Afrique de l'Ouest: Allocution du représentant spécial et chef de la MINUSMA au Conseil de Sécurité - 16 JUIN 2023

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Madame la Présidente du Conseil,

Distingués représentants permanents des Étatsmembres du Conseil,

Son Excellence le Ministre des Affaires étrangères etde la Coopération internationale de la Républiquedu Mali, mon cher frère Abdoulaye Diop,

Mesdames et Messieurs,

Je voudrais, de prime abord, remercier la Présidente du Conseil et les autres membres de cet auguste organepour l'opportunité qui m'est donnée de m'adresser,encore une fois, à lui.

Le moment est évidemment particulier pour la Mission,coïncidant avec les discussions sur le renouvellement de son mandat, ainsi que pour le Mali, qui continue defaire face à de complexes défis sécuritaires et autres.

Madame la Présidente,Mesdames etMessieurs,

Après-demain, se tiendra le référendum constitutionnel qui marquera la première étape du processus devant aboutir à la restauration de l'ordre constitutionnel auMali. Ce scrutin devait initialement se tenir le 19 mars. Les autorités n'ont pas encore précisé ce que pourrait être l'impact du retard qui a été accusé dans la tenue du référendum sur d'autres scrutins figurant dans le chronogramme rendu public en juin 2022 - les élections locales et régionales ainsi que les législatives,prévues respectivement en juin et en octobre/novembre 2023. Mais les autorités ont réitéré leur engagement àconclure la transition en mars de l'année prochaine,conformément au calendrier convenu avec laCEDEAO. L'élection présidentielle est prévue au mois de février 2024.

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Le projet de Constitution, objet du référendum, a fait suite aux Assises nationales de la Refondationorganisées en décembre 2021. Les discussions quiavaient alors

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eu lieu ont révélé une forte aspiration à la reforme, notamment une gouvernance plus vertueuse, qui a sous-tendu nombre des recommandations issues de cesAssises.

Le texte constitutionnel tel que finalisé a fait l'objetd'appréciations divergentes de la part des acteurs locaux, qu'ils appartiennent à la classe politique, à la société civile ou à des groupes religieux.

Il reste que plusieurs partis politiques, y compris des formations ayant dominé la vie politique ces dernières décennies, des organisations de la société civile etd'autres acteurs ont marqué leur soutien, appelant àvoter oui au référendum. Les partisans du non incluent aussi des groupements politiques et des organisationsreligieuses. La campagne référendaire, qui a commencéle 2 juin, se conclut aujourd'hui.

Les autorités ont mobilisé d'importants moyens pour la tenue du référendum, y compris ceux de l'armée de l'air malienne mise à contribution pour transporternotamment du matériel électoral. Il importe de s'en féliciter.

Conformément à notre mandat, la MINUSMA et l'équipe-pays des Nations unies apportent un soutienmultiforme à ce processus. Celui-ci inclut unecontribution au transport du matériel requis pour leréférendum ainsi qu'au transport de personnelsimpliqués dans ce processus, et la mise à disposition demoyens roulants et d'équipements ; la formation, y compris au profit de membres de l'Autorité indépendante de gestion des élections, le déploiement de 182 agents pour assister l'AIGE sur le terrain, et la mobilisation d'une expertise technique ; un voletportant sur vulgarisation du projet de Constitution enappui au Conseil national de transition ; et l'accompagnement de la Cour constitutionnelle dansl'exercice de responsabilités qui lui sont attribuées.

Notre implication se situe dans le prolongement dusoutien que nous avons apporté à la Transition depuis son lancement, y compris dans le cadre du Comité localde suivi de la Transition, qui comprend aussi laCEDEAO et l'Union africaine.

Madame la Présidente,Mesdames etMessieurs,

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Les débats qui ont eu lieu au sujet du projet de Constitution auront montré, s'il en était besoin, les liens étroits qui existent entre le processus de transition et le processus de paix.

En effet, l'une des questions qui a surgi dans le cours des débats sur le projet de Constitution a porté sur lamesure dans laquelle le texte prend en compte l'Accordpour la paix et la réconciliation issue du processus d'Alger. Le 28 mars 2023, la Coalition desMouvements de l'Azawad, la Plateforme et une partiedes Mouvements de l'Inclusivité, regroupés au sein du Cadre stratégique permanent pour la paix, la sécurité etle développement (CSP/PSD), ont diffusé uncommuniqué dans lequel ils ont indiqué ne pas se reconnaître dans le projet de Constitution.

D'autres mouvements signataires de l'Accord ont prisdes positions contraires,

appelant à voter oui au référendum.

