Algérie: Hymne algérien - Le troisième couplet, évoquant la colonisation française, ne passe pas à Paris

Le président Abdelmadjid Tebboune a rétabli par décret le troisième couplet du Kassaman l'hymne national algérien. Ce couplet qui évoque la colonisation française est qualifié d'anti-français. Catherine Colonna, la ministre française des Affaires étrangères, a estimé vendredi soir 17 juin que cette décision pouvait « apparaître à contre-temps » et qu'il fallait replacer l'hymne « dans son contexte de la décolonisation ».

Un décret présidentiel datant de mai dernier impose l'exécution du Kassaman, l'hymne national algérien, dans son intégralité lors de commémorations officielles en présence du président de la République.

Écrit par le poète Moufdi Zakaria durant la guerre d'indépendance (1954-1962), l'hymne national d'Algérie, adopté en 1963, compte cinq couplets. Le troisième couplet cite la France : « Ô France ! Le temps des palabres est révolu. Nous l'avons clos comme on ferme un livre. Ô France ! Voici venu le temps où il te faut rendre des comptes. Prépare-toi ! Voici notre réponse. Le verdict, notre révolution le rendra car nous avons décidé que l'Algérie vivra. »

Ce troisième couplet n'a jamais été supprimé malgré des tentatives comme durant la présidence de Chadli Benjedid. Dans un décret de mars 1986, un article stipulait qu'il « peut être procédé à l'exécution de l'hymne national dans des circonstances ou situations spécifiques, dans sa version intégrale ou réduite », rappelle TSA. Ce décret n'avait « pas fixé clairement » quand l'hymne national pouvait être exécuté dans sa version intégrale ou expurgé du couplet anti-français. « Ce nouveau décret est en somme une manière de formaliser les choses », estime le site d'information, observant que « dans la pratique, l'exécution du couplet citant la France a été rétablie depuis quelques années ». « Il a été notamment exécuté lors de la cérémonie d'investiture du président Abdelmadjid Tebboune le 19 décembre 2019 », rappelle TSA.

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La cheffe de la diplomatie française a estimé qu'un décret étendant l'utilisation d'un couplet évoquant la France coloniale dans l'hymne national de l'Algérie pouvait « apparaître à contre-temps » au moment où les deux pays s'efforcent de donner un nouvel élan à leur relation.

Ce nouveau décret présidentiel pris en mai est venu modifier celui de 1986. « Sa teneur peut être interprétée comme une manière (...) de rendre obligatoire l'exécution des cinq couplets dans les situations prévues par la loi », a expliqué cette semaine TSA. Interrogée sur LCI vendredi soir, Catherine Colonna a souligné que c'était « très daté » et qu'il fallait replacer « cela dans son contexte de la décolonisation ».

Mais elle a aussi souligné qu'elle s'interrogeait sur « la décision d'étendre l'usage d'un hymne qui date d'une autre époque au moment même où le président de la République Emmanuel Macron et le président (algérien Abdelmadjid) Tebboune ont décidé, à l'été dernier, de donner un nouvel élan à nos relations ».

Une visite du président Tebboune était annoncée en France en mai -en réponse à celle d'Emmanuel Macron à Alger l'an dernier, visite reportée à juin, puis sine die car l'embellie s'est ennuagée. Alger voit d'un mauvais oeil les récentes mises en cause de l'accord migratoire franco-algérien dans le projet de loi des Républicains, dans les déclarations d'Edouard Philippe et dans le nouveau livre de l'ancien ambassadeur de France en Algérie, Xavier Driencourt.

Vers une renégociation d'un accord sur l'immigration avec l'Algérie? L'ancien Premier ministre d'Emmanuel Macron, Édouard Philippe, prône une renégociation d'un accord de 1968 avec l'Algérie sur les sujets migratoires, position relayée par d'autres responsables de droite au moment où le sujet de l'immigration est de nouveau au centre du débat politique français. Cette proposition, qui pourrait de nouveau tendre les relations délicates entre Paris et Alger, refait surface alors qu'une visite du président algérien est prévue prochainement, même si les dates n'ont pas encore été fixées.

L'accord de 1968 organise l'entrée, le séjour et l'emploi des Algériens en France, selon des règles dérogatoires au droit commun. Sur certains points, les Algériens sont favorisés par rapport aux autres étrangers (notamment en matière de regroupement familial), sur d'autres, ils sont perdants (notamment pour les étudiants).

Dans une note publiée fin mai pour le centre de réflexion libéral Fondation pour l'innovation politique, l'ancien ambassadeur de France en Algérie Xavier Driencourt appelle également à la dénonciation de cet accord. Le président de droite du Sénat Gérard Larcher s'est également dit favorable à un réexamen, au moment où la majorité présidentielle veut essayer de trouver un compromis avec la droite pour un énième projet de loi sur l'immigration.

Les déclarations d'Édouard Philippe ont suscité de nombreuses critiques dans la presse algérienne. Interrogé jeudi 8 juin, le ministère français des Affaires étrangères s'est borné à dire que « l'accord de 1968 et, de façon générale, la coopération et les échanges entre nos deux pays, font évidemment l'objet d'un dialogue régulier avec nos partenaires algériens ». La France a délivré 600 000 « certificats de résidence » pour des Algériens en 2022, selon la statistique publique.

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