Ile Maurice: Akil Bissessur, avocat - «L'ASP Jagai disait 'oui Madame, oui Madame' au téléphone»

Il persiste et signe. Le seul motif de son arrestation, dit-il, c'est l'affaire Rigg Needroo, contre lequel l'épouse du Premier ministre, Kobita Jugnauth, avait porté plainte pour diffamation en 2018.

L'avocat, arrêté ainsi que sa compagne par la SST de Jagai, affirme que ces derniers seraient venus pour s'emparer du dossier et qu'ils en ont profité pour planter de la drogue chez lui. L'homme de loi a révélé il y a quelques jours que le sac emporté par les policiers le jour de la perquisition contenait une clé USB avec des informations confidentielles qui allaient être produites lors du procès.

Pour la première fois mardi, vous avez mentionné un «pen drive» qui se trouvait dans le sac emporté par la Special Striking Team (SST) le jour de votre arrestation...

En effet, ils sont venus pour prendre le pen drive et le dossier de Rigg Needroo (NdlR, contre lequel l'épouse du Premier ministre, Kobita Jugnauth, avait porté plainte pour diffamation en 2018). Ce dernier m'avait remis cette clé USB qui contenait des informations ultraconfidentielles qui allaient être mises au jour lors du procès. Malheureusement, l'affaire a été rayée. Je ne pouvais divulguer le contenu du pen drive avant car il s'agissait de preuves que j'allais avancer lors du procès. Mais les hommes de la SST en avaient eu vent et ont tout planifié. Ils devaient justifier la fouille et me piéger. Plusieurs fois on a essayé de m'avoir mais toutes les affaires ont été rayées en cour. Cette fois, ils ont planté de la drogue chez moi.

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Que contient au juste ce «pen drive» ? En avez-vous toujours une copie ?

Comme je l'ai dit, c'est dommage que l'affaire de Rigg Needroo ait été rayée. Vous l'auriez su sinon. Si je vous le dis maintenant, j'irai contre l'éthique professionnelle. En temps et lieu, vous saurez s'il y a une copie...

Pourquoi n'y a-t-il aucune enquête ni affaire en cours concernant les allégations de 'planting' ?

Bien que les charges provisoires ont été rayées, le patron de la SST, l'ASP Jagai, maintient, lui, que le «main case» est toujours «on» car l'enquête est en cours...

Ils enquêtent sur quoi exactement ? Il n'y a aucun élément sur lequel enquêter car tout a été planifié ! De toute façon, c'est le bureau du Directeur des poursuites publiques (DPP) qui décidera s'il y aura un main case ou pas. Je précise qu'ils n'ont pas fait appel du jugement. Si la magistrate Vidya Mungroo-Jugurnath a précisé qu'il n'y a aucune «reasonable suspicion», alors sur quoi vont-ils enquêter ? D'ailleurs, après mon arrestation, la SST n'a pas poursuivi l'enquête car le but de mon arrestation était finalement de me piéger et de saisir le dossier de Rigg Needroo, je ne cesserai de le répéter. Toujours aussi grave, le jour de l'arrestation de Rama Valayden, en ma présence, la SST a déclaré : «Nou pa pran lord ek DPP.»

Vous faites souvent référence à une conversation téléphonique entre l'ASP Jagai et une «lady» le jour de votre arrestation...

Au niveau de l'avenue Hillcrest à Sodnac, il y a plusieurs caméras. Alors qu'ils procédaient à une deuxième fouille chez moi à Dreamton Park, j'ai fait comprendre à l'officier qui m'accompagnait qu'il y avait des caméras de surveillance et que tout serait enregistré. Immédiatement, il a passé un appel et le cortège de voitures s'est arrêté devant un mini-market où il y avait également des caméras. Les officiers sont descendus pour fumer. J'étais dans la voiture, Ashik Jagai est venu près de la voiture et la vitre était baissée.

Il parlait à quelqu'un au téléphone et disait : «Oui Madame, nous allons aussi planter de la drogue.» Je pouvais l'entendre clairement. À plusieurs reprises, il disait «Oui Madame, oui Madame...» (NdlR, la question a été soulevée par le journaliste Murvind Beetun lors de l'émission Radar Lepep mercredi, mais elle a été 'contournée' par l'ASP Jagai). Il ne pouvait s'agir ni de son épouse, ni d'une responsable de la force policière, à moins qu'il ne les appelle «Madame», ce qui, vous en conviendrez, serait fort bizarre.

La fouille chez moi a duré dix minutes seulement, mon appartement est resté intact et ils n'ont rien trouvé. J'ai rapporté tout cela dans mes dépositions et j'ai même demandé que les images des caméras de Safe City à Sodnac soient visionnées pour confirmer mes dires. Mais comme l'a indiqué la magistrate Mungroo-Jugurnath dans son ruling, aucune enquête n'a été menée.

N'empêche, malgré vos allégations, le patron de la SST réfute catégoriquement les allégations de «planting».

Avant tout, la police doit réellement enquêter sur ces cas et transmettre le dossier au bureau du DPP afin d'obtenir des condamnations. Pourquoi n'y a-t-il aucune enquête, ni affaire en cours sur les allégations de planting ? Toutes les accusations portées contre moi dans le passé ont été rayées, il fallait trouver quelque chose de plus solide pour me piéger. Pourquoi une centaine de policiers ont-ils dû débarquer chez moi ce jour-là ? Le Central Criminal Investigation Department a même refusé de me placer en garde à vue en raison de mes blessures. Ils ont fait preuve de violence. Mais tout sera finalement révélé au grand jour.

*N.B: Nous avons tenté, en vain, d'obtenir des déclarations de l'ASP Jagai dans le sillage de cet entretien.

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