Ile Maurice: Drogues - Constat stupéfiant

Le Premier ministre, en réponse à la «Private Notice Question» du leader de l'opposition lundi sur l'affaire Vimen, a annoncé que de janvier 2015 à mai 2023, la police a détecté plus de 25 345 cas et arrêté 22 000 personnes. Combien ont été condamnées ? Pravind Jugnauth ne l'a pas précisé...

C'est le chiffre qu'il aurait dû donner pour montrer qu'il «kas vrémem lérin mafia», confient depuis plusieurs travailleurs sociaux, dont Ally Lazer, le président de l'association des travailleurs sociaux de Maurice. Il soutient que le nombre d'arrestations est important mais le plus flagrant, c'est que le nombre de personnes condamnées pour consommation de drogue est plus élevé que ceux condamnés pour trafic. «D'après mes informations, 80 % de personnes en prison en lien avec la drogue sont des usagers et non pas des caïds de la drogue.»

Selon un avocat, les arrestations ont lieu normalement lors de la saisie de drogue pour possession ou trafic ; la personne peut recouvrer la liberté le même jour ou après quelques jours passés en cellule policière en attendant que la police termine son enquête. Ally Lazer confie que le chiffre avancé des cas détectés et des personnes arrêtées ne le choque pas car étant sur le terrain depuis longtemps, il sait que la situation empire d'année en année. Maurice qui avait dans le passé raflé la médaille d'or pour la consommation d'héroïne est depuis 2020 «médaillé d'or du synthétique.»

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Il explique que la situation empire aussi en partie avec des policiers ripoux qui «font leur enquête.» «Aujourd'hui, les bandes sonores de Vimen viennent confirmer qu'il y a complicité des autorités dans le trafic de drogue, que fera le gouvernement pour y remédier ? On entend dire que dans une cargaison, 75 % de la drogue va au trafic et 25 % à ces policiers pourris qui veulent piéger des opposants du pouvoir.

Bé koumsa ki pou kas lérin mafia ? Moi je l'ai toujours dit et je le redis, le plus grand obstacle dans la lutte contre la drogue est la corruption, mais aussi la protection de forces occultes.» Il cite son cas, expliquant qu'il avait déposé devant la commission d'enquête sur la drogue, présidée par l'ancien juge Paul Lam Shang Leen, et avait donné le nom de 136 trafiquants de drogue - qui seraient tous toujours dans le «business». «L'ex-juge a fait son travail comme il se doit mais pourquoi a-t-on mis le rapport dans un tiroir ?»

Un autre travailleur social confie que la situation est très tendue sur le terrain car après le cas Franklin, certains caïds sèmeraient la terreur dans certains endroits pour qu'aucune information ne soit divulguée à leur sujet. «Il est difficile d'accéder à certains endroits, par exemple, où nous avions l'habitude de faire du terrain. Ce qui prouverait que le trafic continue de plus belle. Péna enn zour ki pa finn ena péniri dan péi, malgré le confinement et la fermeture des frontières.»

Du côté de la brigade antidrogue, l'on explique que l'on craint le transfert et les «représailles venant d'en-haut» depuis quelque temps déjà et pour éviter tout «problème», certaines équipes arrêtent uniquement des usagers de drogue. «C'est plus simple, nous faisons un ou deux cas de possession et on a fini. L'on ne fait plus vraiment un travail de terrain où chacun vient avec des informations crédibles. On ne dit pas qu'on ne fait pas du tout ce cas de trafic de drogue, mais ce n'est plus aussi régulier car il y a une frayeur.» Par exemple, explique notre interlocuteur, il y a souvent des cas de drogue retrouvée sur des terrains en friche et ce n'est pas un hasard. «C'est mis là pour qu'on la trouve, il n'y a pas de course poursuite, ni de piste. Un informateur-trafiquant le met là en échange de la protection de la police. On avons un cas et eux ils sont tranquilles.»

Ce que la police pense du «show Jagai»

L'émission avec l'ASP Ashik Jagai pendant plus de trois heures sur les ondes de Top FM a été suivie par bon nombre de Mauriciens, y compris des officiers de la force policière. Depuis l'annonce de Top FM donc, le débat était autour du dévoilement de son visage au public. «Nou tou ti pé demandé si li pou vinn lor plato ek so mask.» Ce qui aurait été plus logique car étant donné que la Special Striking Team travaille sur des dossiers de drogue, des high-profile cases et a sur son radar plusieurs trafiquants, Jagai aurait dû garder l'anonymat.

Mais l'on s'interroge aussi sur ses qualités. Car il doit en posséder pour avoir tenu plus de 30 ans à l'Anti-Drug and Smuggling Unit. «Alors que les transferts sont récurrents, comment a-t-il pu passer autant d'années dans une seule et même unité ?» Bref, eux aussi s'attendaient à avoir des réponses mais ils sont restés sur leur faim. «Nous ne comprenons pas la logique du commissaire de police d'avoir accepté qu'il parle ouvertement. Il n'a pas blanchi le nom de la SST car il n'a donné aucune réponse finalement», expliquent plus d'un.

En chiffre

De janvier 2015 à mai 2023, Rs 15 milliards de drogues ont été saisies par les autorités.

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