Congo-Kinshasa: Success stories / BALOBAKI Check - Une bande de journalistes de Kinshasa débarque sur la toile pour lutter contre les Fakenews sous la coordination d'Ange Kasongo

L'aventure s'est lancée en 2022, et elle ne compte pas s'arrêter. Huit journalistes fraîchement sortis d'école de journalisme et une journaliste spécialiste en investigation numérique pilotent le blog Balobakicheck.cd à Kinshasa, capitale de la République démocratique du Congo, la plus grande ville francophone aux 14 millions d'âmes.

C'est la génération 2.0 dans toute sa splendeur. Tweet balancé à l'issue d'une réunion politique, vieille photo qui refait surface pour désinformer la communauté, des dizaines de fausses informations relayées sans réfléchir dans des groupes WhatsApp avec 200 membres. La team de Fact-checker ne veut rien rater.

La plus grande ville francophone a pourtant une langue qui est la plus parlée: le lingala. Et, la team des Fact-checkers ont également ciblé des productions en lingala, mais aussi dans les trois autres langues nationales pour toucher un public plus large.

Pour les étudiants fraîchement sortis de l'école de journalisme, c'est un super plan pour ne pas flemmarder à la maison, mais au contraire, se sentir utile dans la communauté en apportant des informations vérifiées, fouillées, donc de qualité.

L'actuel projet est financé par Open society Africa et mise en oeuvre par CESD consulting. Il consiste à former les journalistes professionnels sur les techniques de Fact-checking: 100 journalistes ont été formés courant l'année 2022 par Ange Kasongo et deux formateurs juniors qu'elle a pris sous ses ailes depuis 2021 : Christian Malele et Moïse Esapa.

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Les participants produisent des articles de Fact-checking, mais aussi des podcasts dans trois langues nationales de la RDC.

«Il y a une approche très humaine dans le choix de rumeurs que nous décidons de traiter parce qu'il y a une grande part de citoyenneté dans la pratique du métier de journaliste et si l'on n'en est pas conscient, il sera difficile de faire un travail qui a un impact positif dans la communauté », soutien Ange Kasongo, qui dirige Balobaki Check

«A quoi sert d'être journaliste si je ne joue pas mon rôle d'acteur social », ajoute-t-elle.

Il y a, par exemple, un compte Twitter qui avait relayé une publication montrant la première dame de la République démocratique du Congo, Denise Nyakeru Tshisekedi, en l'accompagnant d'une photo où nous pouvons la voir avec un T-shirt de couleur verte portant la mention « M23 ». D'après les déclarations de l'auteur de cette publication, Denise Nyakeru supporte silencieusement le M23. Pourtant c'est une photo truquée.

On sait tous que le mouvement du 23 mars est une rébellion à la base de l'insécurité dans l'est du pays.

Une photo montrant la première dame avec un T-shirt de soutien aux rebelles peut contribuer à démoraliser les troupes, semer le doute dans la communauté.

De nos jours, avec l'usage et l'appropriation de WhatsApp, les photos sont partagées aussi vite que

Les élections approchent, les Fake News se multiplient

En Afrique et partout dans le monde, une période électorale est toujours sensible. Les esprits s'éveillent, la manipulation politique s'invite, les personnes moins informées ne sont pas suffisamment éclairées avant de faire des choix.

C'est un moment propice pour les médias afin d'apporter des informations de qualité à la communauté.

Après la première alternance politique à la tête du pays, l'un des enjeux et des défis à relever lors des prochaines élections sera sans doute le renforcement de la démocratie pour avoir une stabilité institutionnelle.

Pour l'instant, l'une des grandes difficultés pour garantir une paix durable dans le pays reste l'insécurité dans l'est de la RDC, liée à la présence des rebelles du M23.

Cette situation tendue entre Kigali et Kinshasa alimente aussi les Fakenews dans la communauté et sèment également quelques querelles ethniques. Avoir des journalistes formés aux techniques de Fact-checking dans l'est du pays est un grand atout pour appuyer la démocratie dans le pays.