Pour rappel, en décembre de l'année dernière, lesMouvements signataires avaient annoncé la suspensionde leur participation aux mécanismes de suivi de lamise en oeuvre de l'Accord, invoquant ce qu'ils ont jugé être un manque d'engagement de la part du gouvernement. Des efforts soutenus ont été déployés depuis par la Médiation pour surmonter ces difficultés.

La visite du Ministre de la Réconciliation nationale àKidal le 12 mai a constitué une étape importante à cet égard, qui devait recréer la confiance et faciliter la reprise du dialogue direct entre les parties. Dans ce contexte, nous, MINUSMA et l'Algérie entant queChef de file, avons aussi cherché à aider les partiesmaliennes à surmonter leurs divergences sur le projetde Constitution, commettant une expertise internationale pour faciliter une compréhension commune de la relation entre ce dernier texte et l'Accord de paix. Il est ressorti de cet exercice que riendans le projet de Constitution ne s'oppose à la mise en oeuvre de l'Accord, y compris la prise des dispositions législatives et réglementaires relatives au cadreinstitutionnel et à la réorganisation territoriale.

C'est dans ce contexte que la Médiation, après desconsultations approfondies avec les parties conduitespar l'Algérie en sa qualité de chef de file et laMINUSMA, a, le 11 juin, publié un communiqué sur lasituation. Celui-ci a énuméré les éléments sur

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la base desquels le processus de paix pourraitredémarrer et demandé aux Mouvements signataires de faciliter le vote anticipé, intervenu le 11 juin, desmembres des Forces de défense et de sécuritémaliennes dans les zones concernées du Nord du Mali, et ce dans le cadre d'efforts d'ensemble visant à assurer le bon déroulement, sur l'ensemble du territoire malien, du référendum constitutionnel du 18 juin.

Il est regrettable que l'appel pour le vote des membres des FDSM dans la région Kidal n'ait pas été entendu.

J'encourage les parties à rechercher un consensus surles questions qui les divisent, et ce sur la base ducommuniqué de la Médiation du 11 juin. Commesouligné dans ce texte, les difficultés que connaît leprocessus de paix n'ont rien d'insurmontable et toutevoie autre que celle du dialogue ne conduira qu'àdavantage de souffrances pour le peuple malien et àplus d'instabilité pour la région.

Madame la Présidente,Mesdames etMessieurs,

La reprise du cours normal du processus de paix permettra de s'attaquer plus efficacement à la situation sécuritaire. Celle-ci reste marquée par la pression quecontinue d'exercer l'Etat islamique dans le Nord Est du Mali, dans les régions de Gao et de Menaka, et ses actes incessants de violence contre les populationsciviles.

Dans le centre du pays, les groupes terroristes et lesmilices d'autodéfense communautaires continuent d'être actifs. Un des faits marquants de la période sous examen a été l'attaque complexe perpétrée le 22 avril à Sevare contre une base des Forces armées maliennes dans cette localité, attaque que les FAMAs ontrepoussée.

Il convient de relever ici que, pendant la période sous examen, les FAMA ont conduit plusieurs opérations en différentes parties du territoire malien. Il en est renducompte dans le rapport qui vous est soumis.

La MINUSMA a également été la cible d'attaques, laplus récente étant celle

intervenue le 9 juin à côté de la localité de Ber, à unesoixantaine de kilomètres de

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Tombouctou. Deux soldats burkinabés ont perdu la vie et sept autres ont été blessés. Depuis janvier 2023, cinq casques bleus ont trouvé la mort et 31 blessés lorsd'actes hostiles.

Les civils maliens paient un lourd prix à l'insécurité. Un élément à relever ici à trait à l'impact des engins explosifs improvisés, qui sont l'une des armes préférées des groupes terroristes. La Mission conduit plusieurs activités de sensibilisation des populations au danger que posent les engins explosifs improvisés, en plus de la coopération étroite que nous entretenonsavec les Forces armées maliennes en ce domaine.

La persistance de l'insécurité affecte évidemmentnégativement la situation humanitaire. À la date de mai2023, le nombre de déplacés internes s'élevait à 375539 personnes, se trouvant pour 55 % d'entre elles dans les régions du Centre et 40 % dans celles de Gao,Kidal, Ménaka et Tombouctou.

Cette année, 8,8 millions de personnes auront besoin d'assistance humanitaire dans l'ensemble du pays. Il est préoccupant de noter dans ce contexte que le plan deréponse humanitaire n'était, à la date de mai 2023,financé qu'à hauteur de 11% des 751 millions dedollars requis.

