Au Mali, un référendum pour une nouvelle constitution se déroulera ce dimanche 18 juin. 8,4 millions d'électeurs sont attendus dans les bureaux de vote pour se prononcer pour ou contre ce nouveau texte. Pour les autorités de transition, c'est une étape avant le retour à l'ordre constitutionnel, prévu pour février 2024. La loi fondamentale actuelle date de 1992 et a résisté à plusieurs tentatives de modifications, toutes avortées.
Pour le gouvernement, cette nouvelle Constitution participe à la refondation démocratique de l'État malien. Le nouveau texte propose la création d'un Sénat, d'une Cour des comptes et de collectivités territoriales décentralisées. Les treize langues nationales deviendraient officielles et le français serait réduit à une « langue de travail ».
Surtout, la nouvelle Constitution renforcerait considérablement les pouvoirs du chef de l'État. C'est lui, et non plus le Premier ministre, qui déterminerait la politique de la nation. C'est aussi devant le président que le gouvernement serait responsable, et non plus devant l'Assemblée nationale. Le président pourrait également soumettre lui-même des projets de lois. S'il peut se faire destituer, le texte lui donne le pouvoir de dissoudre l'Assemblée nationale.
Les pouvoirs du chef de l'État renforcés
« Un texte acceptable », selon Amadou Koïta, président du Parti Socialiste, Yelen Koura, pour qui l'essentiel est de sortir de la transition. « C'est le moment idéal pour que les Maliens se retrouvent dans un consensus afin de, soit adopter une nouvelle constitution, soit procéder à une révision. Au départ, notre parti était pour la révision.
Mais nous avons souhaité plus d'inclusivité, plus de compromis autour de ce texte. Nous voulons que ce référendum marque une étape extrêmement importante pour le retour à l'ordre constitutionnel, afin que le Mali sorte enfin de cette période d'exception et rejoigne le concert des nations africaines et internationales.» a-t-il déclaré.
Djiguiba Keita, secrétaire général du parti Parena, balaie cet argument. L'ancien ministre malien de la Jeunesse et des sports dénonce une mainmise sur le pouvoir judiciaire : « Les pouvoirs du chef de l'État, qui préside aussi le Conseil supérieur de la magistrature, sont augmentés à ce niveau-là. Et le poids de la magistrature dans cette nouvelle constitution est moins important que dans celle actuellement en vigueur. Le président deviendrait hyper-puissant et serait le seul maître à bord, tel un monarque. »
La crainte d'une « dictature militaire »
La nouvelle mouture réaffirme également le caractère laïque de l'État malien. Cette disposition est rejetée par une vingtaine d'associations islamiques, dont la Coordination des mouvements, associations et sympathisants de l'imam Mahmoud Dicko (CMAS). Pour son coordinateur national, Youssouf Diawara, l'association proteste surtout contre un référendum imposé par des autorités non élues.
« Ils ont centré le débat sur la laïcité, mais nous avons aussi des griefs concernant les langues nationales, la Cour constitutionnelle, le Sénat, les pouvoirs attribués au président de la République, l'amnistie... Comment une personne qui n'a même pas le droit de toucher à la Constitution à fortiori en proposer une nouvelle, peut-elle s'arroger tous ces pouvoirs ? Les autorités sont en train de personnaliser une loi fondamentale prévue pour 30 ou 40 ans. » s'est-il insurgé.
La CMAS est membre de « l'Appel du 20 février 2023 pour sauver le Mali », un mouvement fondé par une partie des formations politiques et de la société civile opposées au texte. Cette semaine, ce mouvement a été rejoint par d'autres alliés pour devenir le « Front uni contre le référendum ». Son porte-parole et président du parti ACRT-Faso Ka Wélé, Issa Kao N'Djim, se projette déjà dans l'après-référendum.
« Nous appelons ceux qui veulent participer à la résistance démocratique à se mettre ensemble. Je pense que nous sommes sur la gestation d'une dictature militaire à marche forcée. Tout est imposé. Il n'y a pas de débat démocratique. Le processus n'est pas transparent. Désormais, il suffit de montrer son désaccord pour se faire traiter d'apatride, pro-Français, pro-Américain, anti-Malien. C'est de la terreur. » a-t-il dénoncé.
Mais déjà, ce vote ne pourra pas se tenir à Kidal. La région du Nord est dominée par des ex-rebelles indépendantistes qui sont aussi contre cette loi fondamentale. D'après les groupes armés, le texte « ne prend pas en charge les dispositions de l'Accord d'Alger signé en 2015 ». De quoi donner un nouveau coup dur pour le processus de paix avec Bamako.