Le Fact-checking comme moyen de sensibiliser la communauté sur les méfaits des fausses informations

«Apprendre et transmettre, c'est un peu comme un appel à l'évangélisation religieuse et à l'approche des élections, c'est là où, nous souhaitons nous trouver en travaillant avec les journalistes d'autres villes du pays », ajoute Christian Malele qui a fait du Fact-checking le sujet principal de son mémoire de fin d'études en 2022.

«Avec le temps, les fausses informations sur le processus électoral ont commencé à s'imposer à nous dans les groupes WhatsApp surtout et nous nous sommes dit qu'il était important de réfléchir à un format adapté pour apporter des réponses adaptées », explique Moïse Esapa.

Christian et Moïse ne sont pas les seuls à avoir été autant influencés par le Fact-checking depuis la première formation.

«Cette formation m'avait permis d'exercer encore davantage non seulement au niveau de la traque des fausses informations sur la toile, mais aussi du côté de la rédaction des articles.

Ce fut une très belle expérience qui aujourd'hui me permet de faire le Fact-checking avec beaucoup d'aisance malgré que cette pratique n'est pas encore totalement intégrée dans nos différentes rédactions », Mechack Wabeno, journaliste à Actu 30

« Après avoir suivi la formation sur les techniques du fact-checking, j'ai changé ma façon de réagir face à une information publiée sur les réseaux sociaux, cette formation a renforcé mon esprit critique, à chaque fois je suis face à une publication ou photo je doute toujours, mais un doute méthodique qui va me conduire à certifier si la publication ou la photo est vraie. Je dois dire que la formation a ajouté un plus sur ma vie professionnelle, car je suis maintenant à mesure d'utiliser les outils appropriés pour vérifier l'authenticité d'une publication ou photo à l'heure où les fausses informations sont partagées au quotidien sur les réseaux sociaux. Pour le moment, je n'ai pas l'opportunité de travailler dans un média spécialisé sur le fact-checking pour produire régulièrement des articles de Fact-checking, mais j'ose croire qu'un jour j'aurai l'opportunité de commencer à produire les papiers de fact-checking », Aloterembi Daniel, journaliste basé à Kinshasa et un des bénéficiaires de la formation organisée en 2022.

« Cette formation m'a permis d'acquérir des connaissances sur la vérification des informations, des images ainsi que des vidéos. Après cette formation, j'ai commencé à être patiente devant une information. Lorsque je vois une information sur la toile, je vérifie premièrement s'il s'agit d'une source crédible. Je ne partage plus les informations sans vérification », témoigne Kerene Yala, une des Fact-checkeuses de Balobaki Check.

Ange est une journaliste, auteure et formatrice. Co-auteure de l'enquête sur les abus sexuels lors de la riposte Ebola dans l'est de la République démocratique du Congo (RDC) publiée par Reuters en 2021, où elle exerce comme journaliste reporter.

Kinoise pur jus, Ange est passée par l'Agence France-Presse comme journaliste en charge du Fact-checking en RDC entre 2019 et 2020, l'année postélectorale où les fausses informations et les messages de manipulation ont énormément tourné autour des politiques sur les réseaux sociaux.

Depuis 2020, Ange organise des ateliers sur les techniques de Fact-checking à Kinshasa et dans d'autres villes du pays en partenariat avec des médias locaux. Elle en a déjà formé 200 à Kinshasa. Sélectionnée par l'ambassade des États-Unis en 2022 pour suivre le programme Edward R. Murrow pour journalistes sur « la responsabilité des médias à l'ère de la désinformation ».

Depuis 2022, Ange Kasongo a créé "BALOBAKI CHECK", un site spécialisé dans la vérification des faits pour lutter contre les fausses informations sur le processus électoral en RDC, avec le soutien financier d'Open society Africa et mis en oeuvre par le Cabinet-Conseil en communication, CESD consulting.

Ange est journaliste depuis 2014. Elle a un double Master de l'école supérieure de journalisme et Sciences Po Lille, 92ème promotion.

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