Alors que la délégation africaine venait d'arriver en Ukraine, pour une mission de médiation en raison du conflit avec la Russie, les quatre chefs d'État et les représentants de trois autres pays ont été accueillis vendredi 16 juin par une pluie d'une douzaine de missiles russes visant Kiev. La mission africaine a tout de même poursuivi son voyage par une visite à Boutcha et par une rencontre avec le président ukrainien Volodymyr Zelensky.
Ces dernières heures, la mission africaine est passée par les deux étapes incontournables à chaque passage de dirigeants étrangers : Boutcha d'abord. Cette première étape, hautement symbolique, représente le premier traumatisme de cette guerre, où des centaines de civils avaient été exécutés au début de l'invasion russe, et où des bâtiments portent encore les stigmates des tirs de missiles.
La délégation africaine s'est recueillie au mémorial de la ville, qui se trouve à l'endroit où une fosse commune avait été mise au jour, rapporte notre envoyé spécial à Kiev, Julien Chavanne.
Deuxième étape à Kiev, sur la place Saint-Michel pour observer les carcasses de tanks russes détruits, près des photos des soldats ukrainiens morts au combat : le parcours classique pour chaque délégation étrangère, avant une rencontre avec le président ukrainien Volodymyr Zelensky.
Les missiles sont un « message à l'Afrique » venu de Moscou
Mais leur visite a été marquée par des explosions au-dessus de Kiev : 12 missiles russes ont été abattus tout à l'heure dans le ciel de la capitale, alors que, au même moment, la délégation africaine rejoignait Boutcha.
Très vite, des explosions ont retenti, la défense anti-aérienne s'est mise en marche, rapporte notre correspondant à Kiev, Stéphane Siohan, et selon les premières informations disponibles, l'armée russe a tiré ce matin sur Kiev six missiles balistiques de type Kinjal, six missiles de croisière de type Kalibr, ainsi que deux drones suicides de fabrication iranienne.
Tous les projectiles auraient été interceptés par la défense anti-aérienne, tandis que des débris de missiles se sont abattus dans la campagne autour de la capitale, détruisant plusieurs habitations.
Le chef de la diplomatie ukrainienne a aussitôt estimé sur Twitter que ces frappes russes sur Kiev étaient un « message à l'Afrique: la Russie veut plus de guerre, pas de paix ». Selon Dmytro Kouleba, il s'agit de « la plus importante attaque de missiles contre Kiev depuis des semaines ».
Pour de nombreux commentateurs à Kiev, ce bombardement est un message et indique le dédain avec le Kremlin traite la tentative de médiation africaine. Cela alors que cette dernière doit également se rendre à Saint-Pétersbourg samedi 17 juin.
Les responsables africains, parmi lesquels se trouve le président sud-africain Cyril Ramaphosa, n'ont pas réagi à l'attaque russe pour l'instant. Une conférence de presse suivra leur réunion avec le président ukrainien.
Initiative affaiblie par des défections
Le scepticisme reste de mise toutefois pour que cette mission de bons offices, car beaucoup d'observateurs insistent que ses chances de succès sont extrêmement minces.
Les dirigeants africains « ne seront pas en mesure de nous offrir quoi que ce soit en termes de résolution de conflit », a estimé l'analyste politique ukrainien Anatoliy Oktysiouk, interrogé par l'AFP. « Ils ne peuvent pas jouer un rôle de médiateurs. Ils ont peu de poids politique, ils n'ont aucune influence », a-t-il poursuivi.
Il s'agit de la dernière initiative en date d'une série d'efforts diplomatiques jusqu'ici infructueux. La mission africaine, affaiblie par la défection de dernière minute de certains des participants, s'annonce cependant délicate.
Critiquée pour sa proximité avec Moscou, l'Afrique du Sud refuse de condamner la Russie depuis le début de la guerre en Ukraine, affirmant tenir une position neutre et vouloir privilégier le dialogue.
Les pays africains ont dénoncé moins unanimement que les grandes puissances occidentales l'invasion russe de l'Ukraine lancée en février 2022. Le Kremlin s'efforce d'attirer dans son camp les dirigeants africains en posant la Russie comme un rempart contre l'impérialisme occidental et en accusant l'Occident de bloquer avec ses sanctions les exportations de céréales et des engrais russes essentielles à l'Afrique.