Cette année, plus de 380 start-up africaines ont présenté leur candidature aux AfricaTech Awards, dans le cadre du salon VivaTech, à Paris. Un nombre record qui témoigne du bouillonnement de la tech africaine, qui reste cependant un secteur largement dominé par les hommes.
Les AfricaTech Awards sont de retour au plus grand salon d'Europe dédié à l'innovation. Trois entreprises ou start-up africaines ont été récompensées jeudi soir au salon VivaTech de Paris pour leurs solutions innovantes dans les domaines de la ClimateTech, de la HealthTech et de la FineTech. Les lauréats bénéficieront d'un accompagnement, notamment financier, pour accélérer leur développement. Dans ce domaine, les femmes sont encore peu représentées. Notre reporter Clémentine Pawlotsky a tout de même pu rencontrer plusieurs startupeuses africaines, déterminées à se faire une place.
Pour Priscilla Muhiu, jeune entrepreneure kényane venue présenter la start-up de e-santé My Dawa, il est temps que les femmes prennent leur place dans le monde de la tech : « Allons-y ! Nous avons des idées incroyables ! N'ayons pas peur ! Je suis moi-même un mentor de Women in Tech. Donc à chaque fois que j'ai l'opportunité de travailler avec une femme qui lance son entreprise, je le fais. Donc, lançons-nous ! »
Des filières académiques déjà très masculines
Oser se lancer, c'est ce qu'a fait Boussoura Talla. Cette Sénégalaise a créé Réparek, une plateforme qui répare et recycle les équipements électroniques. « Nous, on est des femmes qui se lancent dans le recyclage des déchets. Déjà dans le domaine nous ne sommes pas nombreuses. Avant de lancer le projet, on a fait une enquête terrain, sur 50 réparateurs, il n'y avait qu'une seule femme. Donc, en tant que femme, forcément, il y a une sensibilité pour donner l'opportunité aux femmes d'avoir accès à ce marché-là et d'augmenter leurs sources de revenus. »
Si le domaine de la tech est pourvoyeur d'emplois, l'un des premiers défis reste d'attirer les femmes vers les formations dédiées, estime Kadia Traoré qui accompagne les entrepreneurs sénégalais. « Moi, je pense que c'est lié au parcours académique. Il n'y a pas beaucoup de femmes qui choisissent les filières scientifiques et technologiques. »
Aujourd'hui, moins de 10% des start-ups technologiques africaines sont dirigées par une femme PDG, selon une étude publiée mercredi par Disrupt Africa, une plateforme spécialisée dans les écosystèmes tech en Afrique.
« Les femmes font face à de nombreux obstacles, à commencer par leur propre famille »
Selon cette étude de Disrupt Africa les start-ups technologiques africaines dirigées par des femmes sont beaucoup moins susceptibles de lever des fonds que celles dirigées par des hommes. Entretien avec Paula Ingabire, ministre rwandaise des Technologies de l'information et de la communication & de l'Innovation, en visite au VivaTech.
RFI : Comment expliquer et surtout, comment remédier à ces inégalités de genre dans le domaine de la tech ?
Paula Ingabire : Je pense que c'est un défi mondial à relever. Dans la Tech comme dans beaucoup d'autres industries, les femmes sont fortement dominées par les hommes. C'est valable dans plein de secteurs. Si vous allez dans l'ingénierie civile, vous retrouverez cette domination masculine. Les femmes font face à de nombreux obstacles, à commencer par leur propre famille. Ca commence par le niveau d'éducation. Nous devons permettre à plus de jeunes filles de faire carrière. Cela implique de déconstruire l'idée selon laquelle certains domaines sont réservés aux hommes. Nous voyons des femmes, en particulier dans la tech, faire un travail phénoménal. Autre point important : si nous n'avons pas plus de femmes pour mettre en place des solutions technologiques, le fossé se creusera : moins de femmes auront accès à ces solutions et ces innovations ne conviendront pas à la population féminine.
Parfois, les barrières qui empêchent les femmes de se lancer dans l'entrepreneuriat, dans les start-ups, les métiers de la tech et de l'innovation viennent de leurs propres familles, dites-vous. Comment peut on faire évoluer les mentalités et les représentations ?
Je pense qu'il faut avoir ces conversations dans les familles où vous avez des garçons et des filles. Il faut les responsabiliser de la même manière. Vous pouvez avoir un garçon qui n'a pas l'esprit d'entreprise alors que votre fille l'a. Il faut bousculer les normes sociales au sein des familles, avant de parler du système d'éducation. Si ces jeunes filles rentrent chez elles et que leur parents leurs disent « Tu ne peux pas être ingénieure parce que tu es une fille, deviens plutôt infirmière », elles seront nombreuses à ne pas réussir. Il faut vraiment démystifier tout cela. C'est pour ça que les familles ont un rôle important à jouer.
Mais je suis très optimiste ! Les jeunes femmes de la nouvelle génération sont plus autonomes. Lorsqu'elles deviennent mères, elles transmettent leur connaissances, elles autonomisent leurs filles. Donc je pense qu'à l'avenir de plus en plus de femmes auront des chances égales aux hommes dans n'importe quel domaine. Peu importe à quel point cela peut sembler complexe.
Quel conseil donneriez-vous aux jeunes femmes africaines pour les encourager à innover, à creer des entreprises ?
En tant que femmes africaines, nous devons avoir en tête que nous représentons la part la plus importante de la population. Ca veut dire qu'aucune femme ne doit être laissée de côté. Mais n'attendons pas que des champions masculins nous invitent à leur table pour prendre des décisions ou nous donner des opportunités. C'est à nous de le faire ! Alors, à toutes les femmes africaines : vous pouvez le faire !
A noter que le Salon VivaTech ouvre ses portes au grand public demain (samedi) à la Porte de Versailles, à Paris.