Sénégal: Les prix des denrées alimentaires grimpent à la suite des pillages

Dakar — Les scènes de pillage survenues à Dakar début juin ont engendré une hausse des prix des denrées de consommation courante, dont une partie fait l'objet d'une pénurie, a appris l'APS dans certains marchés visités à Dakar.

"Il n'y a pas grand-chose dans les marchés. Les prix de certaines denrées ont augmenté. Selon les commerçants, il n'est pas possible de livrer certaines marchandises à cause des dernières violences", affirme Mariama Diaby, rencontrée à Tilène, l'un des principaux marchés de produits alimentaires à Dakar.

Souleymane Seck, délégué des épiciers du même marché, confirme le constat fait par Mme Diaby. "Les manifestations survenues récemment ont fortement paralysé le fonctionnement du marché. Certains commerçants profitent de la rareté de certains produits pour en augmenter les prix", dit M. Seck.

Selon lui, la plupart des légumes en vente à Tilène proviennent de Mboro (région de Thiès), à plusieurs dizaines de kilomètres du marché. "Les camions assurant le transport des marchandises n'ont pas repris service", signale le délégué des épiciers (mercredi 7 juin).

"Il fait chaud. Certaines denrées doivent être écoulées rapidement, sinon elles risquent de pourrir, ce qui engendre des pertes. Nous sommes obligés d'augmenter les prix pour nous en sortir", affirme Mamadou, un épicier.

"Ils ont peur de tout perdre à cause des pillages"

Les pillages survenus à Dakar et dans d'autres villes du pays ont engendré la rareté de certains fruits, dont la mangue casamançaise. "La 'mangue de la Casamance' est très prisée à Dakar mais elle est introuvable. Les manifestations ont engendré une rupture des stocks de marchandises", explique Mouhamed, un vendeur de fruits.

Au marché Castor, l'un des plus importants centres d'approvisionnement de denrées de consommation courante à Dakar, Aladji Malick Nguer s'inquiète de la rupture des stocks de certains produits alimentaires. "Les manifestations ont engendré beaucoup de difficultés dans la chaîne d'approvisionnement parce que certains commerçants ne veulent pas prendre le risque de se ravitailler. Ils ont peur de tout perdre à cause des pillages", a dit M. Nguer, l'un des délégués du marché Castor.

Ibrahima Guèye, un délégué de l'UNACOIS-Jappo, l'une des principales associations d'importateurs au Sénégal, invite l'Etat à autoriser les importations d'oignon et de pomme de terre pour satisfaire les besoins des ménages, cette denrée étant fortement consommée à la Tabaski, la principale fête musulmane prévue à la fin de juin.

"Les prix des sacs d'oignon et de pomme de terre ont sensiblement augmenté. Il y a une hausse de 2.500 francs CFA au moins sur le prix du sac d'oignon", témoigne M. Guèye.

A Castor, les commerçants souhaitent par ailleurs que les pouvoirs publics veillent à la sécurité de leur marché, où viennent s'approvisionner de nombreux ménages dakarois. "L'Etat doit déployer des forces de l'ordre autour des marchés, des grandes surfaces et des stations-service", affirme Aladji Malick Nguer. D'autres commerçants soutiennent la revendication exprimée par leur délégué.

Mbeurgou Bèye, l'agent de la mairie de Dieuppeul-Derklé, assure que le conseil municipal a déployé 12 agents de sécurité et trois surveillants autour du marché Castor.

M. Bèye dit souhaiter l'implication de l'Etat dans la surveillance des endroits publics, qui peuvent être pris pour cible lors des pillages.

Une "inflation artificielle"

Les scènes de pillage survenues du 1er au 3 juin n'entraînent pas pour le moment des "difficultés majeures" dans l'approvisionnement des marchés en marchandises et les prix en vigueur, a assuré jeudi le ministre du Commerce, Abdou Karim Fofana.

"Cette fois-ci, on note que les multinationales ne sont pas les plus affectées mais des commerces tenus par des Sénégalais [...] On peut bien avoir peur qu'il y ait une inflation. Mais pour le moment, nous n'avons pas noté de difficultés majeures dans l'approvisionnement du marché et les prix", a déclaré M. Fofana lors d'une conférence de presse du gouvernement.

"J'en profite pour lancer un appel à nos concitoyens de Ngomène (région de Thiès), qui ont un gros stock d'oignon. Mais on note que de jour en jour le prix augmente [...] Si ça continue, nous ouvrirons le marché à l'importation pour le réguler et mettre fin à cette inflation artificielle", a prévenu M. Fofana.

Selon le ministère de l'Intérieur, 16 personnes ont trouvé la mort dans les manifestations survenues après la condamnation de l'opposant Ousmane Sonko à deux ans de prison ferme pour "corruption de la jeunesse".

Amnesty International, dont le bureau pour l'Afrique de l'Ouest et du Centre est basé à Dakar, a publié un bilan faisant état de 23 morts.

La peine requise contre M. Sonko, qui était jugé pour viol et menaces de mort sur la demoiselle Adji Sarr, est susceptible d'empêcher le maire de Ziguinchor (sud) de se présenter à l'élection présidentielle de 2024, affirment ses avocats en se basant sur le Code électoral.

Des services de l'Administration publique, des banques, des infrastructures routières et universitaires, des mairies, des voitures et d'autres biens publics ou privés ont été saccagés ou incendiés lors des manifestations consécutives à la condamnation de M. Sonko par la chambre criminelle du tribunal de grande instance de Dakar.

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