vote, comporte plusieurs dispositions censées consacrer la refondation de l'Etat malien, voulu par le président de la Transition, le colonel Assimi Goita. Depuis 1992, il y a eu plusieurs tentatives de modification de la Constitution malienne, mais aucune n'avait abouti.
Le texte, pour lequel le peuple a été appelé aux urnes, affirme à priori le caractère souverain et laïc de la République du Mali. Il renforce les pouvoirs du chef de l'Etat à travers le passage d'un régime semi-présidentiel à un régime présidentiel. Si le président est élu pour cinq ans, il ne pourra pas faire plus de deux mandats. Dans la nouvelle Constitution, c'est le président qui déterminera désormais la politique de la nation et non le gouvernement, avec entre autres, la possibilité d'ordonner la mobilisation générale contre l'insécurité.
Par ailleurs, le document légalise les tribunaux traditionnels et religieux et fait des langues nationales, les langues officielles du pays, tandis que le français est relégué au rang de « langue de travail ». Ces dispositions, qui ne sont pas exhaustives, illustrent le contenu de la nouvelle Constitution. Les militaires, comme il est de coutume, se sont déjà prononcés sur le texte à la faveur d'un vote anticipé dans les casernes.
Il reste maintenant l'avis de la grande majorité des Maliens, appelés à voter « oui » ou « non ». De prime à bord, le référendum ne se tiendra pas sur l'ensemble du territoire malien. Les citoyens maliens ne pourront pas accomplir leur devoir civique dans certaines zones du Nord, notamment Kidal et Ménaka, toujours sous contrôle des groupes armés signataires de l'accord de paix d'Alger de 2015.
Les ex-rebelles, regroupés dans le Cadre stratégique permanent pour la paix, la sécurité et le développement (CSP-PSD), sont opposés à la tenue du référendum constitutionnel. Pour eux, le nouveau texte n'intègre « aucune évolution particulière par rapport à la Constitution du 25 février 1992, en matière de dispositions indispensables à une concrétisation des mesures législatives et réglementaires, des engagements politiques et institutionnels pris à l'accord pour la paix ».
Les tentatives de médiation de la communauté internationale n'ont pas suffi à faire fléchir les ex-rebelles qui estiment que leurs préoccupations n'ont pas été prises en compte dans la nouvelle Constitution. Pour rien au monde, les groupes armés n'apporteront leur caution à une Constitution qui n'intègre pas les recommandations de l'accord d'Alger. Ces recommandations sont, parmi tant d'autres, le rétablissement de la paix au Mali par une décentralisation soutenue, la prise de mesures de développement économique spécifiques au Nord du pays et la création d'une armée intégrant les anciens groupes armés signataires.
Mais au-delà des aspects liés aux conclusions de l'accord d'Alger qui peine d'ailleurs à être mis en oeuvre à cause d'un manque de volonté des parties prenantes, le référendum constitutionnel ne fait pas l'unanimité au bord du fleuve Djoliba.
Des organisations de la société civile malienne ne voient pas également d'un bon oeil la nouvelle Constitution. Dans l'ensemble, ceux qui s'opposent au texte y voient une manoeuvre du colonel Goita pour rester au pouvoir. Très peu bavard, le président de la Transition malienne balaie certainement du revers de la main cette accusation. Il voit en l'adoption d'une nouvelle Constitution, un pas indispensable vers un retour à un ordre constitutionnel normal, la Transition devant en principe s'achever en 2024, avec l'organisation d'une élection présidentielle. A ses yeux, ce n'est ni plus ni moins que l'aboutissement d'un processus de renouveau démocratique.
De toute évidence, faire des réformes n'a jamais été une chose aisée dans les démocraties établies, à plus forte raison dans celles en construction comme le Mali. Mais seules les urnes permettront de départager les partisans du « pour » et du « contre », le dimanche prochain. Au-delà des divergences, suscitées par la nouvelle Constitution, les Maliens ont intérêt à se donner la main pour sortir de l'insécurité qui mine leur pays depuis 2012.
En dépit des gros équipements acquis par l'armée malienne, les groupes armés terroristes continuent d'endeuiller les populations. L'union face à l'ennemi est plus que jamais nécessaire et les Maliens doivent se le tenir pour dit.