Congo-Kinshasa: Pramila Patten en RDC - « Les violences sexuelles sont dévastatrices, il faut agir maintenant avant qu'il ne soit trop tard

communiqué de presse

Carine Tope

Il y a 10 ans, les Nations Unies et le Gouvernement congolais signaient un communiqué conjoint portant sur la lutte contre les violences sexuelles liées aux conflits en République Démocratique du Congo.

Ce document signé le 30 mars 2013 et amendé en 2015, constitue un acte d'engagement solennel entre les deux parties et vise à mettre en oeuvre des mécanismes solides de lutte contre les violences sexuelles en zones de conflits, à mettre fin à l'impunité pour les auteurs mais aussi permettre l'accès à la justice et la réparation pour les victimes.

La Secrétaire générale de l'ONU chargée des violences sexuelles commises en zones de conflits, Pramila Patten, a participé ce 15 juin à Kinshasa, à la cérémonie organisée pour la commémoration du 10ème anniversaire de la signature du Communiqué conjoint.

Devant une assemblée constituée d'officiels du Gouvernement et de la Présidence de la République, des ONG et activistes impliqués dans la lutte contre les violences sexuelles, Madame Patten s'est dit choquée du degré croissant de la violence perpétrée sur les femmes et les jeunes filles dans les zones en proie à l'insécurité notamment le Nord-Kivu et l'Ituri.

« J'ai visité le camp des déplacés de Bulengo à Goma, j'ai été frappée par la brutalité des violences sexuelles », a-t-elle soutenu, avant d'ajouter qu'il est crucial d'assurer une assistance immédiate adéquate à toutes ces victimes, et de veiller au renforcement de la sécurité autour des camps des déplacés internes et créer un environnement protecteur afin de mettre fin à ces violences.

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Elle a rappelé, non sans pincement au coeur, que la violence sexuelle est l'une des formes de violence les plus dévastatrices. « Les cicatrices sont durables. Les survivantes et survivants souffrent de blessures physiques, de traumatismes psychologiques, de marginalisation socio-économique, de discrimination et de stigmatisation ».

Parlant des statistiques, elle rappelé que du 17 au 30 avril 2023, les équipes de Médecin Sans Frontière (MSF) ont soigné 674 victimes de violences sexuelles dans six sites de déplacés internes au Nord-Kivu. Rien qu'au premier trimestre 2023, la MONUSCO a documenté 187 cas dans les provinces du Nord et Sud Kivu, de l'Ituri et du Maniema. En 2022, l'UNICEF a rapporté plus de 38.000 cas de violences sexuelles basées sur le genre au Nord-Kivu.

Madame Pratten a affirmé avec peine que l'UNICEF rapporte même « une recrudescence des violences sexuelles contre les enfants, avec des victimes de 3 ans abusés sexuellement ».

Des efforts pour mettre fin à la violence

Pramila Patten s'est toutefois réjouie de la promulgation en RDC, le 26 décembre 2022, de la loi fixant les principes fondamentaux relatifs à la protection et à la réparation des victimes de violences sexuelles liées aux conflits et des victimes de crimes contre la paix et la sécurité de l'humanité. « Cette loi permettra de régler une dette historique en termes de réparations avec les survivants des violences sexuelles ; il est extrêmement urgent d'agir maintenant pour que cette situation temporaire par essence ne devienne pas pérenne et incontrôlable ».

Elle a ainsi plaidé pour que des efforts supplémentaires nécessaires soient mis en oeuvre afin d'assurer la vulgarisation de cette loi et la sensibilisation des parties prenantes. « J'invite ainsi les organisations de la société civile à jouer un rôle important pour atteindre cet objectif », a-telle lancé.

Du haut de la tribune de cette commémoration, Mireille Masangu, ministre du Genre, famille et enfants a rappelé que la question des violences sexuelles préoccupe au plus haut point le gouvernement. « Il existe une stratégie nationale du gouvernement de lutte contre la violence », indique-t-elle.

Madame Masangu a également évoqué la politique de tolérance Zéro pour les auteurs des viols, lancée en 2021, des accords de Kinshasa sur la masculinité positive, du projet du gouvernement pour la création d'un fonds national pour la réparation des victimes et des enfants nés de viols, ainsi que la mise en place d'une Task Force pour le suivi et évaluation de ce projet.

L'armée n'est pas en reste

Du coté des Forces armées de la République, indexées comme auteurs des violences sexuelles en zone de conflits, on affirme que plusieurs mécanismes sont déjà en marche pour inverser cette tendance.

C'est dans ce cadre qu'une commission de suivi et évaluation pour la lutte contre les violences sexuelles est mis en place depuis 2015, a déclaré le général Batabombi Apanza qui préside cette commission. Il ajoute qu'il existe un plan d'action axé sur 5 piliers pour arriver à inverser cette tendance : La prévention des violences, la répression des auteurs, la communication, la protection et l'évaluation.

Parlant du volet répression, le général Apanza a affirmé que plus 1291 militaires auteurs des viols sont déjà déférés devant la justice militaire, 550 ont déjà été jugés et 541 cas sont en cours d'instruction. Il a indiqué en guise de conclusion que « l'armée est engagée dans cette lutte, les militaires jugés coupables subissent déjà la rigueur de la loi, nous plaidons auprès de l'ONU de nous soustraire de sa liste noire, au regard des efforts fournis dans ce combat ».

Rappelons que l'armée congolaise figure sur la liste noire de l'ONU pour des cas de viol à répétition perpétrés par des officiers et hommes de troupes en zones de guerre.

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