Lors des manifestations meurtrières début juin, des images ont montré des civils armés ouvrir le feu dans la rue en direction de jeunes protestataires.
Les autorités parlent d'émeutiers étrangers qui se seraient infiltrés tandis que la société civile évoque, pour sa part, des policiers en civils. Plusieurs organisations internationales, dont l'Onu, ont souhaité que soit garantie l'indépendance de l'enquête ouverte sur ces violences, qui ont fait officiellement 16 morts, 23 selon Amnesty International. Désormais, au Sénégal, la question est de savoir qui étaient ces hommes en armes
"La majorité de ces personnes arrêtées était en possession de cocktails Molotov, armes blanches, armes à feu de gros calibre", selon le commissaire divisionnaire Ibrahima Diop, directeur de la Sécurité publique du Sénégal. Cette déclaration a été par la suite documentée en images par le chef des relations publiques de la police, le commissaire Mamadou Gueye. C'était le 4 juin dernier à Dakar.
"Ce sont des images qui montrent des personnes détentrices d'armes à feu. Et on a bien fait, tout à l'heure, de préciser qu'il s'agit bien évidemment d'armes de guerre détenues parfois par des profanes qui peuvent, de par la non-maîtrise de l'arme, commettre des faits dommageables. C'est suffisamment révélateur de la présence de personnes qui sont mues par des intérêts autres que l'expression des opinions", estime Mamadou Gueye.
"Il a pointé le pistolet sur moi"
Depuis cette déclaration officielle, la présence ou pas de civils, ou de policiers en civil, infiltrés parmi les manifestants fait polémique. Les mêmes vidéos présentées par la police circulent sur les réseaux sociaux et montrent ces civils armés, aux côtés des forces de sécurité.
Sous couvert de l'anonymat, un témoin raconte que "quand les enfants ont couru, je suis sorti. Les enfants ont couru. J'ai dit de ne pas tuer les enfants. Il a pointé le pistolet sur moi, je me suis accroupi et il est passé. Quelques minutes après, il a tué quelqu'un, ici, devant nous. On l'a déposé devant ma maison. Les femmes criaient."
Les organisations de défense des droits humains et les internautes dénoncent la présence de civils armés aux côtés des forces de police.
Des supplétifs de la police ?
Pour Seydi Gassama, directeur exécutif d'Amnesty Sénégal, le recours à ces supplétifs pose les prémices d'une insécurité sans précédent dans le pays.
"Si vous armez des civils pour mater des manifestants, les manifestants peuvent répondre à cette agression en s'armant eux aussi. Cela crée l'anarchie. Et c'est comme ça que commencent les guerres civiles dans tous les pays du monde", lance Seydi Gassama.
Les controverses sur les vidéos de civils armés, largement diffusées par les médias, ne sont pas propres au Sénégal, a rappelé le ministre de l'Intérieur, Antoine Félix Diome.
Celui-ci a précisé "qu'il appartiendra à la justice en définitive de dire la vérité". Une enquête judiciaire serait déjà ouverte sur ces hommes armés.