Par ailleurs, la Mission a poursuivi la mise en oeuvre son mandat dans le domaine des droits de l'homme.Dans ce cadre, nous avons continué à appuyer desprogrammes de formation au profit de membres des Forces de défense et de sécurité maliennes. Enparallèle, nous avons continué à enquêter sur lesallégations de violations des droits de l'homme - dont la majorité se déroule ex situ du fait de difficultés d'accès et/ou d'absence d'autorisations de la part des autorités. Notre note trimestrielle sur les droits de l'homme pour la période janvier-mars est en cours definalisation et devrait être publiée vers la fin de ce moisaprès les consultations d'usage avec le gouvernement malien.

Un des développements majeurs de la période s'agissant des droits de l'homme a été la publicationpar le Haut-Commissariat des Nations unies aux Droitsde l'Homme de son rapport sur l'incident de Moura, dont les conclusions ont suscité une forte réaction de lapart des autorités maliennes. Celles-ci ont annoncél'ouverture d'une enquête.

Madame la Présidente,Mesdames etMessieurs,

Le mandat de la MINUSMA touchant à sa fin, et dans la perspective de la décision que votre Conseil aura à prendre, il est utile de porter un regard sur le bilan del'année écoulée et de tirer des leçons pour la suite denos efforts.

Trois aspects me semblent importants de ce point devue.

Premièrement, et en dépit de l'environnement complexe dans lequel elle opère et des contraintes multiples auxquelles elle est confrontée, y compris les restrictions à la liberté de mouvement, la Mission s'est employée à mettre en oeuvre son mandat de la manière la plus efficace qui soit. Je voudrais ici mettre en exergue le soutien au processus de transition ; le rôle que nous jouons dans le cadre de la Médiationinternationale dirigée par l'Algérie pour faciliter larelance du processus de paix ; et l'action conduite enappui aux parties pour le maintien du cessez-le-feu.

Il est tout aussi important de relever l'action stabilisatrice de la présence de la Mission dans lescentres urbains et les efforts orientés vers la protectionde populations civiles ; l'aide multiforme apportée aux initiatives, efforts de l'Etat malien pour la restauration et l'extension de son autorité ; les projets multiplesconduits au profit de populations civiles tant dans le Centre que dans le Nord ; et la contribution audéveloppement d'infrastructures. Notre réponse se veutrésolument multidimensionnelle pour aider à prendre en charge les différentes facettes de la crise quetraverse le Mali.

Ces efforts sont certes cruciaux et constituent pour de nombreux civils un soutien précieux. Mais reconnaissons-le, nous pouvons et devons faire plus et mieux, beaucoup mieux, pour que nous puissions nous hisser à la hauteur des besoins, et pour que notre action réponde mieux aux exigences de l'heure, à la demande de sécurité des populations, qui est certainement lachose la mieux partagée au Mali.

À cet égard, l'on ne soulignera jamais assez le caractère fondamental que revêt la coopération de l'Etat hôte, la relation de confiance bâtie ou à bâtir avec lui. Il est utile ici de rappeler l'insistance mise parla revue interne stratégique sur la MINUSMA sur la nécessité d'une relation stable et prévisible. Il y'a une attente légitime du peuple malien de voir notre actionproduire des résultats plus importants. Et les critiques exprimées sont parfaitement compréhensibles. Mais cette efficacité accrue ne peut être que le résultat d'une coopération plus étroite,d'une relation plus confiante.

Enfin, la question du mandat de la MINUSMA acontinué à alimenter les discussions au Mali quant à son degré de robustesse. C'est là évidemment une question qui relève de l'appréciation du Conseil. Je voudrais, pour ma part, mettre l'accent sur une question moins débattue, celle de la complémentarité entre l'action de l'Etat malien et l'action de la MINUSMA.La Mission a d'indéniables avantages comparatifs, qui peuvent et doivent plus effectivement être mis à contribution pour appuyer l'Etat malien. Cette articulation fonctionnelle est tributaire d'une relation de confiance entre les autorités maliennes et la MINUSMA. Elle nécessite un engagement plussoutenu du gouvernement à travers un dialogue régulieravec la Mission pour élargir le champ des possibilitéset saisir les multiples opportunités qui existent, au bénéfice des populations maliennes.

En conclusion, et après presque dix ans de présence, je voudrais souligner que la MINUSMA, comme toutesles autres opérations de maintien de la paix des Nationsunies, a vocation à créer les conditions de son départ en aidant le Mali à assurer la sécurité de sa population et de son territoire, ainsi qu'à poser les jalons d'unestabilité durable. C'est à cette tâche qu'il importe plus que jamais de s'atteler de façon volontariste et dans unesprit de concertation, de coopération et decomplémentarité.

Je vous remercie de votre aimable attention.

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