Prenant part au Forum sur le programme des «Bajenu Gox», le professeur Senait Fisseha, vice-présidente de Global programs the Susan Thompson Buffer, a renseigné que l'Organisation Mondiale de la Santé (OMS) estime que d'ici 2030, il y aura une pénurie mondiale de personnels de santé estimée à 10 millions d'agents et 37 des 50 pays qui manquent le plus de personnel soignant sont africains.
Face à cette menace, elle a déclaré hier, lundi 12 juin 2023, que des acteurs comme les «Bajenu Gox», peuvent aider à combler ce déficit, en particulier en fournissant des interventions de santé primaires essentielles au niveau communautaire. Elle relève également avoir constaté que la rémunération des agents de santé communautaires et la formalisation de ces programmes peuvent aider à maximiser leur impact.
Prenant l'exemple de l'Ethiopie, son pays d'origine, elle a avancé : « l'Ethiopie est un vaste pays de 120 millions d'habitants, avec plus de 70 groupes ethniques, répartis sur des terrains divers et parfois difficiles. Au début des années 2000, elle avait un énorme défi lié à la mortalité maternelle et infantile, la couverture vaccinale et le VIH, entre autres. Pour résoudre ces problèmes, le ministre de la Santé de l'époque, le Dr Tedros Adhanom Ghebreyesus, a décidé de former et d'embaucher ce qu'il a appelé «une armée» d'agents de vulgarisation sanitaire -composées de 40.000 femmes, qui ont bénéficié d'une formation d'une année et sont devenus des agents de santé, avec un salaire et un plan de carrière, orientés sur les soins de santé primaires».
Et de poursuivre : «avec des structures de soutien autour d'eux, ils ont produit des résultats spectaculaires dont une réduction de 67% de la mortalité des moins de cinq (5) ans et à une baisse de 71% de la mortalité maternelle en Éthiopie. Au cours de la même période, la prévalence de la contraception a presque triplé, en partie grâce à leurs efforts en sensibilisant les femmes sur les méthodes disponibles, les avantages de la planification familiale, tout comme le font au Sénégal les «Bajenu Gox». Aujourd'hui, plus de 20 ans plus tard, les agents de vulgarisation sanitaire sont au coeur du système de santé éthiopien et leur impact est dû en grande partie au fait que le programme ait été institutionnalisé et intégré au système de santé».
Toutefois la professeure en gynécologie s'est désolée du fait que, malheureusement, le programme Ethiopien d'agents de vulgarisation sanitaire est aujourd'hui une exception parmi les programmes de santé communautaire. «La plupart des programmes de santé communautaire sont fragmentés, basés sur le volontariat, verticalisés par domaines de maladies et ont des systèmes de gestion et de supervision faibles ou peu formels», a-t-elle fait comprendre. Et de se demander : «comment pouvons-nous formaliser et institutionnaliser ce cadre de main-d'oeuvre qui est la clé de voûte de la prestation des soins de santé primaires à travers le continent ? Faire des changements comme commencer à rémunérer les «Bajenu Gox» est un pas dans cette direction».