Ile Maurice: 60 ans de l'express I Les stades se sont tus

Les amateurs du ballon rond et les joueurs eux-mêmes sont unanimes à le reconnaître. Les clameurs et la passion pour les équipes locales ont été remplacées par une triste morosité.

Au fil des années, «l'express» s'est appesanti à maintes reprises sur le triste sort réservé «sport roi», qui a perdu sa couronne chez nous. Tour d'horizon, alors que le Club M a rencontré hier Djibouti, comptant pour les «Four Nations Series 2023», un tournoi international amical.

C'est un fait. La régionalisation du football n'a pas eu qu'un impact positif sur cette discipline à Maurice. Les plus sceptiques diront au contraire que la régionalisation a coïncidé avec les échecs répétés de la sélection nationale ou encore avec la baisse du niveau du football sur le plan local. Alors que l'express a célébré nos 60 ans d'existence en avril, il est bon de préciser que nous avons rédigé de nombreux articles pendant et après la régionalisation du football au début des années 2000. Plusieurs observateurs ont également permis à notre journal d'enrichir les débats grâce à leurs opinions, que nous avons à maintes reprises répercutées dans nos colonnes.

Remontons le temps. Deux mois avant l'Indépendance, en 1968, plusieurs voix s'accordaient à dire qu'il fallait en finir avec le communalisme dans le sport. En 2000, nous assistions à la création de nouveaux clubs de football avec la régionalisation. Les clubs dits traditionnels tels que la Fire Brigade, le Scouts Clubs ou le Cadets Club n'existaient plus. Mais cette régionalisation a été un «flop»... Les stades se sont vidés, les clameurs sont restées sur le banc de touche. Comment alors faire revivre la flamme footballistique ?

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Pour Saoud Lallmohamed, ancien joueur du Racing Club et du Scouts Club, la relance du football doit passer par le retour des clubs traditionnels. Il s'exprimait dans nos colonnes le 18 novembre 2013. «Seuls les 'historiques' peuvent inciter les gens à revenir au stade. Personne ne s'identifie à l'équipe de sa région. En revanche, Sunrise, Cadets, Scouts, Fire, Racing ou Dodo, cela parle aux gens. C'est la rivalité entre ces clubs qui ramènera le public en tribune. Le véritable défi est de laisser vivre cette rivalité sur le plan sportif sans réveiller le démon communal. Il est bien sûr exclu d'aligner une équipe musulmane ou une équipe hindoue. Mais encore une fois, cela ne se faisait déjà plus au début des années 1980, et sans intervention politique. Alors, de quoi avons-nous peur ?»

Mahen Purbhoo, ancien cadre supérieur des sports au ministère de la Jeunesse et des Sports, aborde la question de la régionalisation selon une perspective plus globale. Pour lui, la régionalisation avait pour but de permettre à chacun, à sa manière, de pratiquer un sport de son choix avec l'encadrement souhaité dans sa région, comme il l'explique dans nos colonnes le 8 octobre 2006. Il poursuit en disant ceci : «La régionalisation a été mise en oeuvre dans tous les domaines. Est-ce qu'elle a été un succès ou un échec ? Dans le domaine de l'éducation, je dirais que c'est à moitié un succès et à moitié un échec.»

Il revenait sur un événement qui s'est déroulé au stade Anjalay le 14 novembre 1993. «C'était lors d'un match de football entre Maurice Espoir et le Cadets Club. Une bagarre a éclaté à la suite d'une faute commise par l'arbitre. Les spectateurs ont saccagé et incendié le stade. Il a fallu faire appel à la police pour protéger le site. C'est la première fois que je voyais une bagarre en direct», se souvient-il.

Dans une interview accordée à l'express le 15 mars 2018, Jean-Marc Ithier, ancien joueur emblématique du Club M et de Sunrise Flacq United, abordait lui aussi l'échec de la régionalisation. «Notre football a connu des années de gloire au niveau local et international, dont tout le monde parle encore aujourd'hui. Mais malheureusement, nous avons également vu la détérioration du football avec une régionalisation mal planifiée.» Son aide avait été sollicitée dans le cadre des 50 ans de l'Indépendance du pays.

Claude Julie, ancien chroniqueur sportif de l'express, relate lui aussi cette triste période antérieure à la régionalisation. Selon lui, il y avait des tensions dans les gradins et la disparition de certains clubs traditionnels a érodé le niveau du football. «Oui. Il fallait en finir avec ce football communal. En 1982, le gouvernement MMM-PSM a commencé à éliminer ce football. Mais en contrepartie, le niveau a baissé. Vous savez, lorsque les Dodos, le Racing Club de Maurice et les Blue Ducks se sont retirés, il y avait un manque de joueurs de haut niveau. De plus, de nombreux jeunes ne jouent plus au football...»

À la fin de 2014, l'économiste Georges Chung tente d'insuffler un nouvel élan avec la création du football semi-professionnel. L'objectif : faire venir le peuple au stade grâce à la compétitivité des équipes. Mais ce projet n'a pas tenu la route. L'absence d'implication des clubs et même de la Mauritius Football Association a rapidement ramené le football là où il était, c'est-à-dire dans les abysses.

Il y a actuellement dix équipes au sein de l'élite, également connue sous le nom de Super League. Mais de super, il n'y a décidément que le nom...

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