Madagascar: Être ou ne pas être Malgache, et seulement Malgache

opinion

Le sujet de la nationalité française de Andry Rajoelina revient sur le tapis alors que l'intéressé a été reçu à l'Élysée, par le Président français.

Un Malgache peut demander à perdre la nationalité malgache avec l'assurance préalable d'une autre naturalisation, pour éviter de créer un cas d'apatridie. «À la demande expresse de l'intéressé», le Président de la République prend alors un Décret qui le libère «de son allégeance à l'égard de la République de Madagascar».

La loi, en l'occurrence le Code de la Nationalité en son article 42, libère également de cette allégeance «le Malgache qui acquiert volontairement une nationalité étrangère (et qui) perd sa nationalité malgache». Andry Rajoelina ayant demandé et obtenu la nationalité française en 2014, suivant un acte signé par le Premier Ministre et le Ministre français de l'Intérieur, n'était plus éligible en 2018.

Selon en effet l'article 46 des Constitutions de 1993 et 2010 : «Tout candidat aux fonctions de Président de la République doit être de nationalité malagasy». Cette exigence n'existait pas dans les Constitutions de 1959 et 1975. Par contre, l'article 46 de la Constitution de 2007 poussait plus loin encore la préférence nationale : «Tout candidat aux fonctions de Président de la République doit être de nationalité malagasy d'origine par le père et la mère». Le texte de 2010, ourdi et voté dans les conditions de fait accompli que l'on sait, s'empressa de supprimer cette clause de préférence nationale.

L'acte de votation des 7 novembre et 19 décembre 2018, exercice de la souveraineté nationale, peut-il valoir abrogation implicite de toutes dispositions contraires, et surtout de l'exigence de nationalité malgache, pour tout candidat à la présidence de la République ?

En effet, un avocat pourrait soutenir que «la souveraineté nationale appartient au peuple qui l'exerce par ses représentants et par la voie du référendum», comme le proclame l'article 3 de la Constitution française de 1958, dont l'esprit a été fidèlement repris par les Constitutions malgaches (article 3 de 1959, article 6 de 1992, article 6 de 2007, article 5 de 2010): «La souveraineté appartient au peuple, source de tout pouvoir, qui l'exerce par ses représentants élus au suffrage universel direct ou indirect, ou par la voie du référendum». L'article 4 de 1975 a essayé d'introduire la coloration idéologique de son temps : «Le peuple exerce son pouvoir, soit directement, au sein des Fokonolona, ou par voie de référendum, soit par délégation au Président de la République et à l'Assemblée Nationale Populaire».

Error communis facit jus : une erreur commune fait le droit. Faute pour la commission de contrôle des dossiers de candidature d'avoir fait correctement son travail, tout le monde a été induit en erreur. Son nom et ses caractères physiques, au sens de l'article 11 (nouveau) du Code de la Nationalité, laissant penser qu'il est authentiquement Malgache.

La loi française n'exige pas qu'un étranger devenu Français renonce à sa nationalité d'origine. La loi française n'exige pas non plus qu'un Français ayant acquis une autre nationalité renonce à la nationalité française. Manuel Valls, binational Espagnol et Français, avait été Ministre de l'Intérieur puis Chef du Gouvernement en France, avant de se présenter aux primaires pour l'élection présidentielle en France.

Aux États-Unis, Ted Cruz, né au Canada d'une mère américaine et d'un père cubain, était candidat aux primaires républicaines de 2016. On lui reprocha sa binationalité : américaine (par filiation) et canadienne (droit du sol automatique). Il se défendit en disant «I never taken affirmative steps to claim Canadian citizenship» (je n'ai jamais entamé de démarche volontariste pour obtenir la nationalité canadienne), non sans devoir produire un certificat de renonciation à la nationalité canadienne.

Dans sa formulation obscure, l'article 44 de la Constitution australienne énonce une hantise de base, la peur d'un ennemi de l'intérieur : «Toute personne qui est soumise à toute reconnaissance d'allégeance, d'obéissance ou d'adhésion à une puissance étrangère, ou est un sujet ou un citoyen ou ayant droit aux droits ou privilèges d'un sujet ou d'un citoyen d'une puissance étrangère sera incapable d'être choisi ou de siéger en tant que sénateur ou membre de la Chambre des représentants» (et donc de devenir Chef du Gouvernement).

«Allégeance, obéissance, adhésion à une puissance étrangère» : questionnement juridique, dimension politique, mais également discussion philosophique d'un choix de société.

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